Syrie: une opposition affaiblie après 10 ans de guerre

Manifestations anti-gouvernementales, à Alep en 2013 (Photo, AFP).
Manifestations anti-gouvernementales, à Alep en 2013 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 09 mars 2021

Syrie: une opposition affaiblie après 10 ans de guerre

  • L'opposition politique en exil a échoué en 10 ans de guerre à unifier ses rangs pour présenter une alternative crédible au régime de Bachar al-Assad
  • Malgré ses efforts pour s'imposer face au pouvoir après le début du soulèvement populaire réclamant le départ du chef de l'Etat, le constat est sans appel

BEYROUTH: Affaiblie par des luttes intestines et les défaites militaires sur le terrain en Syrie, l'opposition politique en exil a échoué en 10 ans de guerre à unifier ses rangs pour présenter une alternative crédible au régime de Bachar al-Assad.

Malgré ses efforts pour s'imposer face au pouvoir après le début du soulèvement populaire réclamant le départ du chef de l'Etat, le constat est sans appel : les opposants sont marginalisés et Assad, au pouvoir depuis 21 ans, est toujours là.

Entités, réunions, groupes

Engagés dans des négociations parrainées par l'ONU, soutenus par des puissances étrangères, les groupes d'opposition n'ont pas réussi à construire des ponts solides avec ceux de l'intérieur. Progressivement ils ont été accusés d'être coupés des réalités et de ne pas représenter les rebelles qui combattent l'armée syrienne.

La première réunion élargie de l'opposition s'est tenue en juin 2011 en Turquie, quelques mois seulement après le début le 15 mars du soulèvement maté par le régime.

Y était présent un large éventail de dissidents : des Frères musulmans, bannis en Syrie, en passant par des intellectuels, journalistes et figures de l'opposition réclamant des réformes démocratiques jusqu'aux tribus et jeunes militants.

Premier grand bloc de l'opposition, le Conseil national syrien voit le jour en octobre 2011, avant de se fondre un an plus tard dans une « Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes », qui rassemble aussi des opposants de l'intérieur.

La Coalition, établie à Doha, est alors perçue comme la plus représentative de l'opposition.

Elle est reconnue fin 2012 comme « seul représentant du peuple syrien » par plus d'une centaine de pays, y compris occidentaux et arabes. Le régime est alors aux abois, enchaînant les défaites militaires.

Mais la répression reste violente et la militarisation de la « révolution » ouvre la voie à l'implication de plusieurs pays. Le Qatar et l'Arabie saoudite arment des factions rebelles.

Dès 2014, sous l'égide de l'ONU, la Coalition mène des pourparlers infructueux avec le régime. Principale pierre d'achoppement : le départ d'Assad.

Jihadistes, attentats

Les factions armées prolifèrent, soutenues par des parrains étrangers aux intérêts divergents. Le soutien militaire de l'Occident reste timide.

L'arrivée progressive d'organisations jihadistes, notamment le groupe Etat islamique (EI) à partir de 2014, accapare l'attention internationale. Des milliers de combattants étrangers rallient la Syrie et l'Irak voisin, les attentats meurtriers se multiplient, frappant jusqu'en Europe.

La communauté internationale, emmenée par Washington, met sur pied une coalition qui soutiendra avec ses frappes aériennes une milice kurde syrienne engagée contre les jihadistes en Syrie.

Rien de tel pour les rebelles qui combattent l'armée d’Assad.

Mais l'opposition en exil ne lâche pas. Sous parrainage saoudien, le Haut Comité des négociations (HCN) voit le jour fin 2015 et d'autres coalitions se forment : le « Groupe du Caire » ou encore le « Groupe de Moscou ».

En Syrie, une opposition politique tolérée par Damas poursuit un engagement discret : partis de gauche, kurdes et nationalistes, ainsi que des militants autrefois détenus par le régime.

En 2017, le HCN, les Groupes du Caire et de Moscou s'allient pour former une seule délégation aux négociations avec le régime.

« Pas à la hauteur »

Sur le terrain, les rebelles enchaînent les défaites et perdent leurs bastions ; Alep fin 2016 puis la Ghouta orientale en avril 2018.

Les pays soutenant l'opposition, autrefois intraitables sur un départ d’Assad, réalisent qu'il est là pour rester, son régime enchaînant les victoires militaires grâce au soutien de ses alliés russe et iranien.

