Afghanistan: Violence et incertitude font fuir les investisseurs

Selon Alokozai, l’origine de l’exode des investisseurs remonte à la fin de l’année 2014, lors du retrait radical d'Afghanistan des troupes dirigées par les États-Unis. (Photo AFP/Archives)
Selon Alokozai, l’origine de l’exode des investisseurs remonte à la fin de l’année 2014, lors du retrait radical d'Afghanistan des troupes dirigées par les États-Unis. (Photo AFP/Archives)
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Publié le Lundi 19 avril 2021

Afghanistan: Violence et incertitude font fuir les investisseurs

  • «Nous estimons malheureusement que 1 500 petits commerçants, investisseurs et hommes d'affaires ont quitté le pays sur la seule année 2020»
  • La lutte pour le pouvoir entre les deux dirigeants est montée d’un cran en 2019 lorsque les résultats des élections ont permis aux talibans de gagner du terrain

KABOUL: L’incertitude croissante, l'instabilité politique et le manque de confiance dans l'avenir de l'Afghanistan ont contraint des centaines d'hommes d'affaires à quitter le pays, ce qui a occasionné des pertes de près d’1,5 milliard de dollars (soit 1,25 milliards d’euros) l'année dernière au milieu d’une économie déjà fragile, a déclaré dimanche dernier à Arab News Khan Jan Alokozai, le directeur adjoint de la Chambre du commerce et des investissements en Afghanistan.

«Nous estimons malheureusement que 1 500 petits commerçants, investisseurs et hommes d'affaires ont quitté le pays dans la seule année 2020 en raison des conflits au sein du gouvernement, de l'insécurité croissante et de la corruption», explique Alokozai.

«Nos estimations non officielles signalent une fuite de capitaux d'au moins 1,5 milliard de dollars, envoyés ou emmenés à l'étranger l'année dernière à des fins d’investissement», ajoute-t-il.

Exode des investisseurs

Selon Alokozai, l’origine de l’exode des investisseurs remonte à la fin de l’année 2014, lors du retrait radical d’Afghanistan des troupes dirigées par les États-Unis. Des conflits entre le président, Ashraf Ghani, et le chef de l’exécutif de l'époque, le Dr Abdallah Abdallah, ont alors vu le jour après des élections apparemment frauduleuses que l’un et l’autre disaient avoir gagnées.

La lutte pour le pouvoir entre les deux dirigeants est montée d’un cran en 2019, lorsque les résultats des élections ont permis aux talibans de gagner du terrain. Parallèlement, des commandants régionaux et des chefs ethniques autoproclamés «exerçaient une pression pour former un futur gouvernement qui réponde à leurs exigences».

Les pourparlers de paix intra-afghans entre le gouvernement de Ghani et les représentants des talibans, aujourd’hui dans l’impasse, constituent un autre facteur déterminant. Ils ont été initiés au mois de septembre de l’année dernière mais n’ont permis aucune avancée dans le processus de paix.

Divisions internes

Alokozai révèle que la majorité des investisseurs ont choisi de s'installer plutôt en Turquie, par crainte de revivre les conséquences de divisions internes au sein du gouvernement. Ces dernières ont conduit dans les années 1990 à la chute du régime communiste soutenu par Moscou après le départ des troupes de l'ex-Union soviétique.

«Ces commerçants ont fait l’amère expérience de la chute du Dr Najib [président pendant l'ère communiste], qui a eu lieu à la suite d'une guerre interne. Maintenant, ils veulent donc partir.»

«Près de 60% du secteur privé a cessé ses activités ces dernières années. Les usines ont fermé leurs portes, seuls les commerces de produits alimentaires et de carburants fonctionnent. La masse annuelle de nos produits en circulation sur le marché a baissé de 15 milliards de dollars [12,54 milliards d’euros] à 6 ou 7 milliards de dollars [entre 5 et 5,85 milliards d’euros]», se désole-t-il.

Retrait complet des troupes

Ces préjudices n’épargnent pas le niveau tertiaire. En effet, la plupart des investisseurs et des commerçants afghans «consacrent 25% de leurs revenus aux gardes du corps et aux véhicules blindés, sans oublier les pertes occasionnées en raison de la violence quotidienne à travers le pays et des pots-de-vin qu’ils doivent débourser», poursuit Alokozai.

Ce dernier donne l'exemple d'une vidéo qui a fuité du ministre des Finances, Khaled Payenda, dans laquelle il déclare à un groupe de responsables que «chaque jour, un million de dollars est détourné au service des douanes de la ville occidentale de Herat».

Alokozai ajoute que les développements récents concernant la date limite établie pour le retrait complet de l’Afghanistan des troupes dirigées par les États-Unis affectent également le marché. «Non pas en raison de la possibilité du retour des talibans», selon lui, mais à cause des craintes que le départ des troupes ne plonge le pays «de nouveau dans une guerre civile».

Méfiance

«Il existe une grande méfiance entre les dirigeants et les gens au sujet de l'avenir du pays et [la crainte d’une] potentielle anarchie au niveau du gouvernement. Les commerçants n'ont pas peur du retour des talibans. Il y aura certes des restrictions sociales mais, dans l'ensemble, les talibans ont bien traité le monde des affaires dans le passé, car ils n'autorisent pas la corruption ni les activités mafieuses.»

Saifouddine Saihoon, un expert économique à Kaboul, est du même avis: il estime que la perte de capitaux et d'investisseurs aura un «impact à long terme sur l'économie de l'Afghanistan». Le pays dépend de l’aide étrangère depuis l'expulsion des talibans en 2001, lors de l’invasion américaine.

«Cela provoque un ralentissement de l'économie, la fermeture d'usines, une hausse du chômage, et cela se transforme peu à peu en une crise économique, en plus de générer une véritable peur quant à l'avenir du pays», affirme Saihoon.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.