La ville d’Arta à Djibouti a abrité le rêve de la réconciliation somalienne

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Publié le Dimanche 26 octobre 2025

La ville d’Arta à Djibouti a abrité le rêve de la réconciliation somalienne

  • En 2000, la ville d’Arta à Djibouti a accueilli la Conférence de réconciliation somalienne
  • Cette initiative, portée par Djibouti et soutenue par la communauté internationale, reste un modèle de dialogue politique et de réconciliation arabo-africaine

Parmi ses collines paisibles et la chaleur de son peuple, la ville djiboutienne d’Arta a inscrit l’une des plus belles pages de la réconciliation en Afrique contemporaine, en l’an 2000. Elle a rédigé un chapitre lumineux de l’histoire africaine et arabe en accueillant la Conférence de réconciliation somalienne, qui dura quatre mois et rassembla, sous une même tente, des milliers de Somaliens issus de toutes les tribus et courants, venus de l’intérieur du pays et de la diaspora, pour poser ensemble les premières pierres d’un projet de paix attendu depuis longtemps.

La Conférence d’Arta dépassa le cadre d’une affaire strictement somalienne pour devenir un modèle exemplaire de gestion des crises africaines dans un esprit arabe et islamique authentique. Elle ne fut pas un événement passager, mais une étape charnière qui ramena la Somalie sur la scène politique après une décennie de chaos et de guerre civile.

Cette initiative émana de Son Excellence le président Ismaïl Omar Guelleh, dans les premiers mois de sa présidence, convaincu que la stabilité de la Somalie est la clé de celle de Djibouti et de toute la Corne de l’Afrique.

La conférence s’ouvrit officiellement le 2 mai 2000 à Arta, située à environ 40 km de la capitale Djibouti, avec la participation d’environ 4 000 Somaliens de l’intérieur et de l’extérieur du pays : hommes politiques, intellectuels, chefs religieux et chefs tribaux. Ce fut le dialogue national le plus vaste organisé depuis l’effondrement de l’État somalien en 1991.

Le peuple et le gouvernement djiboutiens se mobilisèrent entièrement pour assurer la réussite de la conférence : les familles djiboutiennes ouvrirent leurs maisons pour héberger les délégués somaliens pendant quatre mois, tandis que l’État fournit tout le soutien logistique et administratif nécessaire. Ce fut une scène unique incarnant les valeurs de fraternité et de solidarité arabo-islamiques.

Comme le déclara alors le président Guelleh : « Djibouti n’accueille pas seulement une conférence politique, elle accueille ses frères somaliens par amour et par devoir. La paix de la Somalie est celle de Djibouti et de toute la région. »

Les résultats d’Arta

La Conférence d’Arta aboutit à la création d’un Parlement national de transition de 225 membres, dont 25 sièges réservés aux femmes et 24 aux minorités, une première dans la vie politique somalienne.

Elle adopta également une Charte nationale de transition prévoyant une période transitoire de trois ans destinée à restaurer les institutions de l’État, et donna naissance à un gouvernement de transition dirigé par le président Abdiqasim Salad Hassan, élu comme premier chef d’État légitime après dix ans d’anarchie.

La communauté internationale salua cette initiative. L’ONU, par la voix de son secrétaire général de l’époque, Kofi Annan, adressa une lettre de remerciement au président Guelleh, louant « ses efforts sincères pour instaurer une paix durable en Somalie et restaurer le fonctionnement normal des institutions de l’État. »

Une vision de paix

Dans ses interventions répétées, le président Guelleh affirma sa conviction profonde que la stabilité de la Corne de l’Afrique commence par celle de la Somalie.

S’adressant aux participants, il déclara : « Aidez-moi à remettre la Somalie sur la bonne voie et prouvez au monde que les Somaliens sont capables de surmonter leurs différends par la paix, non par les armes. »

Et lorsque les négociations achoppèrent sur la répartition des sièges, il lança cette phrase restée célèbre : « J’ai compris que partager les sièges est plus difficile que réunir les cœurs, mais nous sommes ici pour unir les cœurs avant tout. »

Ces mots rétablirent la confiance entre les délégations et ouvrirent la voie à un consensus sur la version finale de la charte.

Les voix somaliennes d’Arta

La Conférence d’Arta demeure un symbole vivant dans la mémoire somalienne.

Le poète Yam Yam déclara à cette occasion : « Je ne célèbre plus l’indépendance, car la Somalie cherche encore à se libérer de la guerre. »

La politicienne Aïcha Ahmed Abdallah, l’une des premières femmes participantes, affirma que « c’était la première fois que la femme somalienne accédait à la prise de décision nationale. »

Quant à Abdullah Issaq Derro, futur président du Parlement de transition, il résuma l’esprit d’Arta en disant : « Arta ne nous a pas seulement réunis, elle nous a redonné le sentiment d’avoir une patrie. »

Le soutien arabe et international

Le Royaume d’Arabie saoudite fut à l’avant-garde des pays soutenant les efforts de réconciliation somalienne, apportant un appui politique et humanitaire à la conférence, conscient que la stabilité de la Somalie conditionne celle de la mer Rouge et de toute la région.

La République arabe d’Égypte et plusieurs autres pays appuyèrent également cette noble initiative qu’abrita Djibouti, en un moment rare de l’histoire africaine moderne.

Un héritage durable

Vingt-cinq ans plus tard, Arta reste citée comme le modèle par excellence de réconciliation arabo-africaine, née de la volonté sincère et du travail collectif fraternel.

Si la route vers la paix complète demeure longue, Arta représente une étape historique prouvant que le dialogue, lorsqu’il est guidé par la sincérité, peut accomplir des miracles.

La conférence a instauré une nouvelle culture politique fondée sur la représentation nationale, a ouvert la voie à la vie constitutionnelle, aux élections démocratiques et à la construction d’institutions légitimes qui progressent aujourd’hui avec assurance vers l’avenir.

La Conférence d’Arta de l’an 2000 demeure le témoin éclatant d’une diplomatie fondée sur les valeurs, capable de rendre la paix aux nations et de redonner à la fraternité son sens véritable.

Djibouti, sous la direction du président Ismaïl Omar Guelleh, a cru que la sécurité de la Somalie est indissociable de la sienne, et que la paix est une responsabilité collective.

Ainsi, l’expérience d’Arta demeurera un exemple vivant prouvant que la volonté politique sincère, lorsqu’elle est guidée par la loyauté et la foi en un destin commun, est capable de rendre aux nations leur équilibre et de redonner à la fraternité son sens humain le plus noble.

Que Dieu préserve nos patries et fasse régner la paix dans le monde entier.
 

Dya-Eddine Saïd Bamakhrama est l'Ambassadeur de la République de Djibouti et Doyen du Corps Diplomatique en Arabie Saoudite 

X: @dya_bamakhrama

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com