Que représente l'élection d'Ebrahim Raïssi pour l'Iran et le monde ?

Le président iranien Hassan Rouhani, (g), se joint au président élu Ebrahim Raïssi lors d'une conférence de presse pour féliciter ce dernier pour sa victoire dans une élection dans laquelle la plupart des rivaux importants ont été exclus. (AFP)
Le président iranien Hassan Rouhani, (g), se joint au président élu Ebrahim Raïssi lors d'une conférence de presse pour féliciter ce dernier pour sa victoire dans une élection dans laquelle la plupart des rivaux importants ont été exclus. (AFP)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
La montée de la pauvreté, les perturbations grandissantes et la crise économique secouent le régime de Téhéran. (AFP)
La montée de la pauvreté, les perturbations grandissantes et la crise économique secouent le régime de Téhéran. (AFP)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
Une affiche de campagne électorale recouvre la façade d'un bâtiment sur la place Valiasr à Téhéran, la capitale de l'Iran, le 19 juin 2021, un jour après l'élection présidentielle. (AFP / Atta Kenare)
Une affiche de campagne électorale recouvre la façade d'un bâtiment sur la place Valiasr à Téhéran, la capitale de l'Iran, le 19 juin 2021, un jour après l'élection présidentielle. (AFP / Atta Kenare)
Le taux de participation aux élections présidentielles en Iran a été le plus bas depuis des décennies. (AFP)
Le taux de participation aux élections présidentielles en Iran a été le plus bas depuis des décennies. (AFP)
Avec un ultraconservateur à la présidence, le CGRI aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région de manière qui engendrerait des troubles, préviennent les critiques. (Photo du bureau de l'armée iranienne via AFP)
Avec un ultraconservateur à la présidence, le CGRI aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région de manière qui engendrerait des troubles, préviennent les critiques. (Photo du bureau de l'armée iranienne via AFP)
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Publié le Lundi 21 juin 2021

Que représente l'élection d'Ebrahim Raïssi pour l'Iran et le monde ?

Le président iranien Hassan Rouhani, (g), se joint au président élu Ebrahim Raïssi lors d'une conférence de presse pour féliciter ce dernier pour sa victoire dans une élection dans laquelle la plupart des rivaux importants ont été exclus. (AFP)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
Des partisans du président iranien élu Ebrahim Raïssi célèbrent sa victoire aux élections présidentielles à Téhéran, le 19 juin 2021. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
La montée de la pauvreté, les perturbations grandissantes et la crise économique secouent le régime de Téhéran. (AFP)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI). (Photo d'archive AF)
Une affiche de campagne électorale recouvre la façade d'un bâtiment sur la place Valiasr à Téhéran, la capitale de l'Iran, le 19 juin 2021, un jour après l'élection présidentielle. (AFP / Atta Kenare)
Le taux de participation aux élections présidentielles en Iran a été le plus bas depuis des décennies. (AFP)
Avec un ultraconservateur à la présidence, le CGRI aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région de manière qui engendrerait des troubles, préviennent les critiques. (Photo du bureau de l'armée iranienne via AFP)
  • Un juge sanctionné par les États-Unis devient le nouveau président après des élections considérées comme truquées en sa faveur
  • Le point déterminant du mandat de Raïssi sera sa capacité à améliorer la vie quotidienne des Iraniens

​​​​​​MISSOURI, États-Unis / IRBIL, Kurdistan irakien : Dans un clip populaire en Iran datant de plusieurs années, on voit une longue file de personnes, au visage renfrogné, qui attendent leur tour dans une cafétéria. Quand leur tour arrive de faire leur choix, on voit le chef, au visage sinistre, qui leur propose de la viande étrange remplie de vers et de la bave remplie de mouches.

Nombreux sont les artistes iraniens qui attaquent de cette manière indirecte les dirigeants religieux. En effet, il est toujours interdit de critiquer ouvertement les principaux fondements du système politique. La victoire du religieux ultra-conservateur Ebrahim Raïssi lors de la présidentielle de vendredi a souligné, plus que jamais, le peu de choix dont disposent les Iraniens lorsqu'il s'agit d'elire leurs dirigeants.

