De la Libye à l’Algérie, les difficiles choix de la France au Maghreb

Khalifa Haftar (2e R) saluant le président français Emmanuel Macron (C) dans la capitale allemande Berlin. Les dirigeants du monde entier ont fait un nouvel effort pour la paix en Libye lors d'un sommet à Berlin, dans une tentative désespérée d'empêcher cette nation déchirée par le conflit de se transformer en une "seconde Syrie".  (Division de l'information de guerre AFP / LNA)
Khalifa Haftar (2e R) saluant le président français Emmanuel Macron (C) dans la capitale allemande Berlin. Les dirigeants du monde entier ont fait un nouvel effort pour la paix en Libye lors d'un sommet à Berlin, dans une tentative désespérée d'empêcher cette nation déchirée par le conflit de se transformer en une "seconde Syrie". (Division de l'information de guerre AFP / LNA)
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Publié le Jeudi 21 janvier 2021

De la Libye à l’Algérie, les difficiles choix de la France au Maghreb

  • Le bilan de l’action française en Libye depuis neuf ans n’est pas un succès. Le choix d’une neutralité décidée tardivement après un soutien au maréchal Haftar, vise à ne pas perdre la face
  • La faiblesse française «originelle» envers Alger en raison d’une histoire conflictuelle, limite la marge de manœuvre française et pousse Paris à traiter la question algérienne avec prudence et distanciation

PARIS : Aux frontières méridionales de l’Europe, l’Afrique du Nord traverse une conjoncture agitée, avec la persistance du conflit libyen, les incertitudes de la situation algérienne, la récente normalisation entre le Maroc et Israël, et l’instabilité en Tunisie. Tous ces éléments ajoutés au spectre du terrorisme au Sahel et au Maghreb compliquent les choix de la politique extérieure française dans cette région géopolitique prioritaire pour Paris.

Au fil des ans, la communauté internationale qui a légitimé, via le Conseil de sécurité de l’ONU, l’intervention de l’Otan en Libye s’est montrée impuissante face à la spirale des ingérences extérieures, qui ont commencé en 2011, et se sont accentuées entre 2014 et 2020 avec l’irruption de nouveaux acteurs comme la Russie et la Turquie. Comme sur le théâtre syrien, la Libye est en proie à une confrontation régionale aux dimensions internationales. Le chaos libyen ne menace pas seulement les équilibres méditerranéens, il révèle aussi un échec français et européen. 

Comme auparavant en Irak lorsque les États-Unis avaient failli dans la construction d’un État, la France et le Royaume-Uni portent une responsabilité particulière dans la division actuelle de la Libye entre deux pouvoirs de facto en place, à l’ouest (Tripoli) et à l’est (Benghazi). En outre, le déchirement européen entre la France et l’Italie complique la situation libyenne, prive l’Union européenne (UE) de tout rôle efficace, et pousse Berlin à tenter de recoller les pots cassés. Ce manquement européen s’est doublé d’un échec de l’ONU qui n’a fait qu’étaler ses divisions et n’est pas parvenue à imposer une solution politique en application de ses résolutions. 

Ce n’est qu’à la suite de l’implication russe et turque que Washington s’est montré plus sérieux dans la gestion de la déflagration libyenne. Après avoir empêché le maréchal Khalifa Haftar de conquérir Tripoli en 2019, les Américains ont imposé aux troupes loyales au gouvernement d’union (GNA) de ne pas franchir la ligne rouge stratégique de Syrte/Al-Jafra. Ce nouveau statu quo favorise depuis la fin de l’été 2020 la relance du processus politique sous l’égide de l’ONU. 

Bilan terne de l’action française en Libye

Le bilan de l’action française en Libye depuis neuf ans n’est pas un succès. À la suite de l’intervention lancée dans le pays pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, Paris, sous la présidence de François Hollande (2012-2017), a su maintenir un équilibre subtil entre les parties libyennes rivales. L’arrivée d’Emmanuel Macron s’est accompagnée d’un volontarisme bien accueilli, ce dernier souhaitant redéfinir une politique française alors à l’arrêt. Mais le jeu mené par l’Élysée s’est révélé trouble et opaque, selon ses détracteurs. Paris, sans doute inquiété par l’implantation de l’organisation de l’État islamique et d’autres groupes terroristes dans le sud et l’est libyen en plus de la montée des islamistes à l’ouest du pays a craint que la Libye ne se transforme en «État failli ou défaillant», et ce, aux portes de l’Europe. C’est dans ce contexte que la France a opté pour un soutien modéré du maréchal Haftar. 

