La «punaise américaine», petite bête qui ronge les pinèdes du Liban

L'entomologiste forestier libanais Nabil Nemer signale quelques insectes Tomicus Piniperda nuisibles aux pins dans la pinède de Qsaybeh, au sud de Beyrouth, le 21 mai 2021. JOSEPH EID / AFP
L'entomologiste forestier libanais Nabil Nemer signale quelques insectes Tomicus Piniperda nuisibles aux pins dans la pinède de Qsaybeh, au sud de Beyrouth, le 21 mai 2021. JOSEPH EID / AFP
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Publié le Vendredi 04 juin 2021

La «punaise américaine», petite bête qui ronge les pinèdes du Liban

  • Dans sa pinède tranquille du Mont-Liban, M. Naïmeh ausculte d'un air désolé ses conifères majestueux: des arbres sont dévorés par l'insecte
  • «Ma production personnelle était de 16 tonnes de pommes de pin. Aujourd'hui elle dépasse à peine les 100 kg» par an, regrette le producteur

QSAYBEH, LIBAN : Dans son village accroché au flanc de la montagne libanaise, Elias Naïmeh récoltait chaque année 16 tonnes de pommes de pin. Aujourd'hui, sa production s'est effondrée à cause d'une "punaise américaine", redoutable insecte d'à peine quelques millimètres qui ronge les conifères.

Si le cèdre millénaire est le symbole du Liban, le petit pays coincé entre montagne et Méditerranée compte de vastes forêts de pins qui représentent environ 10% de ses surfaces boisées.

Dans un Liban réputé pour sa gastronomie raffinée, on retrouve les pignons de pin dans les plats et desserts traditionnels. Cet "or blanc", comme il est surnommé localement, est une manne financière pour les producteurs, grâce notamment aux exportations.

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Une vue aérienne montre une section de la forêt de pins de Bkassine au Liban, au sud de Beyrouth, le 14 mai 2021. JOSEPH EID / AFP

Mais dans sa pinède tranquille du Mont-Liban, près du village de Qsaybeh à l'est de Beyrouth, M. Naïmeh ausculte d'un air désolé ses conifères majestueux: des arbres sont dévorés par l'insecte. Les dégâts se voient à l'oeil nu.

Ici, un tronc et des branches desséchés. Plus loin, un arbre a perdu ses cônes, flétris et tombés au sol avant d'être arrivés à maturité.

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L'entomologiste forestier libanais Nabil Nemer inspecte un pin malade à la recherche d'insectes nuisibles dans la pinède de Qsaybeh au sud de Beyrouth, le 21 mai 2021. JOSEPH EID / AFP

"Ma production personnelle était de 16 tonnes de pommes de pin. Aujourd'hui elle dépasse à peine les 100 kg" par an, regrette le producteur.

Avant l'apparition de la punaise, il récoltait chaque année environ 600 kg de pignons de pins, de quoi lui assurer un revenu confortable d'un peu plus de 40.000 dollars (environ 33.000 euros).

Découverte sur le continent américain, l'espèce invasive a migré vers l'Europe avant d'être vue en Turquie en 2010. Cinq ans plus tard, on constatait sa présence au Liban, même si les producteurs enregistraient déjà des récoltes en baisse depuis quelques années.

Réchauffement climatique

Selon l'entomologiste forestier Nabil Nemer, l'insecte est présent dans toutes les forêts de conifères du Liban, mais l'impact est particulièrement dévastateur pour le pin et ses cônes fructifères.

"On remarque parfois plus de dix insectes sur un seul cône", raconte-t-il.

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Un pin mort est photographié dans la forêt de pins de Bkassine au Liban, au sud de Beyrouth, le 14 mai 2021. JOSEPH EID / AFP

Résultat: le cône voit les graines qu'il contient être dévorées, perdant parfois jusqu'à 90% de ses pignons, et n'est plus qu'une coquille vide.

"Les températures élevées et la baisse des précipitations contribuent à modifier le cycle de vie des insectes et affaiblissent les arbres", affirme l'expert.

En attendant l'apparition d'"ennemis naturels" qui pourraient dévorer ou chasser l'insecte -- d'ici 10 à 20 ans selon M. Nemer -- la seule arme reste l'utilisation d'insecticides.

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L'entomologiste forestier libanais Nabil Nemer inspecte un pin malade à la recherche d'insectes nuisibles dans la pinède de Qsaybeh au sud de Beyrouth, le 21 mai 2021. JOSEPH EID / AFP

De quoi apporter un léger répit, confirme M. Naïmeh, qui dirige le syndicat des pinèdes. "La production s'est améliorée pour la saison 2016-2017", se souvient-il, le pourcentage de cônes flétris passant alors de 85% à 30%.

Mais dans un pays en plein effondrement, où les citoyens fustigent le désengagement de l'Etat, l'agriculture n'échappe pas aux manquements.

Impossible donc de pulvériser annuellement des insecticides dans toutes les pinèdes, d'autant qu'il faudrait aussi abattre les arbres morts pour empêcher les insectes de sauter vers les conifères voisins.

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Une vue partielle de la forêt de pins de Qsaybeh à l'est de Beyrouth, le 21 mai 2021. JOSEPH EID / AFP

"Aujourd'hui, il n'y a pas plus de 200 tonnes" de pignons de pins récoltées au Liban, déplore M. Naïmeh qui réclame une mobilisation des autorités. Naguère, la production atteignait les 1.200 tonnes, soit 120 à 130 millions de dollars de revenus annuels pour le secteur.

Avec la dépréciation de la monnaie, le prix du kilo de pignons de pin a explosé et représente désormais près du double du salaire minimum, tandis que l'érosion du pouvoir d'achat limite la consommation sur le marché local.

"Abandonner les forêts"

Le village de Bkassine, dans le sud, se targue d'avoir la plus grande forêt de pins de tout le Moyen-Orient, avec 100 000 arbres plantés sur environ 220 hectares.

Certains pins font plus de 40 mètres de haut. Ici aussi sévit la punaise américaine. Tout comme le Tomicus piniperda, un coléoptère qui prolifère en suçant la moelle des arbres sous l'écorce, avant de s'attaquer aux bourgeons.

"La dernière production d'envergure remonte à 2013", se souvient Habib Fares, chef de la municipalité, évoquant depuis une chute d'environ 70% en raison des insectes.

Faute de financement suffisant, une section différente de la forêt reçoit chaque année des insecticides, quand il faudrait traiter l'ensemble des arbres.

Si le ministère de l'Agriculture participe aux campagnes de pulvérisation et à l'entretien des forêts, ce soutien a diminué avec la crise économique.

"L'ampleur du phénomène dépasse nos capacités", déplore M. Fares, interpellant les donateurs internationaux.

Dans un pays en faillite, M. Nemer note que les forêts peuvent participer à la solution pour "les sociétés locales, (qui) vivent en principe de ces cultures".

Mais, déplore-t-il, "si ça continue comme ça, elles pourraient abandonner leurs forêts".


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
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  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
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  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.