Les greniers collectifs ou igoudar: un trésor architectural marocain en perdition

Agadir au singulier, iguider ou igoudar au pluriel. Ce mot, traduit de l’amazigh, signifie «forteresse», «mur» ou encore «grenier collectif» (fournie)
Agadir au singulier, iguider ou igoudar au pluriel. Ce mot, traduit de l’amazigh, signifie «forteresse», «mur» ou encore «grenier collectif» (fournie)
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Publié le Dimanche 13 juin 2021

Les greniers collectifs ou igoudar: un trésor architectural marocain en perdition

  • La cohabitation millénaire entre juifs et musulmans était coutumière à l’intérieur de ces greniers collectifs, devenus de véritables lieux d’échange
  • Aujourd’hui, ce patrimoine culturel est en perdition et nécessite une restauration urgente car l’état de ces greniers se dégrade un peu plus chaque année

CASABLANCA: Le Maroc compte aujourd’hui près de 560 greniers collectifs sur tout son territoire. De véritables trésors ancestraux d’une valeur inestimable, très peu connus du grand public.

Agadir au singulier, iguider ou igoudar au pluriel. Ce mot, traduit de l’amazigh, signifie «forteresse», «mur» ou encore «grenier collectif». Érigées sur plusieurs étages, ces bâtisses se trouvent en majorité dans des endroits reculés de la région Souss-Massa, mais aussi du côté des provinces de Guelmim, Ouarzazate et Beni Mellal.

À l’époque, chaque tribu disposait de son propre grenier. Leur superficie dépendait du nombre d’habitants dans le village. L’agadir inoumar, situé dans la zone d’Aït Baha, est le plus grand jamais construit au Maroc. Composé de 300 chambres, ce grenier-citadelle s’étend sur une superficie de 5 000 m2. Chaque agadir est d’ailleurs unique en son genre.

En fonction de leur situation géographique, les matériaux utilisés étaient différents. Ainsi, les igoudar retrouvés dans les montagnes de l’Anti-Atlas ont été fabriqués à partir de bois d’arganier et de laurier rose. Pour les greniers, bâtis dans les plaines, c’est le système du pisé qui était privilégié pour la construction des murs.

Chaque tribu disposait de son propre grenier (fournie)
Chaque tribu disposait de son propre grenier (fournie)

Premières banques de l’histoire

À l’origine, les igoudar étaient utilisés pour la conservation. Les habitants de l’époque y stockaient tout ce qui avait de la valeur, à commencer par l’orge, également appelé «l’or vert des montagnes». 

Selon Khalid Alayoud, spécialiste de la question, cette céréale représentait un élément majeur du régime alimentaire de ces tribus, originaires des montagnes. «Ils utilisaient l’orge le matin pour préparer la soupe harira, vers 10 h, ils prenaient leur petit déjeuner avec du pain à base d’orge qu’ils mangeaient avec de l’huile d’argan. Leur repas principal, pris vers 14 h, était le couscous d’orge ibrin, avec des légumes bio sans viande, et le soir un autre plat à base d’orge, le tagoula

À l’intérieur de leurs cellules, les propriétaires conservaient également des jarres remplies d’huile d’olive, du beurre fondu, ou encore du miel. Ainsi, lors des grandes périodes de famine ou des années sèches, les réserves de nourriture cachées dans les igoudar, permettaient à de nombreuses tribus de survivre à ces fléaux.

Outre les denrées alimentaires, les objets précieux avaient aussi leur place dans ces greniers. Entre autres les titres fonciers, les actes de mariages, les bijoux en argent… «Je parle toujours de premier système bancaire qu’a connu l’humanité. Si on réalise une étude approfondie, on verra qu’il s’agit bien d’un système bancaire», assure Khalid Alayoud.  «Il y avait des chambres fortes, où chacun disposait d’une cellule fermée à clé. Cette clé était gardée par la famille. Et un gardien gérait les entrées et sorties grâce à un code ou un autre système. Ces greniers étaient régis par une charte baptisée «louh» où étaient écrites noir sur blanc les règles à respecter à l’intérieur», précise le spécialiste.

Silos du XVe siècle (fournie)
Silos du XVe siècle (fournie)

Greniers-citadelles

Il y a plusieurs siècles, les greniers collectifs faisaient office de forteresses. Ces constructions, protégées par des remparts et des tours – atteignant parfois trois mètres de hauteur – se mariaient parfaitement avec le décor naturel au sein duquel elles étaient édifiées. À l’extérieur des édifices, on retrouvait des cactus à épine. Un premier rempart végétal qui permettait d’éloigner l’ennemi en cas d’attaque.

Si l’année de construction de ces monuments n’est pas clairement définie, elle remonterait selon les experts à plusieurs siècles. «Il faudrait plus de fouilles archéologiques, mais ces igoudar dateraient d’au moins six ou sept siècles. On se réfère pour cela au louh, notamment, celui d’agadir oujarif, le plus ancien. Il a été écrit en 1498», souligne l’enseignant-chercheur.