Si les électeurs dans de nombreux pays se plaignent souvent de ne pas pouvoir faire de choix judicieux dans les élections, l'Iran porte ce phénomène à son paroxysme. C'est le Conseil des gardiens, un organisme non élu constitué de religieux et de juristes (dont trois ont été nommés par Raïssi), qui sélectionne les candidats potentiels aux postes vacants en politique.

La participation au scrutin présidentiel en Iran a été la plus basse depuis des décennies. (AFP)
La participation au scrutin présidentiel en Iran a été la plus basse depuis des décennies. (AFP)

De nombreuses estimations affirment que le conseil des gardiens écarte plus de 90 % des candidats qui prennent la peine de postuler à une fonction politique. Il a rejeté cette année la candidature des candidats réformateurs populaires alliés au président sortant Hassan Rouhani, mais aussi celle des partisans de la ligne dure populiste.

Ainsi, parmi les candidats exclus des élections figuraient l'actuel vice-président Eshaq Jahingiri, le président du Parlement Ali Larijani (tous deux alliés de Rouhani) et l'ancien président populiste de droite Mahmoud Ahmedinejad. Ces anciens acteurs politiques iraniens sont parmi les rares à avoir été autorisés à se présenter aux élections précédentes et leur adhésion aux principes fondamentaux de la République islamique ne fait pas de doute.

Pourtant, le Conseil des gardiens les a jugés trop menaçants. Il a donc disqualifié leur candidature (ainsi que celle de toutes les femmes, qui ne peuvent en aucun cas se présenter à de telles élections). Dans un tel climat, la participation électorale semble être la plus basse depuis des décennies. Or c’est une chose peu étonnante.

Comment évaluer alors la légitimité de la présidentielle iranienne ?

Une affiche de campagne électorale recouvre la façade d'un bâtiment sur la place Valiasr à Téhéran, la capitale de l'Iran, le 19 juin 2021, un jour après l'élection présidentielle. (AFP / Atta Kenare)
Une affiche de campagne électorale recouvre la façade d'un bâtiment sur la place Valiasr à Téhéran, la capitale de l'Iran, le 19 juin 2021, un jour après l'élection présidentielle. (AFP / Atta Kenare)

« Cela dépend de votre définition du terme ‘légitime’ », explique à Arab News Barbara Slavin, directrice de l'initiative Future of Iran au Conseil atlantique. " De tout temps, le Conseil des gardiens a passé au crible tous les candidats jugés insuffisamment loyaux envers le système, bien que la définition de 'loyal' ne se soit jamais aussi fortement sous-traitée que lors de cette élection. "

Arash Azizi , auteur de l’ouvrage «The Shadow Commander : Soleimani, the US, and Iran's Global Ambitions» (Le Commandant de l'Ombre : Soleimani, les États-Unis et les ambitions de l'Iran dans le monde), se montre moins indulgent que Mme Slavin.  « En 2021, Raïssi a remporté à peu près le même nombre de voix qu'il a obtenues en 2017 lorsqu'il a perdu les élections. Sauf qu'il a gagné cette fois-ci parce que la majorité des gens ont boycotté les élections », déclare Azizi à Arab News.

« Même si nous nous fions aux chiffres officiels, cette participation est la plus basse de l'histoire de la République islamique, et c'est la première fois que la majeure partie des gens ne votent pas à une élection présidentielle. Sans oublier que près de quatre millions d'électeurs ont invalidé leur bulletin de vote ».

Outre le peu de choix en matière de candidats politiques, les postes décisionnels les plus importants du pays ne sont de toute façon pas soumis à l'élection. Le chef suprême - actuellement l'ayatollah Khamenei, successeur de l'ayatollah Khomeini depuis 1988 - est choisi par le Conseil des gardiens. Les dirigeants du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) ne sont pas non plus élus, et pourtant, ils prennent un grand nombre des décisions politiques les plus déterminantes pour le pays.

Le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei. (AFP)
Le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei. (AFP)

« Les Iraniens étaient exaspérés par le manque de choix et pessimistes quant à la possibilité de mener une vie meilleure sous ce régime », explique Barbara Slavin à Arab News. « Cela fait 25 ans qu'ils participent en grand nombre aux élections présidentielles en espérant parvenir à un changement évolutif et pacifique ».

