Le comédien turc Mujdat Gezen jugé pour "insulte" à Erdogan

L'acteur de théâtre et de cinéma turc Mujdat Gezen répond aux questions des journalistes alors qu'il quitte le palais de justice d'Anatolie à Istanbul, le 24 décembre 2018, à Istanbul, après une audition dans le cadre d'une enquête déjà ouverte contre lui à l’époque par les autorités turques pour des déclarations "insultantes" à Erdogan lors d'un programme télévisé. (Yasin Akgul/AFP)
L'acteur de théâtre et de cinéma turc Mujdat Gezen répond aux questions des journalistes alors qu'il quitte le palais de justice d'Anatolie à Istanbul, le 24 décembre 2018, à Istanbul, après une audition dans le cadre d'une enquête déjà ouverte contre lui à l’époque par les autorités turques pour des déclarations "insultantes" à Erdogan lors d'un programme télévisé. (Yasin Akgul/AFP)
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Publié le Dimanche 28 février 2021

Le comédien turc Mujdat Gezen jugé pour "insulte" à Erdogan

  • Jugé pour avoir "insulté" le président Recep Tayyip Erdogan, l’acteur Mujdat Gezen risque un nouvel emprisonnement. La décision du tribunal est attendue lundi
  • "Recep Tayyip Erdogan, tu ne peux pas tester notre patriotisme. Reste à ta place", avait lancé Gezen lors d'une émission sur la chaîne d'opposition Halk TV

ISTANBUL : Après un demi-siècle de carrière, le célèbre comédien et écrivain turc Müjdat Gezen pensait avoir tout connu: de nombreux prix, une nomination comme ambassadeur de bonne volonté des Nations unies et même un court séjour dans les geôles turques en 1980.

Mais à l'âge de 77 ans, sa vie risque de connaître encore un rebondissement : jugé pour avoir "insulté" le président Recep Tayyip Erdogan, il risque un nouvel emprisonnement. La décision du tribunal est attendue lundi.

Connu pour son franc-parler et sa gaieté, malgré un mal de dos chronique, cet homme de théâtre pourrait être la dernière victime de la bataille lancée par le président turc contre ceux qu'il appelle avec dérision les "soi-disant artistes".

"Mon nom a même été banni des mots croisés", plaisante Gezen lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP.

Le comédien s'est retrouvé devant un tribunal avec son confrère Metin Akpinar, âgé de 79 ans, pour des propos tenus lors d'une émission télévisée sur la chaîne d'opposition Halk TV.

"Recep Tayyip Erdogan, tu ne peux pas tester notre patriotisme. Reste à ta place", a lancé Gezen lors de l'émission.

Akpinar, de son côté, est allé encore plus loin en déclarant que "si nous échouons à atteindre la démocratie, (...) le leader pourrait finir pendu par les pieds ou empoisonné dans une cave, comme c'est arrivé dans tous les fascismes".

Ces commentaires ont fortement déplu à M. Erdogan, que les défenseurs des droits humains accusent de dérive autoritaire, notamment depuis une tentative de coup d'Etat le visant en 2016.

Un procureur a requis des peines allant jusqu'à quatre ans et huit mois de prison contre les deux comédiens septuagénaires.

"Payer le prix"

Ces dernières années, plusieurs milliers de personnes aux profils très variés, dont une ex-miss Turquie et des lycéens, ont été condamnés ou poursuivis pour "insulte au chef de l'Etat".

M. Erdogan a plusieurs fois menacé ses détracteurs de leur faire "payer le prix".

Le lendemain de l'émission sur Halk TV, des policiers se sont rendus chez Gezen pour l'emmener dans le bureau du procureur.

Voir des policiers à sa porte a ravivé de mauvais souvenirs pour le comédien qui a passé 20 jours en prison après le coup d'Etat militaire de 1980 en Turquie.

Son livre sur Nazim Hikmet, poète communiste mort en exil à Moscou en 1963 et toujours vénéré comme un des plus grands noms de la poésie turque, avait été banni après le putsch.

"On m'avait enchaîné pour m'emmener en prison avec une cinquantaine de criminels, dont des assassins et des contrebandiers", se souvient Gezen.

En dépit de la procédure judiciaire en cours, le comédien continue d'exprimer ses craintes quant à la direction prise par son pays sous M. Erdogan.

"La Turquie a un nombre record de journalistes en prison. On n'avait jamais vu cela pendant toute l'histoire de la Turquie. C'est bouleversant", dit-il.

"Terre en vue!"

Auteur de plus 50 livres et fondateur d'un centre culturel à Istanbul, Gezen affirme avoir "critiqué ou parodié des politiciens en leur présence" pendant des décennies sans être inquiété.

Sa popularité et sa détermination lui ont valu d'être désigné comme ambassadeur de bonne volonté de l'Unicef en 2007.

Mais il craint aujourd'hui la disparition de la longue tradition des artistes critiques en Turquie.

Il regrette notamment de voir l'autocensure croissante chez les artistes qui préfèrent rester "apolitiques".

"L'art s'inscrit par nature en opposition (...) Ce n'est pas au président de définir la conduite des artistes", estime-t-il.

Mais lui aussi a dû s'adapter : ainsi, ses avocats relisent désormais ses manuscrits avant leur publication, pour éviter de nouvelles poursuites judiciaires.

Malgré ses mésaventures, M. Gezen reste optimiste pour l'avenir de la Turquie.

Comparant son pays à un navire arrivant au terme d'une pénible traversée, il est persuadé qu'"un jour, quelqu'un pourra s'écrier ‘terre en vue!’"


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.