Israël: la bataille des loyers à Jaffa, symptôme du malaise entre Juifs et Arabes

Un jeune garçon palestinien regarde les forces de sécurité israéliennes se rassembler lors d'une manifestation dans la ville côtière de Jaffa, près de Tel Aviv, le 15 mai 2021, jour où les Palestiniens célèbrent le 73e anniversaire de la Nakba (Photo, AFP)
Un jeune garçon palestinien regarde les forces de sécurité israéliennes se rassembler lors d'une manifestation dans la ville côtière de Jaffa, près de Tel Aviv, le 15 mai 2021, jour où les Palestiniens célèbrent le 73e anniversaire de la Nakba (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 17 mai 2021

Israël: la bataille des loyers à Jaffa, symptôme du malaise entre Juifs et Arabes

  • Sur ses 70 000 habitants arabes à l'époque, il n'en restait plus que 3 000 en 1948. Les autres ont fui ou ont été expulsés, selon Zochrot, association israélienne documentant les communautés palestiniennes
  • Les habitants arabes sont tour à tour expulsés de leurs logements sociaux remplacés par des appartements luxueux davantage à la portée des Juifs israéliens

JAFFA: Israa Jarbou a déjà manqué une semaine de travail par peur d'être agressée par des Juifs dans le bus à Jaffa, ville mixte où vivent Juifs et Arabes israéliens, au sud de Tel-Aviv.

«Ils vont voir que je suis pratiquante», confie la caissière de 27 ans sous son hijab, foulard musulman couvrant la tête. «Il n'y a aucune sécurité».

David Shvets, étudiant juif de 24 ans, a quitté jeudi son école talmudique Meirim Beyafo située dans le même quartier que celui de la jeune arabe israélienne. Il raconte avoir été visé par des jets de pierres, que la voiture d'un ami et une synagogue ont été incendiées.

«Nous circulons en groupe avec une escorte policière pour rentrer chez nous le soir», déplore-t-il, qualifiant la situation de «jungle».

La cité portuaire aux bars branchés et aux restaurants bondés vit désormais au rythme des fermetures de routes par la police montée tandis que les forces de l'ordre patrouillent, fusils automatiques en main.

L'État hébreu tente ainsi de résorber la violence dans plusieurs villes mixtes entre communautés juive et arabe – qui représente 20% de la population totale d'Israël.

Synagogues, mosquées, cimetières, restaurants, véhicules et même un théâtre ont été ciblés. Au moins un homme est mort.

Un musulman de 12 ans a été hospitalisé après le jet d'une bombe incendiaire dans sa maison à Jaffa. Les habitants ont rapporté des appels de mosquées invitant à ranger les décorations du mois de ramadan, qui vient de s'achever, pour éviter toute attaque.

Vieux griefs

Ces hostilités ont éclaté après le début le 10 mai des combats les plus intenses depuis 2014 entre Israël et des groupes armés de Gaza, notamment le mouvement islamiste Hamas au pouvoir dans l'enclave.

À Jaffa, c'est une agression en avril qui a fait éclore des griefs qui couvaient depuis longtemps.

Israa Jarbou vit dans un appartement exigu avec neuf personnes, dont son mari, leurs deux enfants et sa belle-mère Etaf.

Mais le quartier change rapidement: leurs voisins arabes, pauvres, sont tour à tour expulsés de leurs logements sociaux remplacés par des appartements luxueux davantage à la portée des Juifs israéliens.

La famille Jarbou n'est pas épargnée: elle lutte contre le gestionnaire public de logements sociaux Amidar qui tente de la faire partir.

Lorsque deux hommes de l'école talmudique Meirim Beyafo sont venus dans leur rue mi-avril examiner les lieux en vue d'un achat foncier, le mari d'Israa – Mahmoud, 34 ans – et son frère Ahmad, 36 ans, les ont agressés. L'incident a été filmé, les deux frères ont été arrêtés.

«Ils veulent nous jeter dehors», déplore Etaf, matriarche de 57 ans, affirmant que les deux hommes agressés étaient entrés chez elle. «Et ensuite, ils disent qu'il y a de la violence. Mais ils sont violents envers nous».

