Islam de France: le pari d’Emmanuel Macron contre «le séparatisme»

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Publié le Vendredi 19 février 2021

Islam de France: le pari d’Emmanuel Macron contre «le séparatisme»

  • Le projet de loi visant à «conforter les principes républicains» est l’un des derniers textes marquants du quinquennat qui permettent à Emmanuel Macron d'afficher son tournant régalien
  • Malgré les risques de dérives et les réactions mitigées au nouveau projet de loi, le président français semble gagner son pari

PARIS: Depuis le discours des Mureaux du 2 octobre 2020, en plein contexte de pandémie, Emmanuel Macron a mené tambour battant le combat contre «le séparatisme» pour conforter les valeurs républicaines face au «risque islamiste». Ce volontarisme non dénué de calculs politiques est à la fois un atout et un handicap: si le processus a apporté son lot de préjugés, de cicatrices historiques et a créé des divisions, il s’impose néanmoins pour affronter les tendances séparatistes qui menacent l’unité nationale. La démarche vaut vraiment la peine malgré les risques de dérives.

Après deux semaines de débats denses, les députés ont adopté le 16 février en première lecture le projet de loi «confortant les principes républicains». Il contient une batterie de mesures sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne ou encore l’encadrement de l’instruction en famille. Il vise à permettre une reconquête républicaine, avec comme fer de lance la laïcité pour renforcer la lutte contre l’islamisme, principal ingrédient du séparatisme.

L'interdiction du financement étranger des mosquées et la création d'une taxe sur les produits halal sont des mesures présentées pour permettre la «réorganisation de l’islam de France». La manière dont «l’islam de France» doit être organisée constitue, en réalité, la partie la plus controversée du dossier, et souligne que «les musulmans s'islamisent de plus en plus», que «les réseaux sociaux sont aux mains des islamistes», et que «les islamistes influencent les musulmans».

Presque simultanément, après d’ultimes échanges à la grande Mosquée de Paris, le 17 février, le Conseil national des imams de France (CNI) a vu le jour. Cet organisme, qui sera «mis en place sous la forme d’une association de la loi 1905», se donne pour mission d’organiser la formation et la labellisation des imams dans l’Hexagone. Mis en place «vers la fin février», il aura ainsi la charge de délivrer un agrément aux responsables du culte musulman en fonction de leurs connaissances et de leur engagement à respecter un code de déontologie.

L'interdiction du financement étranger des mosquées et la création d'une taxe sur les produits halal sont des mesures présentées pour permettre la «réorganisation de l’islam de France».

Dans la même logique, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait approuvé le 11 janvier dernier une charte des valeurs républicaines, qui a servi de texte fondateur ouvrant la voie à la création du Conseil national des imams. Il s’agit d’une première mesure concrète qui conforte la présidence française dans son ambition affichée d’une organisation du culte musulman adaptée aux fondements de la République. Mais aboutir à une telle réforme afin de limiter le poids des pays étrangers dans l’islam de France et prévenir les tendances extrémistes ou séparatistes, reste un chemin semé d’embûches et de tiraillements.                

Les réactions suscitées par le discours du président Macron aux Mureaux contre «les séparatismes» accentue un vieux débat passionné autour de l’islam, deuxième religion de France. Depuis plus de quatre décennies, l’islam de France fait l’objet d’un différend profond et irréductible autour du voile, de la laïcité, de l’intégration. Cette polémique sur la place de l’Islam en France reste stérile car elle éclipse l’essentiel, à savoir la cohésion sociale et la jeunesse désorientée. Elle est en réalité de plus en plus souvent dictée par des considérations politiques qui ne disent pas leur nom, des préjugés idéologiques et des ingérences étrangères. Plus préoccupant encore, ces difficultés à comprendre l’islam de France ont laissé le champ libre aux interprétations islamistes radicales, aux raccourcis formatés, et aux surenchères racistes.      

Pour toutes ces raisons, les débats suscités par l’islam doivent être animés par un souci d’éthique et de vérité, au-delà de tout esprit d’anathème ou d’exclusion. Cela permettra à l’islam de France d’être une composante dynamique de la République. Alors qu’il faudrait se concentrer sur le rôle de l’État dans la transition d’un «islam français» (notamment à travers la création d’un institut universitaire pour la formation des imams), l’accent est mis sur la question de «l’islam en crise», formule prononcée par Macron dans le discours des Mureaux, et qui a suscité de l’incompréhension ou de mauvaises interprétations chez une partie des musulmans en France et dans le monde.

