Turquie: acquitté mais empêché de rentrer en France, un mathématicien se dit otage

Pour ce maître de conférences à l'Université Claude-Bernard à Lyon, où il vivait depuis 25 ans, le cauchemar a commencé en mai 2019. Alors qu'il se trouve en Turquie en vacances, il apprend qu'il ne peut pas quitter le territoire car il est accusé d'"appartenir à une organisation terroriste".   Incarcéré dans la foulée, il est jugé pour "propagande terroriste" pour avoir participé en France à la réunion d'une amicale kurde, lors de laquelle il a servi d'interprète. Libéré en juillet 2019, il est acquitté en janvier 2020. (AFP).
Pour ce maître de conférences à l'Université Claude-Bernard à Lyon, où il vivait depuis 25 ans, le cauchemar a commencé en mai 2019. Alors qu'il se trouve en Turquie en vacances, il apprend qu'il ne peut pas quitter le territoire car il est accusé d'"appartenir à une organisation terroriste". Incarcéré dans la foulée, il est jugé pour "propagande terroriste" pour avoir participé en France à la réunion d'une amicale kurde, lors de laquelle il a servi d'interprète. Libéré en juillet 2019, il est acquitté en janvier 2020. (AFP).
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Publié le Mardi 30 mars 2021

Turquie: acquitté mais empêché de rentrer en France, un mathématicien se dit otage

  • Arrêté et emprisonné en Turquie pour "terrorisme", puis acquitté, un mathématicien turc enseignant dans une université française est bloqué depuis près de deux ans dans ce pays où les autorités refusent de lui rendre son passeport
  • Pour ce maître de conférences à l'Université Claude-Bernard à Lyon, où il vivait depuis 25 ans, le cauchemar a commencé en mai 2019

ISTANBUL : Arrêté et emprisonné en Turquie pour "terrorisme", puis acquitté, un mathématicien turc enseignant dans une université française est bloqué depuis près de deux ans dans ce pays où les autorités refusent de lui rendre son passeport.


"Je suis l'otage de l'Etat turc", lâche Tuna Altinel, reconnu dans les milieux académiques pour ses travaux sur la logique mathématique et la théorie des groupes, lors d'un entretien à l'AFP qu'il reçoit à son domicile à Istanbul.


Le cas de cet homme âgé de 55 ans au regard perçant est emblématique de la répression contre le monde académique et les milieux prokurdes qui s'est renforcée après une tentative de putsch contre le président Recep Tayyip Erdogan en 2016.


La mésaventure de M. Altinel intervient aussi dans un contexte de vives tensions entre Ankara et Paris, même si les deux membres de l'Otan s'efforcent depuis quelques semaines d'apaiser leurs relations.


Pour ce maître de conférences à l'Université Claude-Bernard à Lyon, où il vivait depuis 25 ans, le cauchemar a commencé en mai 2019. Alors qu'il se trouve en Turquie en vacances, il apprend qu'il ne peut pas quitter le territoire car il est accusé d'"appartenir à une organisation terroriste".


Incarcéré dans la foulée, il est jugé pour "propagande terroriste" pour avoir participé en France à la réunion d'une amicale kurde, lors de laquelle il a servi d'interprète. Libéré en juillet 2019, il est acquitté en janvier 2020.


Alors qu'il pensait pouvoir rentrer à Lyon et "reprendre sa vie" après cet acquittement, M. Altinel se voit refuser la restitution de son passeport à plusieurs reprises, "sans aucune motivation".


Il finit par apprendre qu'une autre enquête dont il ne sait rien a été ouverte contre lui, et en déduit que le blocage est lié à celle-ci.

- "Kafkaïen" -
Déterminé à récupérer son document de voyage --"car c'est mon droit"--, il intente un procès aux autorités, mais est renvoyé d'un tribunal à un autre, d'une commission à une autre.


Le mathématicien y voit la "logique implacable" d'une "machine administrative qui cherche à noyer, écraser les gens avec la bureaucratie. "Le mot +kafkaïen+ revient souvent quand j'en parle avec mes amis", dit-il.


Il voit dans cette mesure d'interdiction de quitter le territoire une forme de "punition" pour son engagement sans concession pour les droits humains et la cause kurde.


En 2016, il a signé, avec quelque 2.000 autres universitaires turcs et étrangers, une pétition appelant à la fin des opérations militaires dans le sud-est majoritairement kurde de la Turquie, ce qui lui a valu des poursuites et un autre acquittement. 


"L'Etat turc empêche les opposants qui le gênent de quitter le territoire (...) C'est une façon d'accepter que le pays est une prison, ce qui est un peu triste", estime M. Altinel.


Il dit avoir dès le début écarté l'idée de quitter le pays de manière clandestine, comme le font certains Turcs fuyant les autorités.


