A Tulsa, un siècle après un massacre racial, les Afro-Américains se sentent toujours bannis

«Quand Greenwood était Greenwood, il y avait 40 pâtés de maison, maintenant c'est condensé sur une moitié de rue, et même sur cette moitié de rue, ce n'est pas uniquement Black Wall Street». (Photo, AFP)
«Quand Greenwood était Greenwood, il y avait 40 pâtés de maison, maintenant c'est condensé sur une moitié de rue, et même sur cette moitié de rue, ce n'est pas uniquement Black Wall Street». (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 31 mai 2021

A Tulsa, un siècle après un massacre racial, les Afro-Américains se sentent toujours bannis

  • «Cette mentalité qui a détruit Greenwood existe encore en grande partie ici, à Tulsa»
  • Il y a un siècle l'arrestation d'un jeune homme noir accusé d'avoir agressé une femme blanche a déclenché l'un des pires déchaînements de violence raciale qu'ait connu le pays

TULSA: Au pied des bâtiments modernes d'une rue anonyme, quelques discrètes plaques en métal attirent l'oeil. "Grier shoemaker", "Earl real estate": rivées au sol, elles portent les noms de commerces afro-américains qui s'y trouvaient avant d'être détruits dans l'un des pires massacres raciaux des Etats-Unis, en 1921.

Rares indices de la prospérité passée d'un quartier qui avait gagné le surnom de "Black Wall Street", elles prouvent que l'histoire de Greenwood, secteur historiquement noir de la ville de Tulsa, dans l'Oklahoma, ne se comprend pas grâce aux monuments que l'on voit, mais à ceux qui ne sont plus là.

A la veille de la visite du président démocrate Joe Biden, populaire chez les Afro-Américains, qui participera mardi aux commémorations à Tulsa, et après une année rythmée par les manifestations du mouvement Black Lives Matter, la tuerie résonne plus que jamais avec l'actualité.

Quartier détruit

"Ils sont venus et ont détruit Greenwood, ont tout brûlé", dit Bobby Eaton, 86 ans, figure du quartier et ancien militant afro-américain de la lutte pour les droits civiques.

Il y a un siècle, dans cette ville du sud des Etats-Unis, l'arrestation d'un jeune homme noir accusé d'avoir agressé une femme blanche a déclenché l'un des pires déchaînements de violence raciale qu'ait connu le pays.

Le 31 mai 1921, après l'interpellation de Dick Rowland, des centaines de manifestants blancs en colère se pressent devant le tribunal de Tulsa, faisant redouter à la population noire un lynchage, pratique courante à l'époque. Un groupe d'hommes noirs, dont certains sont armés, se mobilise. 

La tension monte et des coups de feu retentissent. Moins nombreux, les Afro-Américains se replient vers leur quartier de Greenwood, connu pour sa vitalité économique et ses nombreux commerces.

Le lendemain, dès l'aube, des hommes blancs pillent et brûlent les bâtiments, poursuivant les habitants pour les abattre. 

Toute la journée, ils saccagent Black Wall Street sans que la police intervienne, ne laissant derrière eux que cendres et ruines, et faisant jusqu'à 300 morts. Du jour au lendemain, près de 10 000 personnes se retrouvent à la rue.

Casquette bleue sur la tête, un tee-shirt commémorant le centenaire du drame enfilé par-dessus sa chemise, Bobby Eaton est marqué par cette époque qu'il n'a pas connue, mais dont il entendait tant parler, enfant, dans le salon de barbier de son père. 

"J'ai appris beaucoup de choses sur les émeutes quand j'étais très jeune, et ça n'a jamais quitté ma mémoire", dit-il, le regard sombre.

«Pas propriétaires»

Pour lui, comme pour beaucoup d'autres dans le quartier, c'est la prospérité des Afro-Américains qui a suscité cette destruction. "Cela a causé beaucoup de jalousie, et c'est toujours le cas aujourd'hui".

"Cette mentalité qui a détruit Greenwood existe encore en grande partie ici, à Tulsa", dénonce-t-il. 

Car cent ans après le massacre, les tensions raciales restent fortes.

Dans le café "Black Wall Street Liquid Lounge" nommé, comme beaucoup de commerces de Greenwood, en hommage à l'âge d'or du quartier, Kode Ransom, Afro-Américain de 32 ans, longues dreadlocks et grand sourire, salue les clients.

