Le chaos politique en Tunisie menace tout accord avec le FMI

La Tunisie pourrait faire face au même sort que le Liban, où la monnaie est en chute libre et les épargnes évaporés, conduisant à des agitations sociales. (Photo fournie)
La Tunisie pourrait faire face au même sort que le Liban, où la monnaie est en chute libre et les épargnes évaporés, conduisant à des agitations sociales. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 28 mai 2021

Le chaos politique en Tunisie menace tout accord avec le FMI

  • Le gouverneur de la Banque centrale met en garde contre un «scénario vénézuélien»
  • La pandémie a fait bondir la dette nationale à 91% du PIB

TUNIS: Les politiciens et responsables tunisiens mettent en garde contre un effondrement économique si le gouvernement n’approuve pas les modalités d’un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI) cet été, mais le marasme politique pourrait étouffer cet effort.

Les Tunisiens sont habitués aux négociations fiscales de dernière minute qui opposent les demandes des bailleurs de fonds à l'opinion publique. Mais cette fois, la lutte pour le pouvoir entre le président, le Premier ministre et le Parlement ajoute une couche de complexité.

«La situation politique est totalement bloquée en Tunisie», estime l'ancien Premier ministre Youssef Chahed. Dans une interview accordée à Reuters, il déplore l’absence de «débat sérieux» au sein de la classe politique à propos de la reprise économique.

Comme la pandémie de Covid-19 a réduit la production de 8,8% l'année dernière et fait bondir la dette nationale à 91% du produit intérieur brut (PIB), les enjeux sont aujourd’hui importants et urgents.

Le gouverneur de la Banque centrale, Marouan Abassi, a averti le Parlement la semaine dernière que si le gouvernement tente d'utiliser son institution pour financer le déficit, au lieu de conclure un accord avec le FMI, l'inflation briserait la barrière des trois chiffres, un «scénario vénézuélien».

L'ancien ministre des Finances Hakim Hamouda confie à Reuters que la crise «menace de mettre l'État en faillite» et l'ancien ministre de la réforme Taoufik Rajhi, qui a négocié un prêt du FMI pour la Tunisie, a qualifié les négociations de «dernière chance d'éviter un effondrement imminent».

Tous deux préviennent que la Tunisie pourrait faire face au même sort que le Liban, où la monnaie est en chute libre et les épargnes évaporés, conduisant à des agitations sociales.

Un programme du FMI peut débloquer davantage de soutien financier pour aider à soutenir la seule réussite démocratique du printemps arabe, ainsi qu’un partenaire important pour l'Europe en matière de sécurité et de migration.

Le budget 2021 de la Tunisie prévoyait des besoins d’emprunt de $7,2 milliards, dont environ $5 milliards de prêts extérieurs. Il a évalué les remboursements de dette à $5,8 milliards dont 1 milliard à échéance en juillet et août.

Les négociations avec le FMI devraient durer tout l'été. Le Premier ministre Hichem Mechichi a déclaré à Reuters qu'il voulait $4 milliards, bien que peu de gens pensent qu'une somme supérieure à $3 milliards est tout à fait probable.

Un prêt bilatéral peut être nécessaire pour faire face aux dettes d'été. Les politiciens tunisiens disent en privé que le Qatar ou la Libye peuvent fournir de l'argent.

DES RÉFORMES CRÉDIBLES

Les diplomates affirment que la bonne volonté internationale envers la Tunisie tolère une certaine une marge de manœuvre dans les négociations. Mais ils sont aussi frustrés par ce qu'ils considèrent comme des dépenses injustifiées chroniques, mais le FMI souhaite que la Tunisie propose des réformes crédibles.

Chahed a de plus signalé que le soutien étranger, en particulier des États-Unis et de la France, augmentera les chances d'un accord, mais seulement si la Tunisie peut s'engager à faire des reformes propices. «Nous devons rapidement profiter de cette situation et présenter immédiatement un plan détaillé», a-t-il ajouté.

Mais les principales réformes incluant la réduction des subventions, la restructuration des entreprises publiques et la réduction de la masse salariale du secteur public, sont entièrement opposées par le syndicat UGTT ainsi que certains partis politiques qui affirment que les Tunisiens en ont assez des sacrifices apparemment sans fin.

Le mécontentement du public s'est manifesté lors des élections de 2019 avec le rejet de politiciens chevronnés, et plus récemment en janvier, par des manifestations qui pourraient présager une réaction à de nouveaux problèmes économiques.

De telles divisions internes empêcheront certes le gouvernement de garantir des fonds et d’assurer aux autres prêteurs étrangers que le pays est en mesure de mettre en œuvre les réformes qu'il promet.

Lorsque des éléments de la proposition du gouvernement tunisien avec le FMI ont été divulgués ce mois-ci, l'UGTT a indiqué ne pas être au courant des détails et les a rejetés, contredisant les déclarations précédentes du gouvernement selon lesquelles ils avaient conclu un accord sur la réforme.

Un accord doit être approuvé par le parlement totalement fragmenté, où le gouvernement de Mechichi est soutenu par une faible majorité, mais dans lequel aucun parti ne détient plus du quart des sièges.

Il devrait également être signé par le président Kais Saied, qui est en désaccord avec Mechichi et le président du parlement. Saied a bloqué une proposition de remaniement en rejetant les efforts de l’Assemblée pour nommer des juges à la Cour constitutionnelle.

Les différends au sein du parlement, et entre celui-ci et Saied, ont déjà retardé les efforts pour résoudre le problème budgétaire. L'année dernière, la Tunisie a connu trois gouvernements successifs, et n'a donc pas pu entamer les négociations avec le FMI.

«Si nous avions commencé plus tôt ... nous aurions pu avoir des négociations plus faciles», se désole l'ancien Premier ministre, Chahed.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.