Plus difficiles d’accès, les greniers de falaises et de grottes, creusés dans les montagnes, seraient eux, bien plus anciens. Situés près de Taliouin, Ouarzazate, ainsi que dans la région de Beni Mellal, ces abris impressionnants témoignent du savoir-faire ancestral des autochtones.

Ces greniers étaient régis par une charte baptisée «louh» où étaient écrites noir sur blanc les règles à respecter à l’intérieur» (fournie)
Ces greniers étaient régis par une charte baptisée «louh» où étaient écrites noir sur blanc les règles à respecter à l’intérieur» (fournie)

Un «vivre ensemble» ancestral

Déjà, à cette époque, le Maroc prônait les valeurs du «vivre ensemble». D’ailleurs, la cohabitation millénaire entre juifs et musulmans était coutumière à l’intérieur de ces greniers collectifs, devenus de véritables lieux d’échange.

De nombreux artisans de confession juive possédaient leurs propres espaces, au sein des igoudar, dans lesquels ils confectionnaient et vendaient divers objets artisanaux. Un esprit de communauté et de coexistence qui reflète parfaitement l’esprit de solidarité des Marocains, à travers les siècles.

Des faits historiques encore trop peu relayés, selon les acteurs associatifs de la région. Pour ces derniers, l’histoire des igoudar devrait être incluse dans les manuels scolaires. Ce qui permettrait aux jeunes Marocains et aux générations futures de découvrir la richesse de leur patrimoine national et local.

À l’extérieur des édifices, on retrouvait des cactus à épines, un premier rempart végétal qui permettait d’éloigner l’ennemi en cas d’attaque (fournie)
À l’extérieur des édifices, on retrouvait des cactus à épines, un premier rempart végétal qui permettait d’éloigner l’ennemi en cas d’attaque (fournie)

Sauver les greniers

Aujourd’hui, ce patrimoine culturel est en perdition et nécessite une restauration urgente. Et pour cause, l’état de ces greniers se dégrade un peu plus chaque année. Une convention a été signée, au mois d’avril, par plusieurs experts, administrations et organismes publics marocains. Le but: créer un centre d’interprétation des igoudar.

À travers ce projet d’envergure, les acteurs concernés seront chargés de constituer un dossier complet sur ces monuments. Il permettra d’appuyer la candidature du Maroc auprès de l’Unesco, avec pour finalité, l’inscription des greniers collectifs au patrimoine mondial.

«Il faut commencer par inventorier toutes les études réalisées, mettre en place un groupe d’experts pour monter les dossiers. On parle ici d’un patrimoine matériel mais aussi immatériel, c’est un double dossier. Le matériel est tout ce qui est bâti, et l’immatériel est le mode de gestion et toute l’histoire de ces igoudar», ajoute avec ferveur le professeur Khalid Alayoud.

Très investi dans ce dossier, l’acteur associatif propose également de mettre en place une forme de tourisme qui invitera les visiteurs à découvrir les igoudar, le mode de vie des autochtones et leurs bonnes pratiques, comme la gestion durable des ressources naturelles. Un tourisme écologique et responsable, qui pourrait générer de nouveaux emplois et créer un véritable engouement pour ce secteur, dans certaines zones reculées du pays, dépourvues d’activité économique.


Diriyah: écrin d’histoire, une exposition qui transporte les parisiens au cœur de l’Arabie Saoudite

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
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  • D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle
  • Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale

PARIS: À peine franchi le seuil du Grand Palais Immersif à Paris, le visiteur de l’exposition « Diriyah : un écrin d’histoire » quitte le tumulte parisien pour se retrouver transporté au cœur de l’Arabie saoudite.
Le parcours débute par un long couloir aux murs sobres, délicatement éclairés, recouverts de tapis tissés artisanalement et ponctués de chants d’oiseaux.
À son terme, une porte massive en bois brut, sculptée selon la tradition ancestrale de Diriyah : l’immersion commence, dans une atmosphère d’apaisement et de sérénité.

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale.
Plus loin, un salon inspiré des habitations traditionnelles accueille les visiteurs. Assis au son apaisant du oud, ils dégustent café et figues, un goûter authentique qui évoque l’hospitalité saoudienne.

L’exposition déroule ensuite une série d’images monumentales retraçant la vie quotidienne d’autrefois : cavalerie, danses, vannerie et artisanats. Mais le point d’orgue du parcours est une immersion totale d’environ quatre minutes dans les rues de Diriyah.
Le spectateur se retrouve au milieu des habitants, partagé entre marchés animés, activités agricoles et scènes de fête : une expérience surprenante, qui donne l’impression de voyager sans quitter Paris.

Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.

Cette exposition n’est pas seulement une prouesse visuelle : elle incarne l’esprit d’une cité majeure de l’histoire saoudienne. Diriyah, berceau de l’État saoudien, est en effet le lieu où la dynastie Al Saoud a vu le jour au XVIIIᵉ siècle, au sein du site d’At-Turaif.
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, At-Turaif est un ensemble exceptionnel de palais et de demeures en briques de terre crue, restaurés avec soin et visités aujourd’hui par des millions de personnes. Il permet de revivre les origines politiques et culturelles du Royaume.

Mais Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.
Diriyah s’étend sur 11,7 km² et se compose de quartiers mêlant espaces résidentiels, commerciaux et culturels. Le projet de développement prévoit plus de 30 hôtels, des parcs, des zones de loisirs, ainsi que la création de 178 000 emplois.

Depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.

Parmi ses joyaux contemporains, les terrasses de Bujairi séduisent par leurs restaurants raffinés et leurs boutiques, tandis que le wadi Hanifa, une vallée verdoyante transformée en oasis moderne, invite à la promenade entre arbres nouvellement plantés, pistes cyclables et sentiers équestres.
Ce mélange de patrimoine et de modernité fait de Diriyah une destination unique, alliant mémoire historique, innovation et respect de l’environnement.

« Nous voulons que les visiteurs s’imprègnent pleinement de la vie de Diriyah, qu’ils ressentent son passé, son présent et son avenir », explique Saeed Abdulrahman Metwali, directeur général de la stratégie d’orientation touristique et du design.
Selon lui, l’expérience immersive proposée à Paris est une manière de donner un avant-goût de la richesse culturelle et humaine que Diriyah réserve à ses visiteurs : « À travers ces images, on découvre les habitants, les marchés, les maisons et l’âme de la cité. L’idée est d’offrir une perception vivante et authentique, qui incite à venir découvrir Diriyah sur place. »

Les chiffres confirment d’ailleurs cet engouement : depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.
L’objectif est ambitieux : en accueillir 50 millions d’ici 2030, grâce à une offre hôtelière et culturelle sans cesse enrichie.

L’exposition parisienne, de courte durée (du 12 au 14 septembre), illustre la volonté de Diriyah de s’ouvrir à l’international et témoigne de sa stratégie visant à se positionner comme un lieu mondial du tourisme culturel, où se conjuguent tradition et modernité.


Un documentaire met en lumière le patrimoine environnemental des monts Al-Arma

La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
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  • Le film présente de superbes images panoramiques des montagnes d'Al-Arma
  • Le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid

RIYAD: L'Autorité de développement de la réserve royale Imam Abdulaziz bin Mohammed a annoncé la production d'un nouveau film documentaire sur les monts Al-Arma, un point de repère environnemental situé dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad.

Sami Al-Harbi, directeur de la communication de l'autorité, a déclaré que le film présente des images panoramiques époustouflantes des monts Al-Arma, ainsi que des points de vue d'experts et de chercheurs qui discutent de leur importance environnementale et historique particulière.

Il a ajouté que le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid.

M. Al-Harbi a déclaré que cette production médiatique s'inscrivait dans le cadre des efforts déployés par l'autorité pour sensibiliser à l'environnement et promouvoir l'écotourisme durable, conformément aux objectifs de la Saudi Vision 2030.


Rare découverte d'un tableau de Rubens que l'on croyait disparu

Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
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  • "C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat
  • "C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

PARIS: Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte.

"C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat, président de la maison de vente éponyme, qui mettra le tableau aux enchères le 30 novembre.

"C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

"Il a été peint par Rubens au summum de son talent et été authentifié par le professeur Nils Büttner", spécialiste de l'art allemand, flamand et hollandais du XVe au XVIe siècle et président du Rubenianum, un organisme situé à Anvers près de l'ancienne maison-atelier de Rubens et chargé de l'étude de son oeuvre, selon M. Osenat.

"J'étais dans le jardin de Rubens et je faisais les cent pas pendant que le comité d'experts délibérait sur l'authenticité du tableau quand il m'a appelé pour me dire +Jean-Pierre on a un nouveau Rubens !+", a-t-il raconté avec émotion.

"C'est tout le début de la peinture baroque, le Christ crucifié est représenté, isolé, lumineux et se détachant vivement sur un ciel sombre et menaçant. Derrière la toile de fond rocheuse et verdoyante du Golgotha, apparait une vue montrant Jérusalem illuminée, mais apparemment sous un orage", a-t-il détaillé.

Ce tableau "est une vraie profession de foi et un sujet de prédilection pour Rubens, protestant converti au catholicisme", a poursuivi M. Osenat, précisant que l'oeuvre est dans un "très bon état" de conservation.

Sa trace a été remontée à partir d'une gravure et il a été authentifié à l'issue d'une "longue enquête et d'examens techniques comme des radiographies et l'analyse des pigments", a encore précisé le commissaire-priseur.

Si le peintre a réalisé nombre de tableaux pour l'Eglise, ce chef d'oeuvre, d'une dimension de 105,5 sur 72,5 centimètres, était probablement destiné à un collectionneur privé. Il a appartenu au peintre académique du XIXe siècle William Bouguereau puis aux propriétaires de l'hôtel particulier parisien où il été retrouvé.