France: chez les rapatriés d'Algérie, les plaies de la «nostalgérie» ravivées

Carnoux-en-Provence, qui abrite une importante communauté de Pieds-Noirs. (AFP)
Carnoux-en-Provence, qui abrite une importante communauté de Pieds-Noirs. (AFP)
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Publié le Jeudi 21 janvier 2021

France: chez les rapatriés d'Algérie, les plaies de la «nostalgérie» ravivées

  • La «nostalgérie» n'est plus ce qu'elle était pour la forte communauté «pieds-noirs» rapatriée en 1962 après la guerre d'Algérie
  • Mais le rapport de l'historien français Benjamin Stora sur ce conflit et la colonisation française vient raviver d'anciennes plaies

CARNOUS-EN-PROVENCE : À Carnoux-en-Provence, dans le sud-est de la France, la «nostalgérie» n'est plus ce qu'elle était pour la forte communauté «pieds-noirs» rapatriée en 1962 après la guerre d'Algérie. Mais le rapport de l'historien français Benjamin Stora sur ce conflit et la colonisation française vient raviver d'anciennes plaies.

Certes, «il n'est pas question de repentance» et «de présenter des excuses», a insisté le président français Emmanuel Macron mercredi, après réception du rapport de l'historien chargé de «dresser un état des lieux du chemin fait en France» sur une guerre (1954-1962) dont le souvenir touche encore plus de sept millions de personnes, entre rapatriés, supplétifs algériens («harkis»), appelés du contingent et immigrés algériens.

Mais la suspicion reste bien ancrée chez les «pieds-noirs», ces Français d'Algérie. «Méfions nous des actes à sens unique», lâche Christian Fenech, 58 ans, qui se décrit comme «Algérien de septième génération, conçu à Bône -- nom donné durant la colonisation française à la ville d'Annaba -- mais né à Cassis», près de Marseille, en 1962, après que ses parents sont partis précipitamment.

Il dit à l'AFP craindre «une analyse à charge et à charge», «pour mettre encore une fois tous les maux de l'Algérie sur le dos des rapatriés».

Si Carnoux-en-Provence est née en 1958 de l'idée d'un certain Emilien Prophète, un Français de Casablanca (ouest du Maroc) qui crée une coopérative immobilière et achète un vallon isolé entre Aubagne et Roquefort-la-Bédoule, à quelques kilomètres de Marseille, pour les anciens du Maroc désireux de rester entre eux, c'est l'arrivée massive des «pieds-noirs» en 1962 qui donne son essor à cette communauté. 

En quelques mois, les 240 pionniers «marocains» sont rejoints par des centaines de compatriotes «algériens». 

Dernière commune créée dans le département des Bouches-du-Rhône, le 26 août 1966, ce village compte aujourd'hui 7 000 habitants contre environ 1 500 fin 1962. 

Et même si de nombreux «Provençaux» sont venus s'ajouter, «les pieds-noirs représentent encore près de 50% de la population», affirme Christian Fenech, de l'association Racines pieds-noirs. 

«Je craignais le pire», concède Guy Chareille, 78 ans, de l'association Carnoux Racines, au sujet du rapport Stora.

Arrivé à Carnoux à 21 ans, en 1964, après une enfance à Fès, il n'est pas un pied-noir mais «un tronc de figuier», nom donné aux rapatriés du Maroc. 

Mais ses parents venaient d'Algérie, que la France a occupée pendant 130 ans (1830-1862). Et il trouve «bizarre cette repentance permanente envers des colonisateurs», soulignant que «les Arabes avaient colonisé des territoires occupés initialement par les Berbères».

«Ouvrons les vrais débats»

Les anciennes colonies françaises sont profondément ancrées à Carnoux, jusque dans le cimetière qui surplombe le village. 

Sous l'arche de pierre érigée à l'entrée du site, 23 urnes contiennent «de la terre prélevée dans 23 cimetières des anciens territoires français d'outre-mer», explique la plaque commémorative: Algérie, Indochine, Maroc, Tchad, Madagascar et même le champ de bataille vietnamien de Diên-Biên-Phu.

Quant au buste du maréchal Lyautey, premier résident général du protectorat français au Maroc, ce n'est pas à cause d'une quelconque «cancel culture» qu'il a disparu au coeur de la commune. Il a juste été déposé, le temps de travaux pour la nouvelle Poste.

Mais la sensation reste partagée que parfois «l'histoire officielle» est biaisée, comme chez André Bouland, lui aussi membre de Carnoux Racines.

Mieux enseigner l'histoire de la France en Algérie à l'école, comme le demande Benjamin Stora ? «Pourquoi pas», répond cet homme de 75 ans, né à Oran (nord-ouest de l'Algérie) et arrivé en France à 17 ans, en 1962.

«Mais à condition qu'elle ne soit pas orientée», insiste-t-il, se demandant pourquoi d'autres historiens comme Gérard Crespo ou Jean-Jacques Jordi n'ont pas été appelés à travailler auprès de M. Stora.

«Tout ne peut pas être à sens unique», plaide-t-il. «Pourquoi on ne parle jamais du massacre d'Oran, du 5 juillet 1962», où une centaine de pieds-noirs et d'Algériens pro-Algérie française ont perdu la vie ?

La crainte est là que tout se résume à quelques gestes symboliques, comme la restitution à Alger de l'épée de l'émir Abdelkader ou la publication d'un «guide des disparus» algériens et européens.

«Ouvrons les vrais débats, comme la responsabilité de de Gaulle par exemple», lâche Christian Fenech: «Mais ça apparemment c'est interdit. On peut déboulonner les statues mais visiblement pas les statures!»

 


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".