La question de l’islam est hautement inflammable dans un pays encore endeuillé par de récents attentats djihadistes, en particulier la décapitation du professeur Samuel Paty à l’automne 2020. Une partie de musulmans français et de la classe politique française ont accusé ce projet de «renforcer les discriminations envers les musulmans», et les «amalgames» entre islam, immigration, terrorisme et insécurité.

Les réactions suscitées par le discours du président Macron aux Mureaux contre «les séparatismes» accentue un vieux débat passionné autour de l’islam, deuxième religion de France. Depuis plus de quatre décennies, l’islam de France fait l’objet d’un différend profond et irréductible autour du voile, de la laïcité, de l’intégration.

Historiquement, l’interprétation de la laïcité confondue avec la sécularisation forcée de l’espace public et de ceux qui y circulent, a opposé l’Église à la laïcité. Jules Ferry (fondateur de l’école publique) disait en 1881  qu’entre «le fanatisme religieux et le fanatisme irréligieux, le second est aussi mauvais que le premier». Aujourd’hui, ce sont les comportements des musulmans qui sont scrutés à la loupe: les demandes se multiplient pour réclamer l’interdiction du foulard des femmes dans l’espace public ou à l’université, ou pour empêcher les femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires. La violence djihadiste finit sans doute par justifier la mise en place d’interdits qui s’ajoutent à des soupçons de «séparatisme».

Dans cette optique, le projet de loi visant à «conforter les principes républicains» est un des derniers textes marquants du quinquennat qui permettent à Emmanuel Macron d'afficher son tournant régalien. Mais il suscite des réserves de la part des cultes et des collectivités territoriales, alors que la droite accuse de plus en plus le chef de l'État de faiblesse dans la lutte contre l'islamisme.

Cent quinze ans après la loi fondatrice sur la laïcité, promulguée le 9 décembre 1905, pour Emmanuel Macron, «l’objectif est de lutter contre ces groupes et associations qui, au nom d'une idéologie, veulent sortir de la République». Malgré les aléas de ce tournant régalien et les réactions mitigées au nouveau projet de loi, le président français semble gagner son pari. Il est parvenu à pousser représentants du culte musulman à s’entendre malgré leurs réserves, le refus de certaines fédérations (notamment celles liées à la Turquie d’Erdogan) et de voix libres musulmanes.

Rappelons que sous la pression de l’exécutif, la charte des valeurs républicaines a enfin été  adoptée par le CFCM le 11 février. Mais, elle reste vivement critiquée par les imams et théologiens, qui regrettent de ne pas avoir été consultés lors de la rédaction du texte. Plus grave encore, les dissensions internes entre les neuf fédérations témoignent d’un fonctionnent d’un CFCM fragile et peu représentatif.

Cent quinze ans après la loi fondatrice sur la laïcité, promulguée le 9 décembre 1905, pour Emmanuel Macron, «l’objectif est de lutter contre ces groupes et associations qui, au nom d'une idéologie, veulent sortir de la République».

Seulement cinq fédérations ont signé la charte des principes pour l’islam de France, document sur lequel s’adossera le futur CNI, actant une scission nette au sein du CFCM. Parmi les cinq signataires, figurent le Rassemblement des musulmans de France (RMF, proche du Maroc), l’Union des mosquées de France (UMF), les Musulmans de France (MF, l’ancienne UOIF, proche idéologiquement des Frères musulmans), la Fédération française des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) et la grande Mosquée de Paris (tendance algérienne), représentée par son recteur Chems-Eddine Hafiz. Trois autres fédérations ont décidé de ne pas signer la charte: l’association Foi et Pratique (ultra-rigoriste proche du Tabligh) et surtout les deux organisations turques, le Millî Görüs et le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), sous le contrôle d’Ankara.

À la suite de cette gestation compliquée, le CNI serait bientôt élargi pour inclure 25 membres, selon le président du CFCM Mohammed Moussaoui: les responsables des cinq fédérations du CFCM ayant signé la charte des principes pour l’islam de France, dix imams désignés par ces fédérations et dix autres imams non affiliés. Des personnalités telles que Tarek Oubrou, imam de Bordeaux, qui avait été très critique sur le projet, ou d’autres imams moins connus, seront notamment «approchées».