"Mon combat, ce n'est pas juste pour sauver ma peau. Je veux qu'il y ait un apport pour la société", explique-t-il, estimant que son procès a par exemple permis de mettre en lumière le rôle du consulat turc à Lyon, qui l'a dénoncé à Ankara, pour "ficher les gens".

- "Peur de l'oubli" -
Face aux difficultés, il s'estime toutefois relativement "chanceux", car en tant que fonctionnaire de l'Etat français, il continue de toucher son salaire. 


Il peut en outre compter sur le "soutien incroyable" de ses collègues en France qui ont organisé avec lui une campagne sur les réseaux sociaux avec le mot d'ordre "passeport pour Tuna", mi-mars.


Il redoute cependant de "tomber dans l'oubli" des autorités françaises.


Dans l'attente d'une solution, ce gros travailleur a repris ses recherches et s'est lancé dans l'étude du kurde, qu'il a commencé à apprendre en prison à l'aide de codétenus auxquels il enseignait en échange l'anglais et le français.


"Je continue de leur écrire des lettres de 15 à 20 pages, je leur fais cours comme cela", sourit-il.


Et malgré les appels à la prudence de ses proches, M. Altinel continue de participer régulièrement à des manifestations à Istanbul, refusant de s'"auto-censurer".


"Si je me restreins, cela voudrait dire que l'acharnement de l'Etat contre moi a gagné", dit-il. "Je refuse".


La Coalition arabe annonce une frappe aérienne “limitée” contre deux navires ayant acheminé des armes au Yémen

Sur cette photo prise le 29 novembre 2018, des forces pro-gouvernementales yéménites montent la garde près d'un navire amarré dans le port d'al-Mukalla, dans la province d'Hadramaout, au sud-ouest du Yémen. (AFP/Archives)
Sur cette photo prise le 29 novembre 2018, des forces pro-gouvernementales yéménites montent la garde près d'un navire amarré dans le port d'al-Mukalla, dans la province d'Hadramaout, au sud-ouest du Yémen. (AFP/Archives)
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  • La Coalition appelle à l’évacuation du port d'al-Mukalla, laissant présager une opération militaire majeure visant à contraindre le STC à se retirer
  • Le porte-parole indique que les deux navires ont transporté des armes depuis le port émirati de Fujairah vers al-Mukalla sans autorisation du commandement de la Coalition

Riyad : La Coalition de soutien à la légitimité au Yémen a annoncé mardi avoir mené une frappe aérienne « limitée » visant deux navires ayant introduit clandestinement des armes et d’autres équipements militaires dans le port d'al-Mukalla, dans le sud du Yémen.

Dans un communiqué relayé par l’Agence de presse saoudienne (SPA), le porte-parole des forces de la Coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que deux navires en provenance du port de Fujairah, aux Émirats arabes unis, étaient entrés dans le port d'al-Mukalla, dans le gouvernorat de Hadramaout, sans obtenir d’autorisations officielles du commandement des forces conjointes de la Coalition.

« Les équipages des deux navires ont désactivé leurs systèmes de suivi et déchargé une grande quantité d’armes et de véhicules de combat afin de soutenir les forces du Conseil de transition du Sud (STC) dans les gouvernorats orientaux du Yémen (Hadramaout et Al-Mahra), dans le but d’alimenter le conflit. Il s’agit d’une violation flagrante de la trêve et des efforts visant à parvenir à une solution pacifique, ainsi que d’une violation de la résolution n° 2216 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies », a déclaré le porte-parole.

La Coalition a exhorté les civils et les pêcheurs à évacuer le port d'al-Mukalla, indiquant qu’une opération militaire de grande ampleur visant à imposer le retrait du STC pourrait être imminente.

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Carte Google indiquant l'emplacement d'al-Mukalla dans le sud du Yémen.

Al-Maliki a précisé que les forces de la Coalition avaient agi à la demande de Rachad Al-Alimi, président du Conseil présidentiel de direction du Yémen, « afin de prendre toutes les mesures militaires nécessaires pour protéger les civils dans les gouvernorats de Hadramaout et d’Al-Mahra ».

La semaine dernière, Al-Alimi avait averti que les actions unilatérales du STC poussaient le pays vers un seuil dangereux.

« Compte tenu du danger et de l’escalade représentés par ces armes, qui menacent la sécurité et la stabilité, les forces aériennes de la Coalition ont mené ce matin une opération militaire limitée visant les armes et les véhicules de combat déchargés des deux navires au port d'al-Mukalla. L’opération a été menée après documentation du déchargement et conformément au droit international humanitaire et à ses règles coutumières, sans qu’aucun dommage collatéral ne soit enregistré », a déclaré mardi le général Al-Maliki.

