ALGER: La reconnaissance par la France de l'assassinat du dirigeant nationaliste algérien Ali Boumendjel par l'armée française reste « insuffisante », a déclaré mercredi Mustapha Bouchachi, avocat et militant des droits humains.
« Nous estimons à leur juste valeur ces décisions. Toutefois, nous considérons que c'est insuffisant », a réagi Bouchachi, 62 ans, après la décision du président français de reconnaître « au nom de la France » qu'Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l'armée française pendant la bataille d'Alger en 1957.
« La France doit reconnaître qu'elle a commis en Algérie des crimes contre l'humanité, d'innombrables crimes à l'encontre des Algériens », a-t-il dit.
Le geste d'Emmanuel Macron n'a suscité jusqu'à présent aucune réaction officielle publique à Alger.
Dans la rue, les réactions recueillies étaient mitigées, le ressentiment restant vif à l'égard de l'ancienne puissance coloniale.
« La reconnaissance de l'assassinat du martyr Ali Boumendjel est un aveu tardif », regrette Mahfoud, un agent commerciale de 52 ans. « Ce n'est qu'un échantillon des crimes commis en Algérie entre 1830 et 1962. Des crimes majeurs. »
Pour Boubakeur, un autre Algérois quinquagénaire, travailleur journalier, les Français « veulent se couvrir ». « Nous voulons que la France reconnaisse tous les crimes commis à l'encontre du peuple algérien durant un siècle et demi de colonialisme français. »
L'extrême droite fustige la «repentance» de Macron
L'extrême droite a fustigé mercredi la « repentance » du président Emmanuel Macron qui a reconnu qu'un militant algérien avait été « torturé et assassiné » par l'armée française pendant la guerre d'Algérie.
« Alors que le communautarisme et l'islamisme progressent et se nourrissent de nos faiblesses, Macron continue d'envoyer des signaux désastreux de repentance, de division et de haine de soi... Il faut vite renouer, au sommet de l'Etat, avec la fierté d'être français ! », a écrit sur Twitter la dirigeante d'extrême droite, Marine Le Pen.
Dans un deuxième tweet, la cheffe du RN et candidate à l'Elysée, a jugé que « le fait de pointer directement la responsabilité de l'armée française » allait « mettre nos soldats en danger », au moment « où celle-ci est parfois violemment contestée par certaines populations locales dans son intervention au Sahel ».
L'aveu de l'assassinat d'Ali Boumendjel, maquillé à l'époque en suicide, fait partie des gestes d'apaisement recommandés par l'historien Benjamin Stora dans son rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie, afin de résoudre les tensions autour de la mémoire de ce conflit.
Ce geste « n'est pas un acte isolé », a souligné Macron, qui a promis que « ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois, afin que nous puissions avancer vers l'apaisement et la réconciliation » entre les deux rives de la Méditerranée.
Alors que le 60e anniversaire de la fin de la guerre et de l'indépendance de l'Algérie sera célébré en 2022, la « réconciliation des mémoires » est un dossier prioritaire entre Alger et Paris.
Macron et son homologue Abdelmadjid Tebboune se sont engagés à travailler ensemble sur cette question mémorielle.