Les dissidents sont alors sous pression pour adopter une approche plus conciliante.

Illustrant l'évolution du conflit, les négociations de Genève ont été éclipsées par le processus dit d'Astana, mis sur pied par Moscou et Téhéran, avec la Turquie, parrain des rebelles.

Aujourd'hui les négociations entre opposition et régime sous l'égide de l'ONU se résument aux travaux d'un comité constitutionnel, qui semble condamné à l'impasse.

« L'opposition est l'une de nos déceptions », assène le militant Mazen Darwiche emprisonné trois ans dans les geôles syriennes, et qui vit aujourd'hui en Europe.

Il fustige des opposants qui se comportent comme des « ambassadeurs » défendant « les intérêts » de tel ou tel pays.

Khaled Okacha, a abandonné la Ghouta orientale et s'est réfugié à Idleb (nord-ouest), dernier bastion rebelle et jihadiste en Syrie.

« Au début de la révolution, nous rêvions d'une Syrie qui ne serait pas dirigée par un régime dictatorial », dit-il. « Les réalisations de l'opposition n'ont pas été à la hauteur de nos attentes. Nous avons perdu dix ans de notre vie, le pays est détruit et le régime est encore plus répressif et criminel ».


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.


Damas va «lutter activement» contre les groupes «terroristes», affirme un émissaire américain

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  • "Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack
  • Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes

DAMAS: Damas va lutter activement contre les groupes "terroristes" dont l'Etat islamique (EI), les Gardiens de la Révolution iraniens, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, a affirmé jeudi l'émissaire américain pour la Syrie Tom Barrack.

Le président américain Donald Trump a reçu lundi à la Maison Blanche son homologue syrien Ahmad al-Chareh, une première pour un chef d'Etat syrien et une consécration pour l'ancien jihadiste qui pris le pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad.

La coalition antijihadiste dirigée par les Etats-Unis a annoncé mercredi que la Syrie était devenue le 90ème membre de ce groupe qui avait été créé en 2014 pour combattre l'EI en Syrie et en Irak.

"Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack.

L'Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, son armée idéologique, et le Hezbollah soutenaient militairement le pouvoir de Bachar al-Assad avant sa chute, contrairement au Hamas qui n'y avait pas de présence armée.

Une réunion tenue cette semaine à Washington avec les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio, turque Hakan Fidan et syrienne Assaad al-Chaibani a évoqué l'intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et qui contrôlent de vastes pans du nord-est syrien, au sein de l'Etat, selon l'émissaire.

Soutenues par les Etats-Unis, les FDS ont été le fer de lance de la lutte en Syrie contre le groupe EI, qui y a été défait.

Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes.

Sur X, M. Abdi a indiqué avoir discuté au téléphone avec Tom Barrack de son engagement "à accélérer l'intégration des FDS au sein de l'Etat syrien".

Le pouvoir de M. Chareh et les Kurdes avaient signé un accord en mars pour intégrer dans un délai d'un an leurs institutions civiles et militaires au sein du pouvoir central mais son application a été entravée par des divergences entre les deux parties.

 


Cisjordanie : le chef de l'armée israélienne veut «mettre fin» aux violences de colons

Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
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  • Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens
  • Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes

JERUSALEM: Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies.

"Nous sommes déterminés à mettre fin à ce phénomène et nous agirons avec fermeté jusqu'à ce que justice soit rendue", a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir lors d'une visite à des troupes en exercice dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, selon un communiqué militaire.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l'ONU (Ocha) a annoncé avoir enregistré en Cisjordanie "264 attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en octobre, soit "le bilan mensuel le plus élevé en près de deux décennies de collecte de données".

Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens en lien avec une descente violente menée contre la localité palestinienne de Beit Lid, près de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.

Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes.

Le président israélien Isaac Herzog a condamné ces exactions les qualifiant de "choquantes et inacceptables".

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons de plus en plus jeunes et violents vivant généralement dans des avant-postes (implantations illégales au regard du droit israélien et destinées à créer des faits accomplis sur le terrain) se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants anticolonisation israéliens ou étrangers, des journalistes et parfois aussi des soldats.

Plus de 500.000 Israéliens vivent en Cisjordanie dans des colonies régulièrement condamnées par l'ONU comme illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.003 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.