« Mais au fur et à mesure que la société iranienne progresse, le système devient plus répressif et moins représentatif. De surcroît, s'abstenir de voter représente une certaine manière de protester dans un système qui conçoit le vote comme un devoir patriotique ».

L'ÉCONOMIE POLITIQUE DE L'IRAN EN CHIFFRES

40 % - Le taux d'inflation en Iran en 2019.

 

5 % - Hausse du taux de pauvreté ces deux dernières années.

 

3,7 millions - Nombre de personnes qui ont rejoint le registre de la pauvreté au cours de cette période.

 

83 millions - Nombre d'habitants en Iran en 2019.

Par le passé, Khamenei, tout comme les commandants du CGRI, préféraient autoriser un nombre limité de candidats aux élections présidentielles et s'abstenaient d'intervenir de manière trop directe ou évidente dans le processus politique.

Ils se servaient du système électoral extrêmement restrictif pour tâter l'humeur du peuple, tentaient de se donner une certaine légitimité en revendiquant un mandat démocratique, et guettaient les cartes politiques que les différentes élites de la société iranienne allaient brandir.

Khamenei n'intervenait publiquement pour redresser la barre que lorsqu'il jugeait que l'Iran s'éloignait trop de son cap.

En coulisses, ces dirigeants non élus jouent bien entendu un rôle actif dans quasiment tous les domaines, depuis la politique économique et les directives sur l'exécution des prisonniers politiques jusqu'à la stratégie des négociations sur le nucléaire iranien et d'autres questions telles que les opérations secrètes à l'étranger et le financement de diverses forces mandataires de l'Iran dans la région.

La montée de la pauvreté, les perturbations grandissantes et la crise économique secouent le régime de Téhéran. (AFP)
La montée de la pauvreté, les perturbations grandissantes et la crise économique secouent le régime de Téhéran. (AFP)

Ces dernières années, l’économie en crise conjuguées aux protestations populaires de plus en plus nombreuses semblent avoir secouée le régime. Dans ces circonstances, les dirigeants effectifs craignent de laisser aux Iraniens un semblant de choix lors des élections de cette année.

Sur cette toile de fond, la nomination de M. Raïssi à la présidence enverrait, selon toute vraisemblance, un message au peuple iranien. Protégé de Khamenei, Raïssi est responsable des exécutions en masse de dizaines de milliers de dissidents iraniens au cours des 30 dernières années. En 1988, il a été à la tête de « comités de la mort » qui ont enterré dans des fosses communes les prisonniers politiques tués.

Selon le Centre pour les droits de l'homme en Iran, l'ayatollah Hossein Ali Montazeri, alors héritier présomptif de l'ayatollah Khomeini, a lui-même dénoncé les comités de la mort lorsqu'il a déclaré : « A mon avis, c'est le plus grand crime commis dans la République islamique depuis la révolution de 1979 et l'histoire nous condamnera pour cela [...]. Vous serez condamnés comme des criminels dans les annales de l'histoire ».

Le président iranien Hassan Rouhani est vivement critiqué par les conservateurs pour la mauvaise exécution d'un programme de distribution de nourriture aux familles à faibles revenus dans la république islamique frappée par les sanctions (photo d'archive AFP).
Le président iranien Hassan Rouhani est vivement critiqué par les conservateurs pour la mauvaise exécution d'un programme de distribution de nourriture aux familles à faibles revenus dans la république islamique frappée par les sanctions (photo d'archive AFP).

À ce jour, l'Iran se classe juste derrière la Chine - un pays beaucoup plus étendu - pour ce qui est du nombre d'exécutions qu'il mène chaque année. Celles-ci sont menées au terme de simulacres de procès à huis clos, au cours desquels les accusés ne sont pas autorisés à consulter les preuves à charge ni à confronter leurs accusateurs, et un nombre disproportionné d'accusés sont issus des minorités ethniques et religieuses d'Iran. Près de la moitié des personnes exécutées sont des Kurdes iraniens, qui ne représentent cependant que la moitié de la population iranienne, voire moins.