Il a réaffirmé l’« engagement constant de la Coalition en faveur de la désescalade et du maintien du calme dans les gouvernorats de Hadramaout et d’Al-Mahra, ainsi que de la prévention de tout soutien militaire de la part de quelque pays que ce soit à une faction yéménite sans coordination avec le gouvernement yéménite légitime et la Coalition », afin d’assurer le succès des efforts du Royaume et de la Coalition pour instaurer la sécurité et la stabilité et empêcher l’extension du conflit.

Par ailleurs, le président du Conseil présidentiel yéménite a décrété mardi l’état d’urgence pour une durée de 90 jours, incluant un blocus aérien, maritime et terrestre de 72 heures.

Ignorant les accords précédents conclus avec la Coalition, le groupe se désignant sous le nom de Conseil de transition du Sud (STC) a lancé début décembre une vaste campagne militaire, prenant le contrôle du gouvernorat de Hadramaout, à la frontière saoudienne, ainsi que du gouvernorat oriental d’Al-Mahra, à la frontière avec Oman.

Les forces du STC, soutenues par les Émirats arabes unis, se sont emparées de la ville de Seiyoun, y compris de son aéroport international et du palais présidentiel. Elles ont également pris le contrôle des champs pétroliers stratégiques de PetroMasila, qui représentent une part majeure des ressources pétrolières restantes du Yémen.

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Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj, qui vivent le long de la bande entre le sud et le nord du pays, se rassemblent lors d'un rassemblement dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025, pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC), soutenu par les Émirats arabes unis, qui souhaite rétablir l'indépendance du Yémen du Sud. (AFP)

Cette situation a conduit l’Arabie saoudite à exiger fermement le retrait du STC et la remise des zones saisies aux Forces du Bouclier national, une unité soutenue par Riyad.

La Coalition a averti que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, selon l’Agence de presse saoudienne.

Le 26 décembre, les Émirats arabes unis ont publié un communiqué saluant les efforts de l’Arabie saoudite en faveur de la sécurité et de la stabilité au Yémen.

Le communiqué, relayé par l’agence de presse officielle WAM, a loué le rôle constructif de l’Arabie saoudite dans la défense des intérêts du peuple yéménite et le soutien à ses aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’Arabie saoudite s’inquiète des pressions de l’EAU sur le STC et met en garde contre des menaces sécuritaires

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  • L’Arabie saoudite a souligné que toute menace à sa sécurité nationale constitue une « ligne rouge »
  • Riyad a également insisté sur l’importance pour les Émirats arabes unis de répondre à la demande du Yémen de retirer leurs forces militaires dans un délai de 24 heures

Riyad : L’Arabie saoudite a exprimé mardi ses regrets face à ce qu’elle a qualifié de pressions exercées par les Émirats arabes unis sur les forces du Conseil de transition du Sud (STC) afin de mener des opérations militaires dans les gouvernorats yéménites de Hadramaout et d’Al-Mahra, avertissant que de telles actions constituent une menace directe pour la sécurité nationale du Royaume et la stabilité régionale.

Dans un communiqué, le ministère saoudien des Affaires étrangères a indiqué que ces démarches alléguées étaient incompatibles avec les principes de la Coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu et qu’elles compromettaient les efforts en cours visant à instaurer la sécurité et la stabilité dans le pays.

#Statement | Pursuant to the statement issued by the Ministry of Foreign Affairs on 25/12/2025 corresponding to 5/7/1447 regarding the Kingdom’s concerted efforts, working with the brotherly United Arab Emirates, to end and contain the escalatory steps taken by the Southern… pic.twitter.com/lTyU0gLgpf

— Foreign Ministry 🇸🇦 (@KSAmofaEN) December 30, 2025

Le ministère a fait référence à de précédentes déclarations du Conseil présidentiel de direction du Yémen et du commandement de la coalition concernant le déplacement de navires transportant des armes et des véhicules lourds depuis le port de Fujairah vers Al-Mukalla sans autorisation officielle.

L’Arabie saoudite a affirmé que toute menace à sa sécurité nationale constitue une « ligne rouge », ajoutant qu’elle n’hésiterait pas à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face à de tels risques et les neutraliser.

Le Royaume a réaffirmé son soutien à la sécurité, à la stabilité et à la souveraineté du Yémen, ainsi que son appui total au Conseil présidentiel yéménite et à son gouvernement. Il a également rappelé que la question du Sud est une cause juste qui ne peut être résolue que par le dialogue, dans le cadre d’une solution politique globale impliquant toutes les parties yéménites, y compris le STC.

Riyad a en outre souligné l’importance pour les Émirats arabes unis de répondre à la demande du Yémen de retirer leurs forces militaires dans un délai de 24 heures et de cesser tout soutien militaire ou financier à toute faction yéménite.

Le communiqué a appelé à la prévalence de la sagesse afin de préserver l’unité du Golfe, les relations bilatérales et l’objectif commun de stabilité et de développement régionaux.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

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  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".