Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais l’Histoire ne s’écrit que rarement sans raison. La rencontre prévue la semaine prochaine à Washington entre le prince héritier et Premier ministre saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald J. Trump intervient exactement 80 ans après la rencontre historique de 1945 entre le roi Abdelaziz et le président Franklin D. Roosevelt à bord de l’USS Quincy. Cette rencontre a jeté les bases d’un partenariat stratégique qui a résisté aux guerres, aux chocs pétroliers et aux transitions politiques.
Les parallèles entre hier et aujourd’hui sont frappants — et significatifs.
En 1945, le monde émergeait des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis s’apprêtaient à devenir une superpuissance mondiale. L’Arabie saoudite, sous le roi Abdelaziz, venait d’unifier ses territoires et commençait à bâtir son État moderne. Le sommet de l’USS Quincy portait principalement sur deux piliers : la sécurité du Royaume et le pétrole pour l’Amérique. Le sommet est intervenu à peine dix ans après la création d’Aramco — une coentreprise devenue la plus grande compagnie pétrolière au monde. Bien qu’entièrement saoudienne aujourd’hui, la contribution américaine à son succès demeure indéniable.
Aujourd’hui, nous sommes au seuil d’un nouveau chapitre — un chapitre qui pourrait multiplier de façon exponentielle le succès d’Aramco.
La relation ne se limite plus au pétrole et à la sécurité. La coopération nucléaire, l’exploration spatiale, l’intelligence artificielle et les technologies avancées sont désormais à l’agenda. Il ne s’agit pas simplement d’une mise à niveau bilatérale — c’est un saut stratégique. Le timing ne pourrait être plus surprenant : Vision 2030 et Make America Great Again sont alignés en ambition, en portée et en urgence.
Aujourd’hui, nous sommes au seuil d’un nouveau chapitre — un chapitre qui pourrait multiplier de façon exponentielle le succès d’Aramco.
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
L’Arabie saoudite n’est plus l’économie dépendante du pétrole qu’elle était. Le Royaume libère tout son potentiel dans le tourisme, la santé, l’exploitation minière et la technologie. Les entreprises américaines ont une occasion en or d’être les premiers acteurs dans nombre de ces secteurs — et d’en récolter les fruits en matière d’investissement précoce, de transfert de connaissances et de coopération.
De plus, les réformes audacieuses introduites au cours de la dernière décennie signifient que les préoccupations que certains pouvaient avoir concernant les affaires en Arabie saoudite ne sont plus pertinentes. Et même si nous sommes encore loin de la perfection, personne ne peut nier — s’il est honnête — les progrès fulgurants réalisés dans des domaines tels que l’autonomisation des femmes, la suppression des barrières à l’entrée et des procédures bureaucratiques, ainsi que l’amélioration de la qualité de vie pour les résidents comme pour les citoyens du Royaume.
Le président Trump, connu pour son art du deal, n’est pas homme à laisser la bureaucratie freiner le progrès. L’ouverture de son administration à une concurrence loyale signifie que les entreprises américaines peuvent s’engager sans être entravées par la bureaucratie. C’est une bonne nouvelle pour les deux parties — et pour les investisseurs mondiaux qui observent attentivement.
Pourtant, la sécurité reste primordiale. La région est volatile. Des acteurs malveillants persistent. La récente frappe israélienne sur le territoire qatari — où se trouve la plus grande base militaire américaine de la région — souligne l’urgence d’un cadre de défense solide. L’Arabie saoudite, qui se prépare à accueillir l’Expo 2030 et la Coupe du monde de la FIFA 2034, doit sécuriser ses frontières, son espace aérien et ses eaux. Un traité de défense écrit n’est pas seulement souhaitable — il est essentiel.
Du point de vue saoudien, les cicatrices des attaques houthies contre les infrastructures civiles demeurent vives. La décision précoce de l’administration Biden de retirer les Houthis de la liste des organisations terroristes et le retrait en 2022 des batteries Patriot ont été accueillis avec inquiétude. Pourtant, à la fin du mandat du président Joe Biden, les négociations pour un traité de défense historique étaient presque achevées. Cette visite offre l’occasion de finaliser ce pacte — et d’assurer que de telles atrocités ne se reproduisent plus jamais.
La relation saoudo-américaine a résisté aux tempêtes.
De la lutte contre le communisme à la libération du Koweït, les deux nations ont collaboré sur des enjeux mondiaux. Malgré les alternances politiques entre Républicains et Démocrates, la valeur stratégique de l’Arabie saoudite est demeurée constante. Ce n’est pas une machine à cash — c’est une force stabilisatrice. Gardienne des lieux les plus saints de l’Islam, première économie de la région et acteur clé des marchés pétroliers mondiaux, l’Arabie saoudite est indispensable aux intérêts américains.
La récente frappe israélienne sur le territoire qatari — qui abrite la plus grande base militaire américaine de la région — souligne l’urgence d’un cadre de défense robuste.
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
La diplomatie saoudienne évolue également. Le Royaume a défendu la solution à deux États en Palestine, condamné les atrocités à Gaza et facilité des négociations au Soudan, en Ukraine et en Syrie. Ses contributions humanitaires et de développement sont généreuses et constantes. Riyad n’est plus seulement un acteur régional — c’est un médiateur mondial.
Les États-Unis ont besoin d’un partenaire respecté dans la région. L’Arabie saoudite correspond à ce rôle. Qu’il s’agisse de lever des sanctions ou de négocier la paix, les décideurs américains savent que les garanties de Riyad ont du poids. L’émergence d’une nouvelle Syrie — après des décennies de chaos — en est la preuve.
Cette visite n’est pas cérémonielle. Elle est déterminante. Si Israël est prêt à s’engager dans une voie sérieuse vers un État palestinien, il pourrait rejoindre ce que le prince héritier appelle « la nouvelle Europe » — une région d’intégration, de coopération et de prospérité partagée. Les enjeux sont élevés. L’opportunité est rare. Et le moment est venu.
Espérons que le 18 novembre 2025 devienne une autre date gravée dans l’Histoire — non seulement comme une commémoration du passé, mais comme un tremplin vers l’avenir.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
X : @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com