La présence de l’Égypte et des Émirats arabes unis aux côtés de l’homme fort de l’est libyen, n’a pas semblé déranger la France. Mais l’implication russe indirecte en faveur du maréchal Haftar à l’est et la grande percée turque à l’ouest du pays ont rendu la position française insoutenable et fragile en l’absence d’une position européenne commune et de coordination manquée avec Washington. À partir de 2020, la France, craignant plus que tout un possible condominium turco-russe en Libye, comme dans le nord de la Syrie, a redéfini sa position, la rendant plus neutre et conforme à un consensus minimal européen.

Cette option choisie tardivement vise à limiter les dégâts et à ne pas sortir perdante de l’épreuve libyenne. Ainsi, Paris se concerte désormais régulièrement avec Berlin et Le Caire pour appuyer les travaux du comité consultatif issu du Forum de dialogue politique libyen. Dorénavant, l’accent est mis sur «la nomination d’une autorité exécutive de transition, chargée d’organiser les élections prévues le 24 décembre 2021». Paris considère que ces progrès tangibles sont indispensables pour que «le pays retrouve sa souveraineté et sa stabilité et que les ingérences étrangères prennent fin». Malgré cette percée modeste réalisée au début de 2021, Paris espère qu’elle ouvre le chemin à la fin du calvaire libyen.

Instabilité politique en Tunisie 

Dans les autres pays du Maghreb, la situation n’est pas plus simple. En Tunisie, l’instabilité politique persiste dix ans après la chute du président Ben Ali. Paris tente d’accompagner le processus démocratique tunisien en masquant son inquiétude à l’égard d’un antagonisme grandissant entre les protagonistes politiques (le parti islamiste Ennahdha et ses rivaux), jugé menaçant pour la pérennité de l’expérience tunisienne, qui demeure fragile. 

À l’Élysée comme au Quai d’Orsay, on mise sur un rôle majeur du président Kaïs Saïed pour apaiser le grand déchirement politique dans un pays qui souffre d’une crise économique aigüe. Mais ni la France ni l’UE ne semblent en mesure de secourir Tunis. Dans les cercles politiques de Bruxelles et de Paris, on est de plus en plus conscient que la dégradation de la situation économique en Tunisie menace sérieusement les gains de l’expérience de transition démocratique, la seule expérience qui survit au «Printemps arabe». Le basculement de la Tunisie dans la spirale de la violence politique, la répétition des émeutes dans les quartiers pauvres de Tunis ou dans les banlieues et les villes du sud et du centre, devrait amener Paris à redoubler d’efforts pour venir en aide à la Tunisie, pays clé pour la stabilité maghrébine et méditerranéenne et l’ouverture culturelle. Mais, sans une implication française pour l’adoption d’un plan spécial européen de soutien à l’économie tunisienne, toute tentative restera vaine. 

France-Algérie, réconcilier les mémoires

Quant à l’Algérie, les dossiers sont multiples entre Alger et l’ancienne métropole. Les efforts du président français Emmanuel Macron pour soutenir les liens bilatéraux ont été freinés par l’évolution de la situation algérienne depuis 2019 et l’éviction de l’ancien président Bouteflika. Paris est aussi souvent «soupçonné» de s’ingérer dans les affaires internes, comme lors d’un récent entretien de Macron, en octobre 2020, dans lequel il affirmait son «soutien au président Abdelmadjid Tebboune», exposant sa vision du Hirak et de la transition, suscitant des réactions négatives. Emmanuel Macron est considéré comme ayant manqué à sa promesse, en décidant d’aborder l’histoire commune des deux pays et la nécessité de réconcilier les mémoires, mais sans présenter des excuses pour les méfaits de la colonisation française en Algérie. 

Ce litige historique pour «liquider» un passé chargé pèse sur toute action française en Algérie, où Paris est accusé de tous les maux et de «complicité avec les dirigeants corrompus». Ainsi, la tentative de Macron de soutenir le processus initié par le président Tebboune est rejeté et vu comme «un accroc à la souveraineté» et une tentative d’exercer une «tutelle sur la présidence algérienne». Depuis les années 1990, le même schéma se répète et Paris semble «coincé» entre l’armée et le Hirak. La faiblesse française «originelle» envers Alger en raison d’une histoire conflictuelle, limite la marge de manœuvre française et pousse Paris à traiter la question algérienne avec prudence et distanciation. 

La délicate question du Sahara occidental

De surcroît, l’embellie souvent constatée entre Paris et Rabat n’est pas de nature à rassurer l’Algérie, le grand voisin rival du royaume chérifien. Deux dossiers récents l’ont encore démontré: la normalisation entre le Maroc et Israël et les affrontements militaires il y deux mois sur le passage de Guerguerat, entre l’armée marocaine et le Front Polisario. 

Récemment, l’armée algérienne qui s’est montrée réticente à se déployer sur des terrains extérieurs, paraît très ferme sur le dossier sahraoui, le traitant comme un dossier interne. Parallèlement aux incidents de Guerguerat, de missiles balistiques sophistiqués Iskander auraient été utilisés par l'armée algérienne dans des manœuvres militaires. En réalité, il ne s'agissait pas simplement d'un défilé militaire de routine, qui visait plutôt à démontrer la disposition de l’Algérie à faire face à tout conflit armé dans l'espace occidental d'Afrique du Nord. Paris craint toute escalade dans le conflit du Sahara occidental.

Ce bilan de l’action française au Maghreb démontre la faible marge de manœuvre de Paris dans une zone en plein bouillonnement.


Iran: les manifestations de 2022 ont fait moins de 300 morts, selon un rapport officiel

Des manifestants brandissent un portrait représentant feu Mahsa Amini alors qu'ils assistent à une manifestation contre le régime iranien devant la place de La Bastille à Paris le 16 septembre 2023 (Photo, AFP).
Des manifestants brandissent un portrait représentant feu Mahsa Amini alors qu'ils assistent à une manifestation contre le régime iranien devant la place de La Bastille à Paris le 16 septembre 2023 (Photo, AFP).
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  • Le document de près de 300 pages a été publié dix jours après un rapport d'experts mandatés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU
  • La commission chiffre à 79 le nombre de représentants du maintien de l'ordre tués

TEHERAN: Un rapport officiel publié en Iran estime à 281 le nombre total de personnes tuées lors des manifestations ayant suivi la mort de Mahsa Amini en 2022, une évaluation bien inférieure à celle donnée par des experts de l'ONU.

Ce chiffre figure dans le rapport rendu public par la commission spéciale chargée par le président Ebrahim Raïssi d'enquêter sur les troubles ayant secoué le pays fin 2022.

Le document de près de 300 pages a été publié dix jours après un rapport d'experts mandatés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui affirme que, selon "des chiffres crédibles", "pas moins de 551 manifestants ont été tués par les forces de sécurité, parmi lesquels au moins 49 femmes et 68 enfants".

Sur les 202 civils décédés recensés par la commission d'enquête iranienne, 112 sont des "passants" qui "ont été tués durant les émeutes par des émeutiers portant des armes illégales qui ne sont pas utilisées par les forces de l'ordre".

En outre, 90 d'entre eux étaient impliqués dans "des actes terroristes et des attaques" contre des militaires, policiers ou bâtiments publics.

La commission chiffre à 79 le nombre de représentants du maintien de l'ordre tués.

Les experts iraniens concluent que "les institutions gouvernementales, dont les services de sécurité et le système judiciaire, ont agi avec responsabilité face aux troubles".

Hypoxie cérébrale 

Dans son rapport, la mission de l'ONU avait mis en cause "un usage inutile et disproportionné de la force" face à des manifestants "pour l'essentiel pacifiques", évoquant "des crimes contre l'humanité".

Ce rapport a été "fermement dénoncé" par Téhéran, selon lequel il est basé sur des "affirmations sans fondement" et "des informations fausses et biaisées".

Les experts iraniens s'appuient sur les résultats d'examens médicaux pour indiquer que Mahsa Amini est décédée de mort naturelle -des suites d'une hypoxie cérébrale- le 16 septembre 2022, trois jours après avoir été arrêtée par la police des moeurs à Téhéran pour non-respect du port obligatoire du voile. Cette version a été contestée par ceux qui affirment que la jeune femme de 22 ans est décédée d'une hémorragie provoquée par des violences.

La commission indique par ailleurs que 34.000 personnes ont été interpellées durant "les troubles". Parmi elles, "seules 292 sont toujours détenues", dont "158 ont été condamnés à des peines de prison".

Pour les experts iraniens, "le rôle joué par des étrangers" et "certains gouvernements" dans "l'escalade des manifestations" est "clair". Ils mettent ainsi en cause "les Etats-Unis, le régime sioniste (Israël, NDLR), l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Canada, etc...", ainsi que "des services de renseignement", organisations "séparatistes" et "anti-révolutionnaires" ou "chaînes satellitaires anti-iraniennes".


Un important parti du Kurdistan d'Irak veut boycotter les élections locales

La semaine dernière, les partis politiques chrétiens et turkmènes ont eux aussi annoncé leur intention de boycotter ces élections (Photo, AFP).
La semaine dernière, les partis politiques chrétiens et turkmènes ont eux aussi annoncé leur intention de boycotter ces élections (Photo, AFP).
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  • Un boycott des élections locales par le PDK pourrait retarder davantage le scrutin initialement prévu le 22 octobre dernier
  • Le PDK détient la majorité au sein du Parlement kurde sortant, avec 45 sièges, devançant l'Union patriotique du Kurdistan (UPK)

ERBIL: Le principal parti de la région autonome du Kurdistan dans le nord de l'Irak a annoncé lundi son intention de boycotter les élections locales, accusant la Cour suprême basée à Bagdad d'ingérence dans les affaires locales.

Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a déclaré qu'il ne participerait pas au scrutin du 10 juin à la suite d'une décision prise en février par la Cour suprême fédérale visant à modifier la loi électorale.

Cette décision émanant de la plus haute juridiction du pays a réduit le nombre de sièges du Parlement kurde de 111 à 100, supprimant de fait un quota réservé aux minorités turkmène, arménienne et chrétienne.

Elle a également statué que la Commission électorale irakienne devrait superviser le vote à la place des comités locaux.

"Nous estimons qu'il est dans l'intérêt de notre peuple que notre parti ne se conforme pas à une décision anticonstitutionnelle et à un système imposé de l'extérieur", a estimé le PDK dans un communiqué.

Il a ajouté qu'il ne participerait pas à un vote "imposé" par la cour, qui "viole la loi et la Constitution".

Les Etats-Unis se sont dits "préoccupés" par la décision du PDK et ont appelé à "une pleine participation à des élections libres, équitables, transparentes et crédibles".

"Nous comprenons aussi les inquiétudes soulevées par les Kurdes irakiens concernant les récentes décisions prises par les institutions fédérales", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Vedant Patel, aux journalistes à Washington.

Mais, a-t-il souligné, "nous ne pensons pas que le boycott des élections servira les intérêts" des Kurdes ou des Irakiens en général.

PDK majoritaire 

Le PDK détient la majorité au sein du Parlement kurde sortant, avec 45 sièges, devançant l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui en compte 21 et qui entretient des relations plus conciliantes avec le gouvernement fédéral de Bagdad.

En vertu d'un accord tacite entre les deux partis, un membre de l'UPK occupe la présidence irakienne, tandis que le président de la région autonome kurde est choisi parmi les membres du PDK.

Un boycott des élections locales par le PDK pourrait retarder davantage le scrutin initialement prévu le 22 octobre dernier.

La semaine dernière, les partis politiques chrétiens et turkmènes ont eux aussi annoncé leur intention de boycotter ces élections.

La région du Kurdistan est autonome depuis 1991. Les relations avec Bagdad ont toujours été tendues, principalement en ce qui concerne les fonds alloués par les autorités fédérales à la région du Kurdistan et les revenus de ses abondantes ressources pétrolières.


Blinken dénonce l'insécurité alimentaire à Gaza avant d'aller au Proche-Orient

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec le secrétaire philippin aux affaires étrangères Enrique Manalo, à Manille, le 19 mars 2024. (AFP).
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec le secrétaire philippin aux affaires étrangères Enrique Manalo, à Manille, le 19 mars 2024. (AFP).
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  • Le chef de la diplomatie américaine a indiqué lors d'une conférence de presse qu'il se rendrait à nouveau cette semaine au Proche-Orient, en Arabie saoudite puis en Egypte
  • A Jeddah mercredi, M. Blinken aura des entretiens avec les dirigeants saoudiens avant de se rendre au Caire jeudi pour des discussions avec les plus hautes autorités égyptienne

MANILLE: L'ensemble de la population de Gaza subit une "situation d'insécurité alimentaire grave", a dénoncé mardi à Manille le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken qui doit à nouveau se rendre au Moyen-Orient dans les jours à venir, dans le cadre des efforts pour parvenir à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

"Selon la mesure la plus respectée en la matière, 100% de la population de Gaza est dans une situation d'insécurité alimentaire grave. C'est la première fois qu'une population entière est ainsi classée", plus qu'au Soudan ou en Afghanistan, a déclaré M. Blinken, soulignant l'urgence d'acheminer plus d'aide humanitaire dans le territoire palestinien et y dénonçant une situation "épouvantable".

"On a besoin de davantage d'aide, cette aide doit être davantage soutenue et nous avons besoin que ce soit une priorité si on veut efficacement répondre aux besoins des gens", a-t-il dit.

Le chef de la diplomatie américaine a indiqué lors d'une conférence de presse qu'il se rendrait à nouveau cette semaine au Proche-Orient, en Arabie saoudite puis en Egypte.