Canons à eau, tirs: la tension monte en Birmanie contre les manifestants anti-coup d'État

La police tire des canons à eau sur les manifestants alors qu'ils continuent de manifester contre le coup d'État militaire du 1er février dans la capitale Naypyidaw le 9 février 2021 (Photo, AFP).
La police tire des canons à eau sur les manifestants alors qu'ils continuent de manifester contre le coup d'État militaire du 1er février dans la capitale Naypyidaw le 9 février 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 09 février 2021

Canons à eau, tirs: la tension monte en Birmanie contre les manifestants anti-coup d'État

  • A Naypyidaw, la capitale construite par la junte au coeur de la jungle, la police a tiré des balles en caoutchouc sur des manifestants
  • L'armée a brandi la menace de représailles. «Des actions doivent être prises (...) contre les infractions et les troubles», a-t-elle affirmé

RANGOUN: Canons à eau, tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes: la tension monte en Birmanie mardi, quatrième jour d'importantes manifestations à travers le pays contre le coup d'État du 1er février.

À Naypyidaw, la capitale construite par la junte au coeur de la jungle, la police a tiré des balles en caoutchouc sur des manifestants, selon des témoins. 

Un peu plus tôt, les forces de l'ordre avait fait un usage répété des canons à eau contre un petit groupe de contestataires qui refusaient de se disperser devant un barrage des forces de l'ordre.

À Mandalay, deuxième ville du pays, la police a fait usage de gaz lacrymogènes "contre des protestataires qui agitaient des drapeaux de la Ligue nationale pour la démocratie", le parti d'Aung San Suu Kyi, a raconté une habitante.

Les autorités ont interdit la veille les rassemblements de plus de cinq personnes à Rangoun, Napypidaw et dans d'autres villes du pays. Un couvre-feu a été décrété.

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La police tire des canons à eau sur les manifestants alors qu'ils continuent de manifester contre le coup d'État militaire du 1er février dans la capitale Naypyidaw le 9 février 2021 (Photo, AFP).

"Des actions doivent être prises (...) contre les infractions qui troublent, empêchent et détruisent la stabilité de l'État", a mis en garde la télévision d'État face au vent de fronde qui souffle sur le pays.

Bravant les menaces, les manifestants sont à nouveau descendus mardi en nombre dans les rues.

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Dans le quartier de San Chaung de la capitale économique birmane, de nombreux enseignants défilaient dans la rue principale, effectuant le fameux salut à trois doigts en signe de résistance contre les putschistes (Photo, AFP).

À Rangoun, la capitale économique, des contestataires se sont rassemblés près du siège de la LND.

"Pas de dictature!", "nous voulons notre chef!", Suu Kyi, détenue au secret depuis son arrestation le 1er février, pouvait-on lire sur des banderoles.

Dans un autre quartier de la ville, des dizaines d'enseignants ont défilé, saluant à trois doigts en signe de résistance.

Les mises en garde de l'armée  "ne nous inquiètent pas, c'est pourquoi nous sortons aujourd'hui. Nous ne pouvons pas accepter leur excuse de fraude électorale. Nous ne voulons pas d'une dictature militaire", a déclaré l'enseignant Thein Winun.

 

Suspension des contacts politiques

La Nouvelle-Zélande a annoncé mardi la suspension de ses contacts militaires et politiques de haut niveau avec la Birmanie, devenant le premier pays au monde à décider d'un isolement de la junte. "Après des années de dur travail pour bâtir une démocratie en Birmanie, je pense que tout Néo-Zélandais doit se sentir catastrophé de voir ce que les militaires ont fait ces derniers jours", a déclaré à la presse la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern. Elle a également précisé que la suspension impliquera des interdictions de déplacement pour les hauts responsables militaires birmans, tout en afirmant que les programmes d'aide de la Nouvelle-Zélande en Birmanie -qui se chiffrent aux alentours de 42 millions de dollars néo-zélandais (25 millions d'euros) - seraient maintenus à condition qu'ils ne bénéficient pas aux membres de la junte.

Inédit depuis 2007

Ces trois derniers jours, des  centaines de milliers de manifestants ont défilé à travers le pays.

Ce vent de contestation est inédit depuis le soulèvement populaire de 2007, "la révolution de safran" menée par les moines et violemment réprimée par l'armée.

Le risque de répression est réel. "Nous savons tous de quoi l'armée est capable: d'atrocités massives, de meurtres de civils, de disparitions forcées, de torture et d'arrestations arbitraires", a souligné Tom Villarin du groupement des parlementaires de l'Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) pour les droits humains.

Depuis le 1er février, plus de 150 personnes - députés, responsables locaux, activistes - ont été interpellées et sont toujours en détention, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques, basée à Rangoun.

Le commandant en chef de l'armée, Min Aung Hlaing, s'est exprimé pour la première fois lundi soir sur la chaîne de l'armée Myawaddy TV.

Il s'est engagé à "la tenue d'élections libres et justes" à la fin de l'état d'urgence d'un an, et promis un régime militaire "différent" des précédents.

La Birmanie a vécu près de 50 ans sous le joug de l'armée depuis son indépendance en 1948. Le putsch du 1er février a mis fin à une brève parenthèse démocratique d'une décennie.

 

Loi martiale et répression

Les militaires ont décrété lundi la loi martiale dans plusieurs quartiers de Rangoun, la capitale économique birmane, de Mandalay (centre), deuxième ville du pays, ainsi que dans d'autres endroits. Outre l'interdiction des rassemblements, un couvre-feu y est imposé de 20H00 à 04H00. Cette décision a fait suite au rassemblement de milliers de manifestants pro-démocratie samedi et dimanche à travers la Birmanie.

Le risque de répression est réel. "Nous savons tous de quoi l'armée est capable: d'atrocités massives, de meurtres de civils, de disparitions forcées, de torture et d'arrestations arbitraires", a souligné Tom Villarin du groupement des parlementaires de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) pour les droits humains.

L'armée conteste la régularité des législatives de novembre, remportées massivement par la LND. Mais des observateurs internationaux n'ont pas constaté de problèmes majeurs lors de ce scrutin.

En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d'Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution très favorable aux militaires.

Très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité dans la crise des musulmans rohingyas, la prix Nobel de la paix, en résidence surveillée pendant 15 ans pour son opposition à la junte, reste adulée dans son pays.

L'ex-dirigeante serait "en bonne santé", assignée à résidence à Naypyidaw, d'après son parti.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.