Un jeune chef arabe fusionne ingrédients alimentaires traditionnels du Moyen-Orient et techniques modernes

Haddad est né et a été élevé aux Émirats arabes unis. Sa passion pour la cuisine a commencé dès l'âge de quatre ans (Photo fournie)
Haddad est né et a été élevé aux Émirats arabes unis. Sa passion pour la cuisine a commencé dès l'âge de quatre ans (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

Un jeune chef arabe fusionne ingrédients alimentaires traditionnels du Moyen-Orient et techniques modernes

  • Solemann Haddad tire profit de son expérience au Japon, et de ses racines culinaires libanaises et syriennes
  • La cuisine du chef franco-syrien est résolument haut de gamme et témoigne d’une attention obsessionnelle sur les détails et la technique

DUBAÏ: Houmous shishito fumé, hamachi séché, mandarin et zaatar? Regardez-donc ça… Avec ces plats fusionnels et bien d'autres encore, un jeune chef franco-syrien, qui a dirigé l'un des restaurants les plus en vogue à Dubaï, est en train de tracer une voie révolutionnaire en cuisine. 

Solemann Haddad, à peine âgé de 24 ans, est en train de façonner l'offre dans sa ville natale, en utilisant des produits régionaux locaux tels que le dukkah (un mélange de noix et d'épices), le zaatar (à base de thym) et la muhammara (une sauce à base de piment rouge), ainsi que des ingrédients tels que le shishito (un autre type de poivre) et le hamachi (un poisson japonais).  

Son objectif est de fusionner des ingrédients traditionnels avec des techniques modernes. 

Né et élevé aux Émirats arabes unis, la passion de Haddad pour la cuisine a débuté à l’âge de 4 ans, quand il volait le livre de cuisine de son frère, et s’enfermait dans la cuisine pour faire des biscuits et des omelettes avec l’aide de sa mère. 

«C'était ma première expérience en cuisine», raconte-il à Arab News. «C'était comme concocter des potions, avec un résultat différent à chaque fois. J'ai trouvé ça très intéressant quand j’étais petit.» 

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Le chemin pour réaliser ses ambitions n'a pas été facile. Après avoir étudié les relations internationales à l'université, il s'est senti déçu et perdu. 

«Je n'aimais pas du tout l'université, même si j'avais de bonnes notes», affirme Haddad. «J'avais des crises d’angoisse tous les soirs.» 

Les conversations avec son père sur sa future profession de cuisinier ont conduit à une impasse. «Mon père et de nombreux hommes arabes de sa génération ne sont pas d’accord avec le fait qu'un homme puisse devenir chef», confie-t-il. «L'idée d'être chef était tellement irréaliste pour lui, mais c’est lié à la culture de la vieille école.» 

Pourtant, Haddad n'était pas prêt à renoncer à sa vocation. Un jour, quatre semaines avant ses derniers examens universitaires, il a sauté le pas. Avec de l’argent de son père, il a embarqué sur le premier vol pour Londres, où il a séjourné chez un ami. «J'ai dit à mon père que je ne reviendrais pas tant qu'il n'aurait pas accepté le fait que j'allais devenir chef. Nous avons donc passé un accord tacite: il m'enverrait à l'école de cuisine, et je reviendrais pour achever l'université. Et c’est ce que j’ai fait.» 

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Haddad a fréquenté deux écoles culinaires cordon bleu au Japon et à Londres pendant dix mois, tout en jonglant avec des stages dans des restaurants étoilés Michelin. De retour à Dubaï, il a achevé en 2019 ses études universitaires, et a commencé à offrir un service de consultation à des restaurants, en donnant des conseils sur les menus et les ingrédients. 

En travaillant dans un restaurant étoilé Michelin à Londres, il a eu la chance de goûter chaque plat pour enrichir davantage son apprentissage. C'est là qu'il a eu une révélation. «J'ai goûté un plat avec des champignons et je me suis dit: “Je n'ai jamais pensé que la nourriture pouvait avoir un goût aussi bon”», se souvient-il. 

«C’est comme si je découvrais une nouvelle couleur. Puis, je me suis rendu compte de la gamme de possibilités qui existaient. J’ai ouvert les yeux, et cela a changé ma vision de la vie. Cela a été le moment le plus marquant de mes années d’études.» 

De retour à Dubaï, Haddad a commencé à travailler pendant quelques mois comme sous-chef chez Inked, qui se définit elle-même comme une coopérative alimentaire et musicale. Pendant son séjour au restaurant, il a créé et servi 25 nouveaux plats par mois. Puis, en mars de l'année dernière, il a été licencié en raison de la pandémie de Covid-19. 