Des proches du président se montrent satisfaits des résultats de ce long processus, et  insistent sur le fait que «la France n’entend jamais devenir contre l’islam, ou n’importe autre religion», mais qu’elle lutte plutôt contre «l’obscurantisme, le fanatisme, et l’extrémisme violent».


Gérald Darmanin a rendu visite à Nicolas Sarkozy mercredi soir à la prison de la Santé

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
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  • L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45
  • L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui"

PARIS: Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier.

L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45, a poursuivi cette même source, avant un échange entre le garde des Sceaux et les agents pénitentiaires sur la sécurité de l'ex-chef de l'Etat.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a été incarcéré le 21 octobre à la Santé. Cette détention d'un ancien président est une première dans l'histoire de la République.

Il a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines.

L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui", avait expliqué le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.

Gérald Darmanin avait dit avant l'incarcération de l'ex-président son intention d'aller le visiter, afin de "s'assurer que les conditions de sécurité sont bonnes pour ce détenu au statut hors du commun", avait expliqué son entourage.


Nouveau coup de filet dans l'enquête sur le cambriolage du Louvre

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
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  • Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place
  • Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue

PARIS: La procureure de Paris Laure Beccuau a annoncé jeudi cinq nouvelles interpellations liées au casse du musée du Louvre, dont un principal suspect, mais les joyaux de la couronne de France, estimés à 88 millions d'euros, restent introuvables.

Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place. Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue.

Parmi eux se trouve un des cambrioleurs présumés, qui "était effectivement un des objectifs des enquêteurs, on l'avait dans le viseur", a précisé la procureure de Paris sur la radio RTL.

"Des traces ADN" lient ce principal suspect "au vol qui a été commis", a ajouté Laure Beccuau, suggérant qu'il faisait partie du commando des quatre hommes qui ont commis le vol du 19 octobre en moins de huit minutes, une affaire qui a fait le tour de la planète.

"Quant aux autres personnes qui sont placées en garde à vue, ce sont des personnes qui peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", a expliqué la procureure de Paris, sans vouloir en dire plus sur leur profil, "il est trop tôt".

Ces cinq nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis (dans le nord de la région parisienne), a-t-elle indiqué.

"Déterminée" 

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure.

"Je dirais que comme toute enquête, cette enquête, c'est comme un fil d'Ariane", a comparé Laure Beccuau, insistant: "mon rôle n'est pas d'être inquiète (sur le sort des bijoux) mais d'être déterminée".

Et de lancer un message: "ce que je souhaite très clairement dire à ceux qui détiendraient les bijoux aujourd'hui, c'est que évidemment la justice saura tenir compte de l'absence de préjudice de ce cambriolage". "La coopération dans l'enquête, on en tient compte pour la peine évidemment", a-t-elle formulé plus explicitement.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie.

Les deux inculpés - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers (région parisienne au nord) -  "n'ont pas souhaité s'exprimer" devant le magistrat instructeur mercredi soir, a-t-elle confié.

Auparavant, les deux trentenaires "se sont livrés à des déclarations, que côté enquêteurs et côté magistrats du parquet, nous estimons minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", a mis en avant Laure Beccuau.

"Marchés parallèles" 

"Si on analyse leur casier, on ne peut pas effectivement considérer qu'ils font partie du haut du spectre de la criminalité organisée", a-t-elle décrypté à leur sujet.

La procureure insiste sur l'idée de sortir "d'une image d'une criminalité organisée, type mafieux, avec le patron et tout un tas d'équipes qui gravitent autour de lui parce que ce sont des connaissances".

La criminalité organisée peut aussi se nourrir selon elle de "personnes recrutées sur les réseaux sociaux, n'ayant aucun casier judiciaire" et susceptibles de commettre des méfaits graves pour "des sommes qui nous sidèrent", sous-entendu modiques.

La procureure de Paris s'est en outre attardée sur le rôle de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), qui explore "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est sans doute pas sur le marché légal des oeuvres d'art que surgiront les bijoux.

Parmi les hypothèses des enquêteurs, il y a celle "que ces bijoux pourraient être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a enfin pointé la procureure.

