Guerre d'Algérie: Paris privilégie des actes d'apaisement à la repentance

Cette photo d'archive prise le 05 juin 1958 montre des habitants d'Alger et des troupes françaises regardant la procession du général Charles de Gaulle. (AFP)
Cette photo d'archive prise le 05 juin 1958 montre des habitants d'Alger et des troupes françaises regardant la procession du général Charles de Gaulle. (AFP)
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Publié le Mercredi 20 janvier 2021

Guerre d'Algérie: Paris privilégie des actes d'apaisement à la repentance

  • Pour l'Elysée, l'important est désormais de «sortir du non-dit et du déni» sur la guerre d'Algérie (1954-1962) qui continue de déchirer les deux pays, rendant hypothétique toute réconciliation, à l'approche du 60e anniversaire de l'indépendance algérienne
  • Rapatriés, appelés du contingent, supplétifs algériens («harkis») qui ont combattu pour la France, immigrés algériens: plus de sept millions de personnes en France ont un rapport, parfois douloureux, à l'Algérie, selon l'historien

PARIS : Le président français Emmanuel Macron va prendre des «actes symboliques» pour apaiser les mémoires sur la guerre d'Algérie et tenter de réconcilier les deux pays mais il ne présentera pas les «excuses» demandées par Alger, a annoncé mercredi la présidence française après la publication d'un rapport très attendu de l'historien français Benjamin Stora sur le sujet.

Pour l'Elysée, l'important est désormais de «sortir du non-dit et du déni» sur la guerre d'Algérie (1954-1962) qui continue de déchirer les deux pays, rendant hypothétique toute réconciliation, à l'approche du 60e anniversaire de l'indépendance algérienne en 2022.

C'est «une démarche de reconnaissance» de la vérité mais «il n'est pas question de repentance» et «de présenter des excuses», a insisté l'Elysée, en s'appuyant sur le rapport qui cite en exemple le Japon toujours fâché avec ses voisins coréens et chinois en raison de son passé colonial, malgré des regrets officiels de Tokyo qui n'ont pas permis de «réconciliation».

Rapatriés, appelés du contingent, supplétifs algériens («harkis») qui ont combattu pour la France, immigrés algériens: plus de sept millions de personnes en France ont un rapport, parfois douloureux, à l'Algérie, selon l'historien.

En Algérie, la mémoire de la «Guerre de libération», synonyme de massacres, torture et déplacements de populations, a cimenté le sentiment national et fourni au pouvoir une légitimité, doublée d'un discours antifrançais, sur laquelle il continue de s'appuyer 60 ans plus tard.

Emmanuel Macron participera à trois journées de commémoration hautement symboliques: la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression sanglante d'une manifestation d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris et les Accords d'Evian du 19 mars 1962 qui consacrèrent le cessez-le-feu en Algérie et ouvrirent la voie à l'indépendance.

Commission «Mémoire et vérité»

M. Macron va par ailleurs étudier de près plusieurs propositions du rapport Stora, notamment la reconnaissance de l'assassinat par l'armée française de l'avocat et dirigeant nationaliste algérien Ali Boumendjel en 1957 et l'entrée de l'avocate anticolonialiste Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020, au Panthéon qui accueille les héros de l'Histoire de France.

Le rapport n'a pas immédiatement suscité de réaction officielle en Algérie, en l'absence du président Abdelmadjid Tebboune, opéré du pied ce même mercredi en Allemagne pour des «complications» post-Covid.

Sollicité par l'AFP, le directeur des archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, chargé d'un travail en parralèle sur la question mémorielle, n'a pas souhaité réagir «pour le moment».

Autre sujet de friction, outre les excuses, Alger demande la restitution de «la totalité» des archives de la période coloniale (1830-1962), alors que Paris s'en tient à un accès facilité pour les chercheurs des deux pays, en ligne avec le rapport.

Benjamin Stora, spécialiste reconnu de l'histoire contemporaine de l'Algérie, avait été chargé en juillet par le président Macron de «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie».

Au coeur de son rapport - et futur livre de 200 pages - figure une recommandation-clé: créer en France une commission «Mémoire et vérité», chargée de proposer des «initatives communes entre la France et l'Algérie sur les questions de mémoire».

Parmi ces initiatives possibles, hautement «symboliques et politiques», l'historien cite la restitution à l'Algérie de l’épée d’Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française au XIXe siècle. 

Il souhaite aussi régler le devenir du fameux canon géant «Baba Merzoug» que réclament les Algériens. Ce canon protégeait alors la rade d'Alger et fut confisqué et transféré au port militaire de Brest.

Nostalgies et surenchères

Benjamin Stora, qui présidera cette commission, préconise de faciliter les voyages des harkis en Algérie, d'œuvrer pour la préservation des cimetières européens et juifs en Algérie, de faciliter le travail des historiens sur la question douloureuse des disparus algériens et européens.

Premier président français né après cette guerre, Emmanuel Macron affiche sa volonté de dépassionner et débloquer ce dossier brûlant et tenter d'apaiser des relations volatiles depuis des décennies entre deux pays intimement liés par l'Histoire.

Il a fait couler beaucoup d'encre avant même d'être élu en dénonçant en 2017 à Alger la colonisation comme «un crime contre l'humanité», des propos vivement rejetés par les rapatriés, la droite et l'extrême-droite françaises mais qu'il «ne regrette pas», selon l'Elysée.

Après ce rapport, «il y aura des mots» et «des actes» dans «les prochains mois», a assuré la présidence, en précisant que s'ouvrait «une période de consultations», avec en toile de fond une «démarche de temps long» entre les deux rives de la Méditerranée. 

Pour Benjamin Stora, issu d'une famille juive de Constantine, il convient de «décloisonner les mémoires», souvent multiples et conflictuelles, par des actes «très simples, très pratiques» mais qui «sont autant de contentieux» lourds entre la France et l'Algérie».

Un enjeu pas si simple, malgré la prudence affichée. «L'historien a dû essuyer les tirs croisés des nostalgiques de "l’Algérie française"», relevait mercredi le quotidien francophone algérien El Watan. Quant à Abdelmadjid Chikhi, «il devra lui aussi contourner, voire balayer les tentations de surenchères politiciennes du passé colonial de l’Algérie».

 


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.