Riyad n’est pas méditerranéenne, mais elle est plus proche de la Grèce qu’on ne le pense

Konstantinos Tasoulas, président de la République hellénique. (Journal To Vima / Tovima.com)
Konstantinos Tasoulas, président de la République hellénique. (Journal To Vima / Tovima.com)
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Publié le Dimanche 07 décembre 2025

Riyad n’est pas méditerranéenne, mais elle est plus proche de la Grèce qu’on ne le pense

Riyad n’est pas méditerranéenne, mais elle est plus proche de la Grèce qu’on ne le pense
  • La Grèce ne peut ignorer l’importance croissante des liens saoudo-grecs, essentiels pour la stabilité et la prospérité régionales
  • Si Athènes veut défendre le droit international et une paix durable, elle doit exercer davantage de pression constructive sur Israël

Les Athens Policy Dialogues, qui se sont récemment tenus dans la capitale grecque, ont donné lieu à des discussions franches et stimulantes avec des décideurs, des experts de think tanks et des journalistes influents venus de Grèce, d’autres pays européens et du Moyen-Orient élargi, notamment d’Égypte, d’Israël et de Turquie.

Fait notable : il manquait des intervenants (à part votre serviteur) provenant du Golfe ou même des États-Unis. Bien sûr, ni l’Arabie saoudite ni les États-Unis ne font partie de la Méditerranée orientale. Pourtant, il n’y a presque pas eu une seule session où l’un ou l’autre pays n’a pas été mentionné d’une manière ou d’une autre.

Je dis cela pour ouvrir les yeux des responsables politiques à travers l'Europe, la Méditerranée orientale et le Golfe, afin de leur rappeler où les chemins ont toujours été et continueront d'être étroitement liés, aujourd'hui plus que jamais.

Un thème majeur durant ces deux jours a été les récents évènements à Gaza et le Sommet pour la paix de Charm el-Cheikh qui s’en est suivi. Rien d’étonnant à cela, puisque ce qui se passe au Moyen-Orient affecte la Grèce peut-être plus rapidement que d’autres pays européens. Les crises passées en Égypte, en Libye, en Syrie et au Liban en témoignent.

À cet égard, il n’était pas surprenant que Konstantinos Tasoulas, président de la République hellénique, souligne dans ses remarques liminaires que « la Grèce, en raison de sa position en première ligne des développements, même si elle l’avait souhaité, n’aurait pas pu rester en dehors des tempêtes qui ont secoué la région ».

Ce qui m’a en revanche surpris — et légèrement déçu en tant qu’observateur — est que, tandis que Tasoulas louait la relation longue et stratégique qu’Athènes entretient avec Israël, il lui soit peut-être échappé de souligner l’importance des relations saoudo-grecques en plein essor, ainsi que les bénéfices qu’elles peuvent apporter à la Méditerranée orientale.

Un pays qui souhaite que le droit international soit respecté, s'oppose aux occupations illégales et veut protéger les chrétiens au Moyen-Orient doit certainement faire preuve d'une plus grande fermeté envers le gouvernement israélien actuel, en tant qu'allié proche.

                                      Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef

Je dis cela pour plusieurs raisons. Premièrement, le Royaume n’est pas seulement un véritable allié stratégique (aux côtés des États-Unis, de la France et de quelques autres) ; mais avec l’alignement continu entre Vision 2030 et le Plan national de relance et de résilience de la Grèce (Greece 2.0), la relation promet d’être un « game changer » pour Athènes, comme l’a déclaré le prince héritier Mohammed ben Salmane lors de sa visite de 2022 dans la capitale grecque, lorsque des projets tels que le corridor de données East to Med ont été annoncés.

Que le président n’ait pas repris à Athènes ce que son Premier ministre Kyriakos Mitsotakis avait affirmé il y a seulement 11 mois lors d’une visite en Arabie saoudite — à savoir que le Royaume « est un partenaire stratégique pour la Grèce et l’UE, et un acteur clé pour la stabilité et la prospérité de toute la région » — est pour le moins étrange.