Moshe Schendowich, directeur exécutif de l'école, affirme qu'il regardait avec Eliyahu Mali, rabbin de l'établissement, la propriété adjacente à celle des Jarbou lorsqu'ils ont été roués de coups. Ils sont affiliés au mouvement qui construit des logements pour les Juifs en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.

L'organisation de M. Schendowich, financée en partie par l'État, a été fondée il y a 13 ans pour «renforcer» la communauté juive de Jaffa.

Cette ville, défend-il, «n'est pas par définition une ville arabe. Il y a assurément une population arabe ici, et la population arabe y est la bienvenue, mais la communauté juive y est florissante et présente depuis de nombreuses années».

Amertume

Pour Tony Copti, réalisateur de films et libraire, l'amertume des Arabes de Jaffa remonte à la création d'Israël en 1948.

Avant cette date, la cité portuaire regorgeait de médecins, d'ingénieurs, d'écrivains.

«Pour les Arabes palestiniens, c'était la capitale de l'éducation, du théâtre, du cinéma, des écoles et de la presse», raconte-t-il. «C'était un pays à elle seule».

Sur ses 70 000 habitants arabes à l'époque, il n'en restait plus que 3 000 en 1948. Les autres ont fui ou ont été expulsés, selon Zochrot, association israélienne documentant les communautés palestiniennes.

Leurs maisons ont été saisies par l'État et attribuées à des habitants pauvres, juifs comme arabes, payant un loyer très bas en tant que «locataires protégés».

Dans les années 1980, Amidar a commencé à revendre ses propriétés en offrant aux locataires protégés d'acheter leur logement à un prix préférentiel, explique Shani Israeli, sa porte-parole, précisant qu'environ 800 appartements sont actuellement commercialisables à Jaffa.

Selon Amir Badran, natif de Jaffa et conseiller municipal de Tel-Aviv, la plupart des locataires actuels d'Amidar à Jaffa sont arabes et plus d'un tiers sont menacés d'expulsion.

Cet organisme «méprise le fait que ces propriétés étaient palestiniennes à l'origine (...) et dédaigne le fait que les Arabes n'ont pas les moyens d'acheter ces propriétés».

Le gestionnaire a ordonné l'expulsion des Jarbou en 2018, arguant de loyers impayés pendant plus de 30 ans.

Ordre annulé au vu de leur longue présence dans ce logement, de leur mauvaise santé et de leurs faibles revenus. Leur avocat espère désormais leur obtenir le droit d'acheter ce logement ou, du moins, de pouvoir y rester avec un loyer abordable.

Les relations avec Amidar illustrent la discrimination dont les Arabes se disent victimes en Israël, ce qui a renforcé leur solidarité envers les habitants des Territoires palestiniens.

La situation à Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est --près de 500 Palestiniens menacés d'expulsion au profit de colons juifs – résonne auprès des Jarbou.

«Jérusalem-Est me brise le coeur», confie Etaf Jarbou.

Plusieurs centaines d'habitants arabes et juifs ont protesté dimanche à Jaffa contre la politique israélienne et pour appeler à la coexistence. Certains brandissaient une branche d'oliviers, sous le regard de policiers anti-émeutes israéliens.

«Les Arabes d'Israël n'ont rien fait lors des trois dernières guerres de Gaza. Mais maintenant, avec la discrimination, nous en avons assez», a commenté Muhammad Mansour, manifestant et ingénieur de 34 ans.


Soudan : attaque de drones sur la capitale Khartoum pour la troisième journée consécutive

Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde". (AFP)
Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde". (AFP)
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  • "À quatre heures du matin, j'ai entendu le bruit de deux drones passer au-dessus de nous, et peu de temps après, j'ai entendu le son de tirs de défense aérienne près de la Brigade militaire et l'unité médicale", a relaté un témoin du sud d'Omdourman
  • Un autre témoin dans le sud de la capitale a rapporté avoir vu des drones se diriger vers l'aéroport, cible d'attaques depuis trois jours consécutifs

KHARTOUM: Des drones ont visé jeudi la capitale soudanaise Khartoum et son aéroport, tenus par l'armée, pour la troisième journée consécutive, ont rapporté à l'AFP des témoins.