Heureux co-gérant du commerce, il a un regret: ne pas en posséder les murs.

"Quand les gens entendent 'Black Wall Street', ils pensent que c'est complètement contrôlé par les Noirs, mais en fait non".

Kode Ransom estime qu'une vingtaine de commerces tenus par des Afro-Américains existent à Greenwood, mais presque tous paient un loyer.

"Nous ne sommes pas propriétaires des terrains", regrette-t-il.

Une politique d'urbanisme, appelée "rénovation urbaine", et menée par la mairie de Tulsa dès les années 1960, a eu pour effet de chasser les propriétaires afro-américains dont les maisons ou commerces, jugés délabrés, ont été détruits pour laisser place à du neuf.

La construction d'une autoroute à sept voies en plein milieu de l'avenue commerçante a fini de défigurer le quartier.

"Quand Greenwood était Greenwood, il y avait 40 pâtés de maison, maintenant c'est condensé sur une moitié de rue, et même sur cette moitié de rue, ce n'est pas uniquement Black Wall Street", soupire Kode Ransom.

Expulsions

A quelques mètres du café, dans la galerie d'art "Greenwood", la gérante Queen Alexander, 31 ans, arrange les tableaux exposés, qui célèbrent la culture afro-américaine.

Elle aussi paie un loyer, et il vient d'augmenter de 30%. L'ouverture d'un grand musée consacré à l'histoire du quartier, le "Greenwood Rising history center", qui sera inauguré mercredi, a provoqué une hausse des loyers des commerces alentour.

Une de ses connaissances, qui tenait un salon de beauté depuis plus de quarante ans, a été expulsée. "Elle ne pouvait plus payer le loyer", regrette Queen Alexander.

Derrière les baies vitrées de sa galerie, l'Afro-Américaine observe la gentrification à l'oeuvre.

"On voit maintenant des Blancs qui promènent leurs chiens, qui font du vélo, dans des quartiers où on ne les aurait jamais vus avant", explique-t-elle, citant l'ouverture d'un stade de baseball ou d'une université qu'elle n'aurait "probablement pas eu les moyens de s'offrir".

Pour elle, Greenwood sans ses propriétaires afro-américains et ses bâtiments historiques n'est plus tout à fait "le Wall Street des noirs", mais plutôt "un quartier avec des commerçants noirs locataires".

Et "si demain, nous sommes expulsés, ce sera le Wall Street des Blancs".


Le réalisateur hollywoodien Rob Reiner et sa femme retrouvés morts à leur domicile

Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN. (AFP)
Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN. (AFP)
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  • D'abord acteur dans des séries télévisées dans les années 1970, Bob Reiner a commencé sa carrière comme réalisateur en 1984 avec le film "Spinal Tap" sur un groupe de rock imaginaire
  • Il restera l'auteur de nombreux films cultes, notamment "Quand Harry rencontre Sally" mais aussi "Stand by me" ou encore "Misery"

LOS ANGELES: Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN.

La police de Los Angeles a fait état de deux personnes retrouvées mortes dans la maison du réalisateur du film "Quand Harry rencontre Sally", mais n'a pas confirmé publiquement leur identité, lors d’une conférence de presse dimanche soir.

Selon la chaîne NBC, le couple serait mort des suites de coups de couteau.

Rob Reiner était âgé de 78 ans.

D'abord acteur dans des séries télévisées dans les années 1970, Bob Reiner a commencé sa carrière comme réalisateur en 1984 avec le film "Spinal Tap" sur un groupe de rock imaginaire. Il restera l'auteur de nombreux films cultes, notamment "Quand Harry rencontre Sally" mais aussi "Stand by me" ou encore "Misery".

Retrouvant parfois son rôle de comédien, il était apparu récemment dans la série "The Bear".

"C'est avec une profonde tristesse que nous annonçons le décès tragique de Michele et Rob Reiner. Nous sommes bouleversés par cette perte soudaine et nous demandons le respect de notre vie privée en cette période incroyablement difficile", a annoncé la famille du couple dans un communiqué cité par la revue Variety.

