La Russie resserre son emprise sur l'Arménie

Le mercredi 3 mars 2021, à Erevan, en Arménie, des manifestants de l'opposition lancent des slogans antigouvernementaux alors qu'ils se rassemblent pour faire pression sur le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, afin qu'il démissionne. (AP)
Le mercredi 3 mars 2021, à Erevan, en Arménie, des manifestants de l'opposition lancent des slogans antigouvernementaux alors qu'ils se rassemblent pour faire pression sur le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, afin qu'il démissionne. (AP)
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Publié le Mardi 09 mars 2021

La Russie resserre son emprise sur l'Arménie

La Russie resserre son emprise sur l'Arménie
  • Une crise était attendue en Arménie après la guerre du Haut-Karabakh de 2020, et elle n'a pas tardé à se produire
  • Lorsque Nikol Pashinyan a remporté les élections de 2018 avec environ 70% des votes, les espoirs étaient grands

Une crise était attendue en Arménie après la guerre du Haut-Karabakh de 2020, et elle n'a pas tardé à se produire. Elle a commencé par un bras de fer entre les autorités civiles et militaires de l’Arménie, mais elle a évolué pour renforcer davantage l’influence de la Russie dans le pays.

Lorsque Nikol Pashinyan a remporté les élections de 2018 avec environ 70% des votes, les espoirs étaient grands. Les gens attendaient des miracles d'un gouvernement aussi fort, mais ils ont finalement été déçus du revers subi dans la guerre du Haut-Karabakh. À un moment donné, le mécontentement a dû éclater, et le Premier ministre, Pashinyan, lui a offert une occasion en or pour le faire.

Lorsque l'ancien président arménien Serge Sarkissian a voulu savoir pour quelle raison les missiles Iskander, de fabrication russe, n’avaient pas été utilisés au début de la guerre, Pashinyan a déclaré que les missiles «n'avaient pas explosé ou n'avaient explosé qu’à 10%». S'il n'est pas facile de vérifier la véracité de cette déclaration, on peut supposer que ce sont des experts militaires qui ont communiqué à Pashinyan ce type d’informations. Le commentaire de Pashinyan a provoqué une série d’événements qui ont conduit à la tourmente dans laquelle se trouve actuellement la politique intérieure du pays.

Le sujet de la discussion étant l’efficacité des équipements de défense de fabrication russe, des parlementaires et des experts militaires russes se sont joints à la chorale pour contester la déclaration de Pashinyan. Soit à cause de leur provocation, soit de sa propre initiative, le lieutenant-général Tiran Khachatryan, le premier sous-chef d’état-major général des forces armées arméniennes a eu pour réaction un petit rire qui laissait entendre que le commentaire du Premier ministre était peu réaliste – une attitude offensante qui a valu au militaire d’être démis de ses fonctions par Pashinyan.

Tandis que la tension montait à Erevan, Pashinyan et le président russe, Vladimir Poutine, ont eu plusieurs conversations téléphoniques. La Russie attendait une explication concrète sur la question des performances de ses missiles.

Lundi dernier, l’attachée de presse de Pashinyan annonçait: «Une analyse des faits et des données disponibles a conduit le Premier ministre arménien à conclure qu’il n’a pas reçu de rapports corrects à ce sujet». Elle ajoutait que Pashinyan et Poutine avaient discuté de ce sujet le 25 février lors d'un appel téléphonique.

Pashinyan réaffirme alors qu'il a été induit en erreur par l'armée et exprime ses excuses indirectes à Poutine, que ce dernier a acceptées à travers une déclaration du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov: «Il est très important que la vérité sur cette question soit rétablie.»

La réaction des partis d’opposition arménienne ne s’est pas encore calmée. Le score particulièrement élevé (70% des suffrages) obtenu par Pashinyan lors des élections de 2018 ne serait sans doute pas le même aujourd’hui, mais il constitue toujours un défi. Il est difficile de prévoir la manière dont se déroulera la querelle entre les autorités militaires et civiles en Arménie.

En ce qui concerne les relations entre la Russie et l’Arménie, on peut supposer que chaque initiative qui implique la Russie dans les affaires intérieures de l’Arménie est susceptible de resserrer davantage l’emprise de la première sur le pays. Maintenant, il s'agit de savoir à quel point cette emprise sera serrée ou de combien de munitions dispose encore Pashinyan pour résister à la pression de Moscou.

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et il est membre fondateur du parti AKP au pouvoir.

Twitter: @yakis_yasar

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com