Ruhollah Zam, vie et mort d'un activiste iranien

Le parcours tragique de l’opposant Ruhollah Zam reste entouré de zones d’ombre (Photo, AFP).
Le parcours tragique de l’opposant Ruhollah Zam reste entouré de zones d’ombre (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 02 février 2021

Ruhollah Zam, vie et mort d'un activiste iranien

  • Ruhollah Zam fuit l’Iran après les grandes manifestations de 2009 contre la réélection de l'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad
  • En se rendant en Irak pour une interview, l’Iranien est capturé par les gardiens de la Révolution, avant d’être exécuté le 12 décembre dernier

PARIS: Etait-il un opposant courageux, un mégalomane, un naïf ? Comment s'est-il laissé piéger ? Près de deux mois après son exécution, le parcours tragique de l'Iranien Ruhollah Zam, réfugié en France, « kidnappé » en Irak et pendu à Téhéran, reste entouré de nombreuses zones d'ombre.

Des photos postées le mois dernier sur le compte instagram de son père, Mohamed Ali Zam, montrent un enfant espiègle, un homme joufflu et souriant, puis un père de famille attentionné : déroulé en accéléré de la vie de l'activiste, exécuté le 12 décembre à l'âge de 42 ans. 

Ruhollah Zam est issu d'une puissante famille religieuse et son père, fervent partisan de la révolution de 1979 et ancien dignitaire du régime, l'a prénommé en hommage à l'ayatollah Ruhollah Khomeiny.

Il grandit dans les cercles de l'élite téhéranaise, fréquente les bonnes écoles, mais, proche du « mouvement vert » soutenant les réformateurs, il fuit le pays après les grandes manifestations de 2009 contre la réélection de l'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

Après un séjour en Malaisie, puis en Turquie, il atterrit en France en 2012. 

C'est à Paris qu'il rencontre Maziyar M., informaticien, réfugié depuis dix ans, qui le prend sous son aile.

« A l'époque, il habitait dans 13 m2 avec sa femme et sa fille, dans un foyer de réfugiés. J'avais vécu la même situation à mon arrivée en France... Je l'ai invité chez moi, il est resté un an », raconte Maziyar.

Dans cet appartement parisien, où les deux amis travaillent et refont le monde chaque soir tard dans la nuit, Zam crée ce qui va devenir une des chaînes iraniennes les plus suivies sur la messagerie cryptée Telegram : Amadnews, qui comptera à son apogée près de 2 millions d'abonnés.

« Sans limites »

Timide, chaleureux et sentimental en privé, Zam se révèle hyper actif, passionné et grande gueule dans le travail, selon ses proches. Il enchaîne les « confcall » avec des exilés iraniens dans le monde, monte les vidéos qu'il reçoit d'Iran.

Il a gardé de nombreux contacts dans la bonne société téhéranaise, et commence à publier des informations sur des scandales de corruption ou de mœurs. Vraies ou fausses.

« Lorsqu'il y avait des guerres entre gens de pouvoir, ils s'adressaient à Zam » pour régler leurs comptes, raconte Maziyar. « Il publiait les informations sans limites, il n'avait pas de ligne rouge, il ne respectait ni le président, ni le Guide Suprême, personne. Il se moquait même de son père ».

L'audience d'Amadnews va exploser lors des manifestations contre la corruption et la situation économique pendant l'hiver 2017-2018 en Iran.

Mais c'est aussi le début de la chute. « Ruhollah est devenu vraiment connu. Il prônait le renversement du régime, peut-être qu'il a commencé à se prendre pour un leader », raconte un autre proche, l'avocat Me Hassan Fereshtyan. « Peu à peu, il a perdu ses amis, on lui reprochait de s'être radicalisé, il y avait sans doute aussi de la jalousie ».

« Il était seul et isolé, une partie de l'opposition iranienne en exil ne lui faisait pas confiance », abonde Mahtab Ghorbani, amie et associée de l'activiste.

« Cette méfiance est monnaie courante parmi les opposants exilés, et elle est renforcée par les méthodes du régime », expert en manipulations, selon les dissidents iraniens.

Piège irakien

Fin 2017, Amadnews est fermé par Telegram pour avoir incité à lancer des cocktails molotov sur la police.

Zam, qui vit désormais à Montauban, dans le sud de la France, avec sa femme et ses deux filles, est « complètement déprimé », selon ses amis. Et menacé. L'activiste, qui a le statut de réfugié en France, obtient la protection d'un garde du corps.

« Malgré tout, il ne cessait de dire : ça ne va pas s'arrêter comme ça. Il était mûr pour prendre de mauvaises décisions et tomber dans un piège », soupire Maziyar.

En octobre 2019, Zam annonce à l'avocat parisien Hassan Fereshtyan qu'il va partir en Irak, pays sous influence iranienne, pour réaliser une interview du grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité musulmane chiite d'Irak.

Cet entretien est censé lancer une nouvelle chaîne de télévision que lui ont fait miroiter un mystérieux homme d'affaires iranien en Australie et une ancienne administratrice d'Amadnews.

« J'ai crié : si tu pars, tu es foutu, tu ne reviens jamais en France ! », se souvient Me Fereshtyan.

« Tout le monde lui a déconseillé de quitter la France, même son garde du corps, mais il a simplement répondu qu'il était fatigué d'attendre », raconte Maziyar. « Et il est parti. Malheureusement ».

La suite reste entourée de zones d'ombres, mais il semble que l'activiste ait été intercepté dans l'avion dès son arrivée à Bagdad, et conduit en voiture jusqu'à la frontière iranienne, où il est remis aux Gardiens de la révolution.

« Il a joué un jeu dangereux en allant en Irak et il a perdu », résume Mahtab Ghorbani, qui ne s'explique toujours pas pourquoi le gouvernement français n'a pas empêché ce voyage. Paris, qui avait condamné l'arrestation, avait souligné à l'époque que Zam était « libre d'entrer et de sortir du territoire national ».

Confession forcée

En Iran, Zam est reconnu coupable de « corruption sur Terre », l'un des chefs d'accusation les plus graves, d'espionnage au profit des renseignements français et d'Israël, ainsi que d'insulte au caractère sacré de l'islam.

En juillet, il apparaît sur la télévision d'Etat iranienne pour une « interview » de 30 minutes en tête à tête avec un journaliste, méthode utilisée par le régime pour extorquer des confessions de prisonniers, selon des activistes.

Dernières images, glaçantes, d'un Zam amaigri, répondant aux questions et souriant de façon automatique. 

Pour Mahtab Ghorbani, son exécution est un « avertissement » aux opposants exilés. « Il s'agit de leur montrer la puissance du régime et de semer la panique parmi eux », dit-elle.

Me Fereshtyan, lui, estime que l'activiste a fait les frais d'une guerre entre les services iraniens.

L'exécution a provoqué un tollé mondial, des Etats-Unis à l'UE, mais le président iranien Hassan Rohani a estimé qu'elle ne nuirait pas aux relations avec l'Europe.

Ruhollah Zam a été pendu le 12 décembre à l'aube. Son père a été autorisé à lui rendre visite la veille, mais sans avoir le droit de lui dire que la sentence de mort avait été confirmée.

Sa fille, Niaz, a reçu un dernier coup de fil de Ruhollah quelques heures avant l'exécution. « Je savais que ça allait arriver, et je ne pouvais rien faire », a-t-elle écrit sur Twitter.

Son ami Maziyar, lui, en est convaincu : « Jusqu'au dernier moment, il n'a pas su ».


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.