A Gaza, le temple des livres réduit en poussière

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Publié le Dimanche 23 mai 2021

A Gaza, le temple des livres réduit en poussière

  • Le libraire et éditeur de Gaza, territoire palestinien plus connu à l'étranger pour ses guerres que ses maisons d'édition et sa littérature, s'est précipité sur place
  • «Il y a 100 000 livres sous ces ruines», lance-t-il, évoquant ces «best-sellers»

GAZA: C'était le temple des livres dans la bande de Gaza. Le lieu où les lycéens pouvaient trouver un manuel scolaire, les plus pratiquants leur coran et les esprits bohèmes des traductions de Dostoïevski en arabe. 

Mais mardi dernier, la librairie al-Mansour s'en est allée. Vers 5H00 du matin, Samir al-Mansour, son propriétaire, était chez lui et regardait les chaînes d'info arabes lorsqu'il a appris qu'un avertissement avait été donné par l'armée israélienne pour détruire l'immeuble.

Le libraire et éditeur de Gaza, territoire palestinien plus connu à l'étranger pour ses guerres que ses maisons d'édition et sa littérature, s'est précipité sur place. Mais Samir, cinquantenaire aux cheveux poivre et sel en brosse, s'est arrêté à environ 200 mètres. 

Adolescent, à 14 ans, au début des années 80, Samir avait commencé à travailler avec son père à la librairie, pour ensuite en prendre les rênes et mettre sur pied, en 2000, une maison d'édition. 

Mardi, il a vu la frappe israélienne foudroyer ce qu'il lui a pris une vie à construire. 

"Quarante années de ma vie se sont écroulées en une fraction de seconde", dit-il en marchant, sa cigarette coincée entre l'index et le majeur, au pied d'une montagne de blocs de ciments entremêlés de bout de papier et de chaises en plastique écrasées.

Et à l'heure où les secouristes cherchent encore des corps ou des miraculés dans les décombres d'une guerre éclair entre le Hamas et Israël qui a fait plus de 240 morts parmi les Palestiniens en à peine 11 jours, Samir al-Mansour devine une étrange fosse sous ses yeux.

"Il y a 100 000 livres sous ces ruines", lance-t-il, évoquant ces "best-sellers" comme le Coran, les manuels pour apprendre les langues étrangères comme le français, des livres pour enfants et des coups de coeur comme les Frères Karamazov de Dostoïevski, désormais ensevelis dans ce cimetière de livres. 

L'armée israélienne affirme de son côté avoir ciblé durant son intense campagne de bombardements, des infrastructures et maisons de commandants du mouvement islamiste palestinien.

Attaque contre la culture

Et Samir n'en démord pas: "je n'ai rien à voir avec un groupe armé, avec une faction politique, il s'agit d'une attaque contre la culture. J'ai traversé deux Intifadas et les trois guerres de Gaza (...) mais ça ne m'était jamais arrivé, jamais la librairie n'avait été détruite", dit-il.

Son beau-fils, Montasser Saleh, arrivé à Gaza de Norvège pour visiter la famille peu avant le début de l'escalade, était avec Samir lorsque sa vie a basculé. 

"Nous étions à la maison, nous regardions la télévision. Sur la chaîne al-Jazeera Mubasher, ils ont dit qu'il y avait eu un tir d'avertissement sur l'édifice abritant la librairie. On s'est précipité sur place. Samir voulait chercher des papiers à l'intérieur, son ordinateur, mais il avait peur de rentrer, d'être frappé par un missile. Alors nous sommes restés dehors", raconte-t-il. 

"Avec la destruction d'Al-Mansour, Gaza perd l'une de ses principales ressources culturelles", estime Mossab Abu Toha, poète et fondateur de la bibliothèque Edward Saïd, créée après la guerre de Gaza en 2014. 

"Al-Mansour c'est plus qu'une librairie, c'est aussi une maison d'édition qui publiait des auteurs de Gaza. Les manuscrits étaient imprimés en Egypte, des livres retournaient à Gaza mais d'autres restaient en Egypte et circulaient dans le monde arabe. Ca permettait de lever le siège de Gaza par la littérature".   

A Gaza, la littérature reste un marché de niche. Les tirages locaux tournent autour des 1.000 copies ce qui n'enlève rien aux oeuvres de Ghareeb Askalani ou Yousri al-Ghoul, auteurs entre autres publiés par les éditions de Samir Mansour.   

Al-Iqraa, une autre librairie de quartier rythmé par les milliers d'étudiants de l'université a été réduite en cendres pendant ces 11 jours de bombardement, et un peu plus loin, la "Makteba" al-Nahda, qui tenait plus de la papeterie que de la grande librairie, a été réduite à un tas de gravats. Mais pas au silence.

Devant les ruines de cette librairie, une large affiche vient d'être plantée avec la phrase suivante: "al-Fikra ma betmout" - La pensée ne meurt pas! Et un mot assure d'une future réouverture.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.


L'armée israélienne annonce le lancement d'une «vaste opération» dans le nord de la Cisjordanie

L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
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  • "Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien
  • Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée.

"Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien.

Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un déploiement dans le cadre de son "opération antiterroriste" lancée en janvier 2025 et visant principalement les camps de réfugiés palestiniens de la région, mais d'une "nouvelle opération".

Elle n'a pas fourni plus de détails dans l'immédiat.

Les violences ont explosé en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël.

Depuis le 7-Octobre, plus d'un millier de Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 43 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Les violences n'ont pas cessé en Cisjordanie depuis l'entrée en vigueur de la trêve à Gaza le 10 octobre.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a recensé en octobre un pic des "attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en près de deux décennies de collecte de données dans ce territoire palestinien.

Le 10 novembre, un Israélien a été tué et trois autres ont été blessés lors d'une attaque au couteau menée par deux Palestiniens rapidement abattus par des soldats près de Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie.