Le Yémen veut amortir le choc de la désignation des Houthis sur l’aide humanitaire

Un véhicule militaire sur le tarmac à l’aéroport d’Aden au Yémen. Le Yémen affirme que l'Accord de Stockholm n'a pas réussi à ramener la paix dans le pays (Photo, AFP).
Un véhicule militaire sur le tarmac à l’aéroport d’Aden au Yémen. Le Yémen affirme que l'Accord de Stockholm n'a pas réussi à ramener la paix dans le pays (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 18 janvier 2021

Le Yémen veut amortir le choc de la désignation des Houthis sur l’aide humanitaire

  • «Le Yémen ne sera jamais dirigé par une milice raciste et terroriste» tonne son Premier ministre
  • Les attaques à l’artillerie lourde et les mines terrestres des houthis ont tué plus de 500 civils depuis fin 2018

AL-MUKALLA: Le premier ministre du Yémen a promis de trouver un moyen de mitiger l’impact de la désignation américaine des Houthis. La décision de classer la milice soutenue par l’Iran comme organisation terroriste affecte en effet l'aide humanitaire et les virements de fonds venus de citoyens à l'étranger.

Maeen Abdel Malik Saeed a aussi exhorté la communauté internationale à ne pas reculer face au «chantage des Houthis» et leurs campagnes d’intimidation.

Lors d’un entretien virtuel avec des journalistes du monde organisé par le Centre d’études stratégiques de Sanaa, Saeed a défendu l’appui offert par son gouvernement à la désignation

Selon lui, son cabinet a formé un comité pour gérer l’impact sur l'aide humanitaire à l'intérieur des territoires contrôlés par les Houthis, ainsi que sur les fonds en provenance de Yéménites présents à l'étranger. «Nous sommes déterminés à atténuer les retombées négatives de la décision sur les Yéménites. Nous avons formé un comité pour rectifier le tir», a-t-il déclaré.

Lorsque les États-Unis ont annoncé la semaine dernière leur intention de désigner ainsi la milice, le gouvernement du Yémen a exhorté l'administration sortante pour que la décision entre en vigueur de façon immédiate. Un moyen d’arrêter les crimes houthis, également coupables de piller l'aide humanitaire, et de faciliter la voie vers la paix, selon lui.

En parlant de l'impact qu’aurait la désignation américaine sur les pourparlers entre le gouvernement yéménite et les Houthis, Saeed insiste que la décision ne ferait pas obstacle pas aux efforts de paix. D’après lui, il ne tient qu’aux houthis de devenir des acteurs dans la sphère politique et sociale yéménite, tant qu’ils abandonnent leur idéologie extrémiste et adoptent les principes d'égalité et de justice.

«C’est un moyen de pression non négligeable, mais aussi un test de leur vraie nature», dit-il, ajoutant que les Yéménites ne se laisseraient pas gouverner par les Houthis. «Le Yémen ne sera jamais dirigé par une milice raciste et terroriste», tonne-t-il.

Les ministres du nouveau gouvernement du Yémen, formé en vertu de l’accord de Riyad, ont échappé de près à une mort certaine le 30 décembre dernier. Trois missiles guidés à haute précision ont visé l’aéroport d’Aden peu après l’atterrissage de leur avion.

Le gouvernement accuse les Houthis d'avoir organisé l'attaque. Il affirme que les fragments de missiles récoltés à l'aéroport sont similaires à ceux précédemment recueillis dans la ville de Marib.

Le premier ministre affirme que son cabinet a offert de nombreuses concessions afin de parvenir à un accord qui mettrait un terme à la guerre. Il a même accepté de tenir des pourparlers directs avec les Houthis à Stockholm en 2018, alors que les forces gouvernementales yéménites étaient sur le point de prendre le contrôle de Hodeidah, une ville sur la mer Rouge. Mais l'Accord de Stockholm n'a pas réussi à ramener la paix au Yémen, a-t-il déclaré.

«Notre armée n’avait plus besoin que de cinq jours pour s'emparer de la ville. Le gouvernement yéménite a accepté de se rendre à Stockholm pour trouver une solution, arrêter les combats et sauver la ville. Cette approche a échoué », a déclaré Saeed.

À Riyad, le président du Yémen Abed Rabbo Mansour Hadi a nommé vendredi Ahmed Obeid ben Daghar, ancien Premier ministre et conseiller principal du président, à la présidence du Conseil de Shoura.

Hadi a aussi nommé Ahmed Ahmed Al-Mousai comme nouveau procureur général du pays.

L'Arabie saoudite ciblée de nouveau, les combats se poursuivent

À Jazan, dans le sud-ouest de l'Arabie saoudite, un missile de la milice pro-iranienne en provenance du Yémen a fait trois blessés. Touchés par des «éclats d'obus», un homme et deux enfants ont dû être transportés d’urgence à l'hôpital.

De violents combats entre les troupes gouvernementales et les Houthis ont également éclaté dimanche, pour la troisième journée consécutive, dans les zones contestées de Hays et Durihimi, deux districts situés dans la province occidentale de Hodeidah. La presse officielle rapporte que des dizaines de Houthis ainsi qu’un nombre soldats gouvernementaux ont perdu la vie dans les combats, et que forces loyalistes ont repoussé trois assauts terroristes dans à Durihimi.

Dans le Hays voisin, les médias des forces conjointes ont déclaré dimanche que les Houthis ont frappé les forces gouvernementales avec des armes lourdes. Ils auraient ensuite lancé une attaque au sol pour tenter de capturer de nouvelles zones.

Les Houthis n’ont pas réalisé de gains dans l’offensive. Des dizaines de combattants ont été tués et plusieurs véhicules militaires incendiés lors des combats, rapportent les mêmes médias.

Les offensives d’artillerie lourde et les mines terrestres des Houthis ont tué plus de 500 civils depuis fin 2018, selon les groupes de défense des droits locaux.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.