Aujourd'hui président, Raïssi a occupé la fonction de chef du pouvoir judiciaire qui supervisait ce système ainsi que les exécutions massives de dissidents. Avant de devenir chef de la justice en 2019, il a rempli les fonctions de procureur général (de 2014 à 2016), de chef adjoint de la justice (de 2004 à 2014), ainsi que de procureur et de procureur adjoint de Téhéran dans les années 1980 et 1990.

En effet, il est le premier responsable iranien à accéder à la présidence tout en étant soumis aux sanctions américaines et européennes pour son implication antérieure dans des violations des droits de l'homme.

Le message adressé au peuple iranien semble donc tout à fait évident : vous devez rester sage et obéir aux règles, sinon gare à vous.

« Cela fait bien longtemps que Khamenei et l'establishment religieux ont délibérément choisi de bannir toute forme de concurrence politique. Les réformistes se sont noyés dans le sang à la suite de l'écrasement du mouvement vert iranien en 2009. Ainsi, bon nombre de ses dirigeants ont été incarcérés pendant de longues années et ses principaux partis politiques ont été bannis", confie M. Azizi à Arab News.

« L'aile centriste du régime, représentée par Rouhani, a elle aussi été écartée de la scène politique par la suite. Les conservateurs favorables à Khamenei détiennent désormais le pouvoir judiciaire, le parlement et la présidence. Ces deux derniers postes ont été acquis lorsque tous les principaux rivaux électoraux ont été écartés par le Conseil des gardiens ».

La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (IRGC). (Photo d'archive AF)
La direction modérée d'Hassan Rouhani a été, semble-t-il, mise sur la touche pour la politique étrangère belliciste du Corps des gardiens de la révolution iranienne (IRGC). (Photo d'archive AF)

La situation à laquelle nous assistons aujourd’hui est comparable à l'abolition en 1975 du système multipartite par le shah d'Iran, selon M. Azizi pour qui « la situation actuelle ressemble énormément à celle de la République islamique de 1975, comme le soulignent certains historiens. Le régime risque de regretter le jour où il est devenu une entité de plus en plus monolithique ».

Se tournant vers l'avenir, Barbara Slavin, de l'Atlantic Council, affirme qu'il convient aujourd'hui de voir si l'administration Raïssi sera à même d'améliorer la vie des Iraniens ordinaires, car « c'est ce qui déterminera son héritage », plutôt que de discuter de la légitimité de l'élection présidentielle.

« Les Iraniens pourront probablement aspirer à une économie légèrement améliorée à condition que  Téhéran se conforme à nouveau à l'accord sur le nucléaire de 2015 et que les sanctions sont à nouveau levées », dit-elle.

« Mais cela dépendra en grande partie de la compétence ou de la défaillance de l'équipe de Raïssi mais aussi de la volonté ou du manque de volonté des entreprises étrangères d'investir en Iran. Je prévois que la répression des opposants se poursuivra, voire s'accélérera ».

Aux yeux de Arash Azizi, l'élection de Raïssi n'entraînera aucun changement brusque dans la vie des Iraniens ni de changement radical dans les politiques. « Il se montrera prudent car son objectif principal est de se préparer pour la crise de succession qu'entraînera la mort de Khamenei un jour où il pourra être sur la liste des candidats au poste de guide suprême », déclare-t-il à Arab News.

« Fait intéressant, le chef de Cabinet de Rouhani, Mahmod Vaezi, a récemment spéculé que la vie des citoyens pourrait s'améliorer sous la présidence de Raïssi dans la mesure où des négociations, voire un accord, avec l'Occident seront engagées avant la prise de fonction de Raïssi, ce qui devrait alléger la pression qui pèse sur l'économie ».

Cela dit, quelles seront les conséquences de l'accession de M. Raïssi à la présidence sur les relations de l'Iran avec les autres pays ?

Si l'on compare avec Rouhani, plus affable et modéré, Raïssi semble moins enclin, capable ou désireux de mener une offensive de séduction à l'étranger. La diplomatie iranienne pourrait donc changer quelque peu de style, mais la substance de la politique iranienne ne sera probablement pas si différente de celle de l'administration précédente.