Ne vous méprenez pas. Il ne s’agit pas d’un argument binaire, et ces dernières années, Riyad a démontré au monde qu’elle pouvait bénéficier d’un accueil en grande pompe à Washington, principal allié stratégique du Royaume, tout en maintenant d’excellentes relations avec la Chine et la Russie. Parallèlement, elle peut également développer une relation de travail avec l’Iran — autant d’éléments qui ont servi à désamorcer les tensions et à stabiliser la région.

Je dis étrange, car lors de son discours inaugural, Tasoulas a critiqué les « problèmes persistants qui continuent de créer de l’instabilité et de saper tout effort de coopération », et appelé à la fin des occupations illégales ainsi qu’au respect de l’ordre international.

Pourtant, dans le même discours, insistant sur la solidité de la relation avec Israël, il a également reconnu que la réponse israélienne aux attaques terroristes du 7 octobre était disproportionnée et a brièvement évoqué que la Grèce soutenait une solution à deux États lorsque le moment serait opportun.

Bien sûr, ni l’Arabie saoudite ni les États-Unis ne font partie de la Méditerranée orientale. Pourtant, il n’y avait quasiment aucune session où l’un ou l’autre pays n’a pas été évoqué.

                                         Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef

Un pays qui souhaite que le droit international soit respecté, s'oppose aux occupations illégales et veut protéger les chrétiens au Moyen-Orient doit certainement faire preuve d'une plus grande fermeté envers le gouvernement israélien actuel, en tant qu'allié proche.

Pourquoi cette attitude sévère envers Israël ? Eh bien, selon ses propres termes, le président a déclaré que la réponse israélienne était disproportionnée. Des experts juridiques et même des spécialistes de l'Holocauste, ainsi que des comités des Nations unies, ont qualifié ce qui s'est passé à Gaza de génocide. En Cisjordanie, la multiplication des colonies et les harcèlements mettent en danger la vie non seulement des Palestiniens musulmans, mais aussi des Palestiniens chrétiens, selon le révérend Munther Isaac de l'Église évangélique luthérienne de la Nativité à Bethléem. « En Cisjordanie, de nombreuses familles chrétiennes palestiniennes ont déjà quitté la région par peur.

Elles regardent ce qui s’est passé à Gaza et se demandent : “Est-ce que cela pourrait nous arriver un jour ?” Il est impossible de prospérer en tant que communauté au milieu du conflit, de l’oppression et de l’occupation », a-t-il déclaré dans un entretien avec Arab News.

Et pourquoi est-ce que je soutiens que le président aurait dû mentionner Riyad spécifiquement ? Il suffit de regarder ce que le Royaume et les États-Unis ont réussi à accomplir ces derniers mois. Une coordination renforcée a permis des avancées vers la stabilité régionale, notamment la levée de sanctions contre la Syrie — transformant Damas de rival en partenaire au sein de la coalition contre Daech — et a encouragé Washington à intervenir pour tenter de mettre fin à la guerre au Soudan.

La Grèce peut également jouer un rôle. Elle possède un pouvoir d’influence remarquable et n’a pas d’histoire coloniale dans le monde arabe. Elle pourrait être membre de la Force internationale de stabilisation, utilisant sa proximité avec Israël pour convaincre les Israéliens d’accepter de s’engager sur un chemin menant à la solution à deux États.

La Vision 2030 de l’Arabie saoudite est, par nature, un plan tourné vers l’extérieur, et nous compterons fortement sur nos partenaires et amis — en particulier les partenaires stratégiques — pour contribuer non seulement à construire des villes, des infrastructures pour la Coupe du monde ou des emblèmes de l’Expo 2030, mais surtout une région intégrée, pacifique et prospère.

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News. 
X : @FaisalJAbbas

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com