Elections palestiniennes: le président Abbas fragilisé par les divisions de son camp

Figure palestinienne emprisonnée en Israël depuis 2002, Marwane Barghouthi devant le tribunal de district de Tel Aviv le 12 décembre 2002, et le président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah, le 30 avril 2003 (Photo, AFP)
Figure palestinienne emprisonnée en Israël depuis 2002, Marwane Barghouthi devant le tribunal de district de Tel Aviv le 12 décembre 2002, et le président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah, le 30 avril 2003 (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 01 avril 2021

Elections palestiniennes: le président Abbas fragilisé par les divisions de son camp

  • Figure palestinienne emprisonnée en Israël depuis 2002, Marwane Barghouthi a apporté son soutien à la liste de Nasser al-Kidwa, récemment exclu du Fatah
  • Les divisions intestines au Fatah pourraient faire un vainqueur inattendu, prédit M. Dajani Daoudi: le Hamas

JÉRUSALEM: Déjà malmené dans les sondages, le président palestinien Mahmoud Abbas se retrouve fragilisé dans son camp par le soutien de Marwane Barghouthi, un haut cadre très populaire de son parti, le Fatah, à une liste dissidente pour les législatives de mai, estiment des analystes. 

Figure palestinienne emprisonnée en Israël depuis 2002, Marwane Barghouthi a apporté son soutien à la liste de Nasser al-Kidwa, récemment exclu du Fatah après avoir critiqué la classe dirigeante palestinienne et voulu concourir seul aux législatives du 22 mai, les premières depuis 2006. 

M. Kidwa a mené de longues discussions avec les « collaborateurs et partisans » de M. Barghouthi, ayant débouché sur des positions communes sur « pratiquement tout », a-t-il dit jeudi. 

Le dissident tient pour « preuve » du soutien de M. Barghouthi la présence de son épouse, Fadwa, en deuxième position sur la liste « Liberté ».  

Il ne s'agit toutefois pas d'une liste commune « Marwane Barghouthi-Nasser al-Kidwa », a-t-il précisé, semblant vouloir faire taire des rumeurs selon lesquelles les deux hommes se présentaient ensemble aux élections. 

Mi-février, un homme de confiance de Mahmoud Abbas, Hussein al-Cheikh, a exceptionnellement rendu visite à M. Barghouthi dans sa prison israélienne. 

Objectif de l'entrevue: le dissuader de se présenter aux élections, d'après des observateurs, selon qui M. Barghouthi pourrait toutefois lorgner sur la présidentielle, prévue le 31 juillet, plutôt que sur les législatives. 

« Symbole »  

Surnommé par ses partisans le « Mandela palestinien », M. Barghouthi purge cinq peines à perpétuité pour meurtres, pour son rôle dans différents attentats anti-israéliens au cours de la seconde Intifada (2000-2005). 

D'après un récent sondage, 22% des Palestiniens souhaiteraient qu'il soit le prochain président de l'Autorité palestinienne, contre 14% pour Ismaïl Haniyeh du Hamas, et 8% pour Mahmoud Abbas. 

« Abbas est considéré comme le grand perdant de cette élection. Il n'est pas populaire et la plupart des gens veulent du changement, surtout à la présidence », explique l'intellectuel Mohammed Dajani Daoudi. 

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Face à lui, Marwane Barghouthi représente un « symbole de liberté » et paraît plus proche des souffrances des Palestiniens, soumis à l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ou à un blocus à Gaza. 

« Ils se disent qu'ils sont dans une prison et que lui aussi est emprisonné, c'est pourquoi leur sympathie envers lui est plus grande que pour n'importe qui d'autre », analyste-t-il. 

Mahmoud Abbas fait face à un autre rival dans son camp, de longue date celui-ci: Mohammed Dahlane, poussé à l'exil aux Emirats arabes unis en 2011 après avoir été reconnu coupable de corruption. 

Lundi, M. Dahlane a fait enregistrer sa « Liste du futur » auprès de la commission électorale, deux semaines après avoir accusé le président palestinien de vouloir « faire taire » ses détracteurs pour « rester au pouvoir ». 

Devenu conseiller du puissant prince héritier d'Abou Dhabi, M. Dahlane a revendiqué l'envoi depuis cet Etat pétrolier du Golfe de quelque 60 000 doses de vaccins contre le coronavirus à Gaza, quand l'Autorité palestinienne a peiné à y transférer quelques milliers de doses, ce qui pourrait le faire gagner en popularité dans l'enclave dont il est originaire. 

Frères ennemis 

Mais les divisions intestines au Fatah pourraient faire un vainqueur inattendu, prédit M. Dajani Daoudi: le Hamas. 

« Le Hamas concourt avec une liste unifiée, bien organisée et bénéficiant de financements étrangers, il a donc plus de chances de gagner ces élections », souligne-t-il. 

Le Hamas islamiste et le Fatah laïc étaient à couteaux tirés depuis 2007, quand le premier a pris le contrôle de la bande de Gaza en évinçant le second au prix d'une quasi-guerre civile à la suite de la victoire du Hamas aux législatives un an auparavant. 

Après des années de divisions, les deux frères ennemis ont amorcé un rapprochement, s'engageant à mettre sur pied un tribunal électoral indépendant pour faire respecter les résultats du scrutin. 

Mais afin d'éviter un effondrement du Fatah, M. Abbas, qui a convoqué ces premières élections en 15 ans, pourrait être tenté de les reporter et « s'accrocher au pouvoir », estime Hugh Lovatt, du Conseil européen pour les relations internationales. 

« Cependant, une telle décision ferait plus probablement couler » le Fatah, parti historique et principale composante de l'Organisation de libération de la Palestine. 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.