"C'est une perte immense pour notre ville et notre pays. L'héritage de Rob Reiner est profondément ancré dans la culture et la société américaines", a déclaré la maire de Los Angeles, Karen Bass sur son compte X.

Elle a salué "son oeuvre créative ainsi que son engagement pour la justice sociale et économique" qui "ont transformé la vie d'innombrables personnes".

"Acteur, réalisateur, producteur, scénariste et militant politique engagé, il a toujours mis ses talents au service des autres", a ajouté Mme Bass.


L'Australie en deuil après un attentat antisémite qui a fait 15 morts sur une plage de Sydney

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  • Sur cette plage mythique de Bondi prisée par des Australiens et des touristes du monde entier, des effets personnels sont encore sur le sable taché de sang
  • "Ce que nous avons vu hier était un acte purement maléfique, antisémite et terroriste sur nos rives", a proclamé le Premier ministre Anthony Albanese en déposant des fleurs sur ce lieu baigné par le Pacifique

SYDNEY: L'Australie est en deuil lundi au lendemain d'un attentat antisémite perpétré par un père et son fils qui ont ouvert le feu sur un millier de personnes rassemblées sur une plage de Sydney pour la fête juive de Hanouka, faisant 15 morts, dont une enfant, et 42 blessés.

Sur cette plage mythique de Bondi prisée par des Australiens et des touristes du monde entier, des effets personnels sont encore sur le sable taché de sang, une vingtaine d'heures après une tuerie de dix minutes qui a provoqué une onde de choc dans cet immense pays d'Océanie et à l'international.

"Ce que nous avons vu hier était un acte purement maléfique, antisémite et terroriste sur nos rives", a proclamé le Premier ministre Anthony Albanese en déposant des fleurs sur ce lieu baigné par le Pacifique.

L'Australie, qui n'avait pas été frappée par une telle tuerie depuis 1996, a mis tous ses drapeaux en berne, a ordonné M. Albanese, qui a proposé aussi une législation encore plus stricte sur les armes à feu.

Dès dimanche, il avait dénoncé "une attaque ciblée contre les juifs australiens, au premier jour de Hanouka", la fête juive des "lumières" qui se tient durant neuf jours en décembre. Et il avait jugé que l'attentat visait "tous les Australiens".

Le chef de la police locale, Mal Lanyon, a précisé que ses enquêteurs avaient "découvert un engin explosif artisanal dans une voiture liée au criminel décédé", l'un des deux tireurs, le père, abattu par la police.

Et son fils, grièvement blessé, a fait l'objet d'une enquête du renseignement australien en 2019 pour des liens avec le groupe jihadiste Etat islamique (EI), a révélé la chaîne publique australienne ABC.

"Dix minutes" 

L'attentat a meurtri dimanche vers 18H45 (07H45 GMT) l'immense plage de Bondi, la plus connue d'Australie et à l'étranger, envahie par des milliers de promeneurs, nageurs et surfeurs en ce début d'été austral.

"Nous avons entendu les coups de feu (...) Dix minutes de détonations incessantes", a déclaré à l'AFP Camilo Diaz, étudiant chilien de 25 ans.

Timothy Brant-Coles, touriste britannique, a confié à l'AFP avoir vu "deux tireurs vêtus de noir et armés de fusils semi-automatiques".

"C'est allé très vite", a confié aussi à l'AFP un Français de 23 ans, Alban Baton, qui s'est réfugié dans la chambre froide d'une épicerie.

Les assaillants étaient Sajid Akram, 50 ans, entré grâce à un visa en Australie en 1998 et qui avait un permis pour le port de six armes, et son fils Naveed Akram, 24 ans, né dans le pays, selon la police de la Nouvelle-Galles-du-Sud, Etat dont Sydney est la capitale.

Le père a été abattu par des policiers, le fils est hospitalisé dans un état critique, selon la police et la presse.

Sur la colline verdoyante surplombant la plage, un journaliste de l'AFP a vu lundi encore une poussette, des sacs et des serviettes laissés par les gens qui ont couru se mettre à l'abri. Depuis la nuit de dimanche à lundi, ce quartier d'habitude très animé a été bouclé.

"Héros" 

Le Premier ministre Albanese, tout comme le président américain Donald Trump, ont salué des "héros" qui sont intervenus dimanche.