"À quatre heures du matin, j'ai entendu le bruit de deux drones passer au-dessus de nous, et peu de temps après, j'ai entendu le son de tirs de défense aérienne près de la Brigade militaire et l'unité médicale", a relaté un témoin du sud d'Omdourman.

Un autre témoin dans le sud de la capitale a rapporté avoir vu des drones se diriger vers l'aéroport, cible d'attaques depuis trois jours consécutifs.

"Après quatre heures, le bruit des drones était fort. Je les ai vus se diriger vers l'aéroport et j'ai entendu des explosions", a-t-il indiqué.

Depuis mardi, l'aéroport de la capitale, hors service depuis deux ans et sur le point de rouvrir, est en proie à des attaques de drones attribuées aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), engagées depuis avril 2023 dans une guerre pour le pouvoir contre l'armée régulière.

Sa réouverture, initialement prévue mercredi" a été suspendue "jusqu'à nouvel ordre, a déclaré à l'AFP un responsable de l'aéroport sous couvert d’anonymat.

Malgré la reprise de Khartoum par l'armée au printemps, la ville demeure largement dévastée, marquée par des coupures d'électricité récurrentes et des frappes de drones des FSR.

Plus d'un million de personnes déplacées y sont retournées au cours des dix derniers mois, selon l'agence des migrations de l'ONU.

Depuis quelques semaines, le gouvernement s'efforce d'y rétablir les services, dont l'aéroport, afin de relocaliser des institutions clés depuis Port-Soudan, port de la Mer Rouge, devenue capitale de facto depuis le début de la guerre.

Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".


Israël expulse 32 militants étrangers venus en Cisjordanie pour la récolte des olives

Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire. (AFP)
Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire. (AFP)
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  • La récolte des olives est cette année particulièrement violente, avec plusieurs actes de vandalisme et d'attaques de colons israéliens, ont constaté des journalistes de l'AFP
  • Les militants étrangers estiment que leur présence est dissuasive contre ce genre d'incidents dans les zones rurales de Cisjordanie

RAMALLAH: Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire.

L'ordre d'expulsion signé par le ministre, Yariv Levin, fait suite à une plainte déposée par le président du conseil des colonies du nord de la Cisjordanie, Yossi Dagan, contre les "provocations" d'"anarchistes".

Rudy Schulkind, un Britannique de 30 ans, figure parmi les personnes expulsées. Joint par téléphone, il a indiqué à l'AFP être venu en Cisjordanie pour apporter son soutien à des agriculteurs palestiniens.

La récolte des olives est cette année particulièrement violente, avec plusieurs actes de vandalisme et d'attaques de colons israéliens, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les militants étrangers estiment que leur présence est dissuasive contre ce genre d'incidents dans les zones rurales de Cisjordanie.

Rudy Schulkin a raconté à l'AFP avoir été détenu pendant 72 heures avant d'être expulsé le 19 octobre.

"Nous avons été arrêtés après que la zone où nous récoltions a été déclarée zone militaire", a-t-il expliqué, décrivant une tactique selon lui courante contre les Palestiniens.

Il a ajouté que les 32 bénévoles internationaux avaient tous été arrêtés dans une oliveraie près de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

Rudy Schulkin a ajouté qu'ils "n'avaient jamais été présentés devant un juge".

Le ministre israélien de la Justice a déclaré que l'expulsion avait été cosignée par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et a accusé les militants d'avoir violé "un ordre du commandant militaire" et d'appartenir à l'UAWC, l'Union des comités de travail agricole.

L'UAWC est une organisation palestinienne à but non lucratif dédiée au développement agricole. Israël l'a qualifiée d'organisation terroriste en 2021, ainsi que cinq autres ONG, dans une décision condamnée par l'ONU.

M. Schulkind n'a pas révélé le nom de l'organisation dont il était membre, mais Fouad Abou Seif, directeur général de l'UAWC, a déclaré à l'AFP que les volontaires participaient à une "campagne nationale" organisée par de nombreuses ONG palestiniennes et le ministère palestinien de l'Agriculture.

Fouad Abou Seif a précisé que l'UAWC était membre de cette campagne, mais n'en était pas l'organisateur. De son côté, le ministère palestinien des Affaires étrangères a condamné ces arrestations.