Le confinement s’est ensuite imposé, avec six mois de repos forcé. «Je n’ai même pas cassé un œuf», explique-t-il. «J'ai pris des vacances parce que je travaillais intensément depuis trois ans, donc cela m'a forcé à me détendre.» 

 

QUELQUES CHIFFRES

136 000-340 000 dollars - Coût moyen de l’ouverture d'un petit restaurant indépendant à Dubaï 

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Cette pause s'est avérée bénéfique, car le jeune chef a rapidement commencé à diffuser des vidéos de chez lui en direct sur Instagram, et à développer des recettes pour le plaisir. C'était pour lui une recherche et un développement indispensables. 

Sa cuisine est résolument haut de gamme, et fait preuve d’une attention obsessionnelle aux détails. Elle s’enrichit d’une technique dérivée des expériences de Haddad au Japon, de ses racines au Liban, des fières traditions culinaires de la Syrie, et même des influences indiennes. Cette fusion est-elle personnifiée? 

«Je dis toujours que ma vie est une fusion parce que je cuisine seulement ce que j'ai mangé en grandissant. Ma mère était française, donc je mangeais de la nourriture française, mais je mangeais aussi du chawarma avec mon père, et de la nourriture syrienne ou libanaise avec ma grand-mère», affirme le jeune chef. 

«Ma vie ne s’est pas concentrée sur une cuisine fixe. Mes plats créés sont biologiques, et c'est ce qui me semble logique.» 

Il a vécu sa prochaine expérience, lorsque Rami Farouk, le propriétaire de Maisan15, un restaurant et une galerie, lui a suggéré de devenir partenaire avec lui pour ouvrir un restaurant dans Alserkal Avenue, une galerie d'art branchée de Dubaï. 

«Il n'y avait ni cuisine ni gaz. Je me disais que c'était un peu fou, mais plus j'y pensais, plus je voyais cela comme une opportunité et, en quelques heures, j'ai été convaincu», raconte Haddad. 

En trente jours, une cuisine a été construite à partir de rien, et Warehouse16 a été lancé à la mi-septembre 2020. 

«Tout s'est bien déroulé, et nous nous débrouillions très bien», assure-t-il. «Nous avons fait salle pleine du premier au dernier dîner.» 

Au restaurant, Haddad a combiné des plats à base de kaiseki japonais – un dîner japonais traditionnel qui se compose de plusieurs plats – avec des ingrédients locaux du Moyen-Orient. Il attribue le succès de l’entreprise à Misbah Chowdhury, un ami d'enfance et associé chez Warehouse16, qui est également le directeur des opérations et du marketing des médias sociaux. 

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«Nous avons toujours été très agressifs sur les ventes et les réseaux sociaux», déclare Haddad. «De nombreux restaurants laissent les choses au hasard, mais cela nous a beaucoup aidé au début quand nous n'avions pas une clientèle fidèle.» 

Haddad soutient qu'il est méticuleux dans la cuisine et la présentation. Il ne servira un plat que s'il a l’air bon et goûteux, consacrant ainsi 51% de ses efforts au goût, et 49% à la présentation, avec pour résultat des plats d’une vraie beauté artistique.  

«La présentation et le goût sont presque aussi importants», affirme-t-il à Arab News. 

Un tel état d'esprit s'est traduit par un véritable succès. Warehouse16 a généré le chiffre d’affaires qu’elle avait prévu sur un an en tout juste six mois. «Le chiffre est monté en flèche en cinq mois. Nous avons été très humbles et agréablement surpris», se félicite-t-il. 

Malgré les aléas de l’économie, Dubaï abrite de nombreuses personnes prospères ayant de l'argent à dépenser. Un repas chez Haddad peut coûter jusqu’ à Dh400 ou Dh500 par personne (environ 35 à 45 euros), par exemple pour un menu de dégustation de sept plats.  

Depuis cette ouverture réussie, toutefois, la pandémie est passée par là. Le restaurant a dû fermer en raison de complications liées à la licence découlant des nouvelles mesures pour lutter contre la Covid-19. En attendant la réouverture, Haddad organise un certain nombre de restaurants pop-ups à travers Dubaï. 

«Mon but est soit d'ouvrir le meilleur restaurant du monde à Dubaï, soit de mourir en l’essayant», tranche-t-il. «Il n'y a pas de juste milieu.» 

Il évoque les nombreux acteurs de l’industrie qui croient à tort que la scène culinaire de Dubaï se concentre uniquement sur les concepts internationaux de franchise, n’ayant aucune confiance dans la ville dans laquelle ils opèrent. 

«Il y a tellement de potentiel (à Dubaï), en raison de l’inexistence d’une scène gastronomique. Elle est en développement, et c’est le moment d’en tirer profit. Le marché est vraiment récent.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com 


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com