 

 


Budget: Lecornu fragilisé par une alliance gauche-RN sur la fiscalité des multinationales

Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
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  • Alliance gauche–RN : Les députés ont adopté plusieurs taxes sur les grandes entreprises, défiant le gouvernement
  • Crise budgétaire : Le budget 2026 est fragilisé, avec un risque de passage en force par ordonnances

PARIS: Les députés ont voté mercredi de nouvelles taxes visant les grandes entreprises, dans une alliance de circonstance entre la gauche et l'extrême droite, rendant plus difficile l'adoption du budget par le camp gouvernemental qui dénonce une "folie fiscale".

Sébastien Lecornu se retrouve face à une équation politique de plus en plus impossible, alors même que les mesures les plus sensibles – notamment sur la taxation des hauts patrimoines, condition posée par les socialistes à leur non-censure – n'ont pas encore été examinées.

Jeudi, les députés feront une pause dans les débats budgétaires, avec une journée réservée à l'examen de textes proposés par le Rassemblement national.

Mais ils reprendront vendredi, avec l'examen prioritaire dès 09H00 de l'article 3 du projet de loi de Finances instaurant une taxe sur les holdings, suivi des amendements de la gauche pour créer une taxe Zucman.

Dans ce contexte déjà tendu, le gouvernement avait haussé le ton dès mercredi matin. "La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Economie Roland Lescure. Le Premier ministre s'est lui inquiété devant les sénateurs d'une déconnexion entre le débat fiscal et "la question économique générale et globale".

Dans leur ligne de mire, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales, pour lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale.

Une mesure censée rapporter 26 milliards d'euros, selon ses défenseurs, mais jugée inopérante, contraire à la législation et néfaste pour l'économie française, par le gouvernement.

- "Pas honteux" -

Marine Le Pen, pointée du doigt par la droite pour son soutien, a défendu la mesure. "Il s'agit juste de faire respecter la loi", selon elle.

"Pour l'instant, ce qui a été voté" à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat n'est "pas honteux, contrairement aux hurlements du gouvernement", a enfoncé la cheffe des députés RN.

Mais les mises en garde du camp gouvernemental n'ont pas freiné les députés dans leur lancée, au contraire.

Dans l'après-midi, ils ont continué d'adopter des mesures visant les grands groupes.

Là encore, ce sont les votes réunis de la gauche et du RN qui ont permis l'adoption d'une mesure portée par LFI visant à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales.

C'est "une autoroute vers le contentieux", qui fragiliserait les efforts coordonnés avec l'OCDE pour lutter contre l'évasion fiscale, a fustigé dans l'hémicycle le ministre de la Fonction publique, David Amiel.

"On assume à 100%" ce vote, a martelé le député RN Jean-Philippe Tanguy.

Dans la foulée, le gouvernement a essuyé deux nouveaux revers: le RN a réussi à faire adopter de justesse un amendement pour alourdir la taxation sur les rachats d'actions, afin de lutter contre la spéculation. Les députés de gauche se sont pour la plupart abstenus. Puis c'est la France Insoumise qui a réussi à faire adopter, lors d'un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.

Ces derniers votes ne devraient pas faciliter la tâche de Sébastien Lecornu.

Mercredi matin, le président de LR Bruno Retailleau avait dénoncé une "folie fiscale", et "le coût de la stabilité politique exorbitant". Le chef des députés MoDem Marc Fesneau estime aussi que le texte "devient totalement invotable".

- Amendement de compromis ? -

A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, avait relativisé les votes de la veille, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire".

M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".

Sous couvert d'anonymat, plusieurs cadres de la coalition gouvernementale disent s'attendre à ce qu'il n'y ait "pas de budget" et que le gouvernement doive se contenter d'une "loi spéciale", qui lui permet de reconduire en 2026 les impôts et dépenses de 2025.

Autre option: l'adoption d'un budget par ordonnances, comme l'autorise la Constitution si les délais d'examen du texte sont dépassés, et comme s'en inquiète le RN.

Les groupes politiques ont accepté de retirer une partie de leurs amendements afin d'accélérer les débats.

La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dès la reprise vendredi matin.

Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman n'a guère de chance d'être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).

Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a reconnu Mme Bregeon.