Une vidéo virale sur les réseaux sociaux montre un homme sur un parking se précipiter par derrière sur un assaillant, l'agripper et lui arracher son arme, avant de le mettre en joue et de le faire fuir.

Nombre de dirigeants mondiaux ont condamné avec force un attentat qui a tué 15 personnes âgées de dix ans pour une fillette, à 87 ans, un Français de 27 ans, Dan Elkayam, un rabbin de 41 ans né à Londres, Eli Schlanger, et Alex Kleytman, un survivant de la Shoah né en UKraine.

On compte au moins 42 blessés.

Donald Trump a fustigé un attentat "purement antisémite".

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a assuré que "l"Europe se tenait aux côtés de l'Australie et des communautés juives partout dans le monde".

En Israël, le président Isaac Herzog a parlé d'une "attaque très cruelle contre des juifs" perpétrée par "d'ignobles terroristes".

Son Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui dénonce la résurgence de l'antisémitisme dans le monde depuis le massacre du 7 octobre 2023 et la guerre dans la bande de Gaza, a fustigé un "cancer qui se propage lorsque les dirigeants restent silencieux et n'agissent pas".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron ont fait part de leur solidarité.

Le Conseil national des imams australien a appelé "tous les Australiens, y compris la communauté musulmane australienne, à se serrer les coudes dans l'unité, la compassion et la solidarité".

Une série d'attaques antisémites a semé la peur chez les juifs d'Australie depuis plus de deux ans et Canberra a accusé Téhéran d'être à l'origine de deux de ces actes et a expulsé il y a quatre mois l'ambassadeur iranien.

 

 


Tirs sur la plage de Bondi à Sydney, deux suspects arrêtés

La police australienne a annoncé l'arrestation de deux personnes après des tirs dimanche sur la célèbre plage de Bondi à Sydney, les services de secours faisant état de huit hospitalisations et le Premier ministre dénonçant un événement "choquant et bouleversant". (AFP)
La police australienne a annoncé l'arrestation de deux personnes après des tirs dimanche sur la célèbre plage de Bondi à Sydney, les services de secours faisant état de huit hospitalisations et le Premier ministre dénonçant un événement "choquant et bouleversant". (AFP)
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  • "Il y a eu une fusillade, deux tireurs vêtus de noir et armés de fusils semi-automatiques", a déclaré ce touriste, Timothy Brant-Coles, ajoutant avoir vu aussi plusieurs personnes blessées par balle
  • "Nous pouvons seulement vous dire que nous avons soigné plusieurs personnes sur place et qu'à ce stade, huit personnes ont été transportées vers différents hôpitaux de Sydney", a déclaré à l'AFP un porte-parole du service d'ambulance

SYDNEY: La police australienne a annoncé l'arrestation de deux personnes après des tirs dimanche sur la célèbre plage de Bondi à Sydney, les services de secours faisant état de huit hospitalisations et le Premier ministre dénonçant un événement "choquant et bouleversant".

Un témoin, un touriste britannique, a raconté à l'AFP avoir vu "deux tireurs vêtus de noir" sur cette plage, la plus célèbre d'Australie, prise d'assaut durant le week-end par des foules de touristes, nageurs et surfeurs.

"Il y a eu une fusillade, deux tireurs vêtus de noir et armés de fusils semi-automatiques", a déclaré ce touriste, Timothy Brant-Coles, ajoutant avoir vu aussi plusieurs personnes blessées par balle.

"Nous pouvons seulement vous dire que nous avons soigné plusieurs personnes sur place et qu'à ce stade, huit personnes ont été transportées vers différents hôpitaux de Sydney", a déclaré à l'AFP un porte-parole du service d'ambulance de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud.

La police de l'Etat a annoncé sur les réseaux sociaux que deux suspects avaient été interpellés, sans plus de détails.

Selon le journal Sydney Morning Herald, un tireur présumé a été atteint par balles par la police et un autre a été arrêté.

"Les scènes à Bondi sont choquantes et bouleversantes", a écrit le Premier ministre australien Anthony Albanese dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux. "Mes pensées vont à toutes les personnes affectées", a-t-il ajouté.

La police avait initialement annoncé un "incident en cours" sur la plage et ordonné au public d'éviter le secteur et de "se mettre à l'abri".