Israël: la Knesset vote pour l'examen de projets de loi visant à annexer la Cisjordanie

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  • "Je ne permettrai pas à Israël d'annexer la Cisjordanie", a déclaré Trump aux journalistes à la Maison Blanche le 26 septembre. "Non, je ne le permettrai pas. Cela n'arrivera pas."
  • Les députés israéliens se sont prononcés sur deux projets de loi en lecture préliminaire, un vote destiné à autoriser l'examen en première lecture des projets de loi

JERUSALEM: Le Parlement israélien (Knesset) s'est prononcé mercredi pour l'examen de deux projets de loi visant à étendre la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée, en pleine visite du vice-président américain JD Vance en Israël.

Le président américain Donald Trump, allié d'Israël dans sa guerre contre le mouvement islamiste Hamas, s'est prononcé contre toute annexion de la Cisjordanie par Israël, que soutient l'extrême droite israélienne.

"Je ne permettrai pas à Israël d'annexer la Cisjordanie", a déclaré Trump aux journalistes à la Maison Blanche le 26 septembre. "Non, je ne le permettrai pas. Cela n'arrivera pas."

Les députés israéliens se sont prononcés sur deux projets de loi en lecture préliminaire, un vote destiné à autoriser l'examen en première lecture des projets de loi.

Le premier texte, proposé par le chef du parti nationaliste Israël Beiteinou (opposition), Avigdor Lieberman, visant à étendre la souveraineté israélienne à Maalé Adumim, une colonie de plus de 40.000 habitants située juste à l'est de Jérusalem, a été adopté par 32 députés contre 9.

Le deuxième projet de loi, proposé par le député d'extrême-droite Avi Maoz, lui aussi dans l'opposition, visant à appliquer la souveraineté israélienne sur l'ensemble de la Cisjordanie, a été adopté en lecture préliminaire par 25 députés pour et 24 contre.

Selon les médias, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait ordonné aux députés de son parti, le Likoud, de s'abstenir pendant les votes.

Le Likoud a qualifié les votes de "provocation de l'opposition visant à nuire à nos relations avec les États-Unis et aux grandes réalisations d'Israël" dans la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas, dans un communiqué.

"La véritable souveraineté ne s'obtient pas par une loi symbolique (...) mais par un travail efficace sur le terrain et par la création des conditions politiques propices à la reconnaissance de notre souveraineté, comme cela a été fait dans le Golan et à Jérusalem", ajoute le texte.

Israël a approuvé en août un projet clé de construction de 3.400 logements en Cisjordanie, dénoncé par l'ONU et plusieurs dirigeants étrangers.

Selon ses détracteurs, ce projet, baptisé E1, couperait la Cisjordanie en deux et empêcherait définitivement la création d'un éventuel Etat palestinien.

Lors d'un événement organisé à Maalé Adoumim le 11 septembre, M. Netanyahu avait affirmé qu"il "n'y aura pas d'Etat palestinien" et dit vouloir "doubler la population de la ville".

Hors Jérusalem-est, occupée et annexée par Israël, quelque trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, aux côtés d'environ 500.000 Israéliens installés dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international.

La colonisation de la Cisjordanie, frontalière de la Jordanie, s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens, de gauche comme de droite, depuis 1967.

Ces derniers mois, plusieurs ministres israéliens d’extrême droite ont appelé ouvertement à l'annexion de la Cisjordanie.

Mercredi dans un communiqué, le ministère jordanien des Affaires étrangères a dit "condamner fermement" ces votes qu'il qualifie de "violation flagrante du droit international et d'atteinte grave à la solution à deux Etats".

De son côté, le ministère palestinien des Affaires étrangères, basé à Ramallah, a condamné le vote de la Knesset, déclarant qu'il "rejette fermement les tentatives de la Knesset d'annexer des terres palestiniennes ".

"Le ministère a souligné que les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie, y compris à Jérusalem, et la bande de Gaza, constituent une seule et même unité géographique sur laquelle Israël n'a aucune souveraineté", a-t-il déclaré, selon l'agence de presse officielle palestinienne Wafa.