Au nom du climat, Biden en équilibriste face à la Chine

Le président des Etats-Unis Joe Biden (Photo, AFP).
Le président des Etats-Unis Joe Biden (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 20 avril 2021

Au nom du climat, Biden en équilibriste face à la Chine

  • Peut-on «coopérer» sur le climat avec la Chine tout en l'accusant de «génocide»?
  • C'est le pari périlleux de Joe Biden, déterminé à concilier sa grande fermeté face aux adversaires de Washington avec la nécessité de travailler ensemble

WASHINGTON: Peut-on « coopérer » sur le climat avec la Chine tout en l'accusant de « génocide »? C'est le pari périlleux de Joe Biden, déterminé à concilier sa grande fermeté face aux adversaires de Washington avec la nécessité de travailler ensemble sur les grands défis planétaires.

Le nouveau président américain l'a répété à l'envi : avec la Chine mais aussi la Russie, les Etats-Unis peuvent « courir deux lièvres à la fois » -- en anglais, cela donne « walk and chew gum at the same time », ou « marcher et mâcher du chewing-gum en même temps ».

« Le défi de cet équilibre, c'est que le plateau ‘contestation’ de la balance pèse beaucoup plus lourd que le côté ‘coopération’ », relève Heather Conley, de l'institut de recherche Center for Strategic and International Studies.

Entre Anchorage, en Alaska, et Shanghai, en Chine, le contraste est de fait saisissant.

Il y a un mois, en Alaska, la première rencontre entre les chefs de la diplomatie des deux premières puissances mondiales depuis le début de l'ère Biden avait tourné au grand déballage en direct à la télévision, au moment où Washington accusait ouvertement Pékin de perpétrer un « génocide » contre les musulmans ouïghours.

Le face-à-face avait laissé le sentiment d'un gouffre impossible à combler.

« Pas une monnaie d'échange »

Un mois plus tard, autre ambiance : loin des projecteurs, la visite à Shanghai de l'émissaire américain pour le climat, John Kerry, a abouti à une déclaration commune inimaginable après Anchorage, les Etats-Unis et la Chine s'engageant « à coopérer » pour « affronter la crise climatique ».

Cette entente a ravivé les critiques républicaines.

« Chacune de nos décisions a été prise au nom de ‘L'Amérique d'abord’ », a réagi sur Twitter Mike Pompeo, le secrétaire d'Etat de Donald Trump, en référence au slogan « America First » de l'ex-président. « Il semble que la mission de l'administration Biden soit plutôt ‘Le changement climatique d'abord’. Ce n'est pas ce que veulent les Américains ni ce dont ils ont besoin. »

Certains experts redoutent aussi que les dirigeants chinois, conscients de l'importance de leur pays, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, dans la lutte contre le réchauffement, « utilisent ce moyen de pression pour promouvoir les intérêts chinois dans d'autres domaines », comme l'affirment Andrew Erickson, de l'US Naval War College, et Gabriel Collins, de la Rice University.

Dans un article publié dans la revue Foreign Affairs, ils exhortent l'administration Biden à faire jouer la compétition avec la Chine même sur le climat, plutôt que la coopération.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s'est défendu lundi en assurant que le climat n'était pas une « monnaie d'échange » qui permettrait aux rivaux de l'Amérique d' « acheter » sa « bienveillance face à leur mauvais comportement sur d'autres sujets ».

Invitation au sommet

Pour Ryan Hass, chercheur au cercle de réflexion Brookings Institution et ex-conseiller de Barack Obama sur la Chine, « l'évolution progressive mais significative » engagée par l'administration Biden face à Pékin est bienvenue.

« Les deux camps ont commencé à lentement rétablir des canaux de communication diplomatique fonctionnels », notamment pour « explorer les possibilités de coordination », dit-il. Il rappelle que, même au plus fort de la Guerre froide, « les Etats-Unis et l'Union soviétique avaient réussi à s'entendre sur des défis communs comme l'éradication de la variole ».

C'est justement à la Guerre froide que semble faire référence Joe Biden quand il appelle de ses vœux une relation « prévisible et stable » avec la Russie.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, le septuagénaire démocrate souffle le chaud et le froid.

Il a martelé que son homologue chinois Xi Jinping n'avait « pas une once de démocratie en lui », et a qualifié le président russe Vladimir Poutine de « tueur » tout en sanctionnant durement la Russie pour son « ingérence électorale » et une cyberattaque géante.

Mais il a immédiatement conclu un accord avec Moscou pour prolonger un traité-clé de désarmement nucléaire et vient de proposer au maître du Kremlin d'organiser un sommet bilatéral cet été dans un pays tiers.

De même, Joe Biden a invité Vladimir Poutine et Xi Jinping à son grand sommet virtuel sur le climat, organisé jeudi et vendredi.

Mais, prévient Heather Conley, « parler à un sommet virtuel et lutter contre le réchauffement sont deux choses très différentes ». Pour cette ex-diplomate, « pendant que Pékin et Moscou parlent du changement climatique pour le public international, chez eux ils mettent le pied sur l'accélérateur en termes d'émissions mondiales de CO2 ».

Raison de plus pour les contraindre à négocier, a récemment plaidé John Kerry : ne pas travailler avec les autres grands pollueurs serait « suicidaire ».


Guerre à Gaza: la Colombie rompt ses liens diplomatiques avec Israël

Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
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  • Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza
  • Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire"

BOGOTA: Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza.

Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire".

M. Petro avait vivement critiqué, à plusieurs reprises, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza après les attaques sans précédent du Hamas dans le sud du territoire israélien le 7 octobre.

"Demain (jeudi), les relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël seront rompues (parce qu'il a) un gouvernement, un président génocidaire", a déclaré mercredi le président colombien, lors d'un discours prononcé devant plusieurs milliers de partisans à Bogota à l'occasion du 1er-Mai.

En Israël, le chef du gouvernement est le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, tandis que le président, Isaac Herzog, a  un rôle avant tout symbolique.

"On ne peut pas revenir aux époques de génocide, d'extermination d'un peuple entier", a déclaré le président colombien. "Si la Palestine meurt, l'humanité meurt", a-t-il lancé, déclenchant les vivats de la foule.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a aussitôt réagi en qualifiant Gustavo Petro d'"antisémite". "Le président colombien avait promis de récompenser les meurtriers et violeurs du Hamas, aujourd'hui il a tenu promesse", a écrit M. Katz sur X.

"Nous apprécions grandement la position du président colombien Gustavo Petro (...) que nous considérons comme une victoire pour les sacrifices de notre peuple et sa cause qui est juste", a déclaré pour sa part dans un communiqué la direction du Hamas, en appelant d'autres pays d'Amérique latine à "rompre" leurs relations avec Israël.

 


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et interpellations sur les campus américains

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  • A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.
  • Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables

LOS ANGELES: La police a été déployée mercredi sur plusieurs campus américains, où de nouvelles arrestations ont eu lieu, après être intervenue à Los Angeles et New York, théâtres d'une mobilisation étudiante contre la guerre à Gaza qui secoue les Etats-Unis.

A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.

Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables.

Et environ 300 personnes ont été interpellées à New York sur deux sites universitaires, a dit mercredi la police de la ville lors d'une conférence de presse.

Au cours de la nuit de mardi à mercredi, les forces de l'ordre ont délogé manu militari des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de la prestigieuse université Columbia à Manhattan, d'où est partie la mobilisation estudiantine de soutien à Gaza.

"La police s'est montrée brutale et agressive avec eux", a assuré à l'AFP Meghnad Bose, un étudiant de Columbia ayant assisté à la scène.

"Ils ont arrêté des gens au hasard (...) plusieurs étudiants ont été blessés au point qu'ils ont dû être hospitalisés", a dénoncé une coalition de groupes étudiants pro-palestiniens de Columbia dans une publication Instagram.

"Je regrette que nous en soyons arrivés là", a réagi mercredi Minouche Shafik, la présidente de l'université.

Les manifestants se battent "pour une cause importante", mais les récents "actes de destruction" menés par des "étudiants et militants extérieurs" l'ont conduite à recourir aux forces de l'ordre, a-t-elle expliqué, dénonçant par ailleurs "des propos antisémites" proférés lors de ces rassemblements.

D'autres campements avaient également été démantelés tôt mercredi sur les campus de l'Université de l'Arizona à Tucson, et à l'Université de Wisconsin-Madison, respectivement dans le sud-ouest et le nord du pays, selon des médias locaux.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.