De toute manière, ce n'est pas Rouhani qui a pris les décisions les plus importantes en matière de politique étrangère de l'Iran. Il n'était, avec son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que de simples messagers.

« Ce n’est pas l'administration Rouhani qui a élaboré ou mis en œuvre la politique de l'Iran vis-à-vis du monde arabe. Ainsi, un nouveau président n'apportera pas de changement immédiat à cet égard », explique M. Azizi à Arab News. « Mais le CGRI accédera plus librement aux structures de l'État qu'il ne contrôlait pas jusqu'à présent et aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région ».

Avec un ultraconservateur à la présidence, le CGRI aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région de manière qui engendrerait des troubles, préviennent les critiques. (Photo du bureau de l'armée iranienne via AFP)
Avec un ultraconservateur à la présidence, le CGRI aura les coudées plus franches pour s’aventurer dans la région de manière qui engendrerait des troubles, préviennent les critiques. (Photo du bureau de l'armée iranienne via AFP)

La vision de Barbara Slavin sur les ambitions iraniennes sous la présidence de Raïssi est plus nuancée. « Je pense qu'il sera réticent à prendre des risques en matière d'affaires étrangères, en partie parce qu'il espère succéder à Khamenei », confie-t-elle à Arab News.

« À mon avis, il va se focaliser sur la stabilisation de l'économie et essayer d'alléger les tensions qui l'opposent à ses voisins. En revanche, il ne gère pas les relations avec les diverses milices. Ce volet continuera à être géré par la Force al-Qods ».

Fait révélateur, M. Raïssi a tenu par le passé des propos dénotant sa volonté d'accepter les sanctions internationales contre l'Iran. Il voit dans ces sanctions une occasion pour l'Iran de développer davantage une économie indépendante, une économie « de résistance ».

Pour les ultraconservateurs comme Raïssi, une intégration trop poussée dans l'économie mondiale risque d'entraîner une certaine perversion culturelle et politique en Iran. Par conséquent, Raïssi et son maître, Khamenei, accepteront aisément toute mesure pourvu que ce ne soit pas une invasion militaire américaine.

L'administration Biden, qui maintient un vif intérêt pour la reprise de l'accord nucléaire, peut donc éprouver des difficultés à négocier avec une personne peu préoccupée par les sanctions et un certain isolement.

Toutefois, M. Azizi estime que le régime cherchera à conclure un accord pour que Washington réintègre l'accord sur le nucléaire avant que Raïssi ne prenne ses fonctions en août. « M. Raïssi héritera donc de cet accord et le préservera », explique-t-il, même si certains membres du CGRI le pousseront à autoriser « des actions plus aventureuses dans la région » et à refuser les propositions de réconciliation et de pourparlers émanant des pays du Golfe.

« Dans quelle mesure Raïssi sera-t-il réceptif à ces pressions ? C'est une question qui attend des réponses », confie Arash Azizi à Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.

 

 


La Première ministre italienne rend visite au personnel de la Finul au Liban

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  • Najib Mikati et Giorgia Meloni ont échangé sur les efforts déployés pour réduire les tensions dans la région, alors que le bilan des victimes des frappes israéliennes continue d’augmenter
  • Les sirènes ont retenti à deux reprises au quartier général de la Finul à Naqoura durant la visite de la Première ministre italienne dans le sud

BEYROUTH: Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, réaffirme l'engagement du Liban à mettre pleinement en œuvre toutes les résolutions internationales, notamment la résolution 1701 du Conseil de sécurité des nations unies, adoptée en 2006 pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hezbollah cette même année.

Il souligne également la nécessité pour Israël de respecter pleinement ces résolutions et de cesser ses violations de la souveraineté du Liban.

M. Mikati a fait ces remarques lors de la réception de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, à Beyrouth.

Jeudi, Mme Meloni a rendu visite au contingent italien au quartier général de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul), dans le village de Chamaa, et elle a exprimé sa gratitude aux troupes pour leurs services.

Le contingent italien est l'une des plus importantes unités militaires de la Finul dans le sud du Liban.

La visite de Giorgia Meloni a duré vingt-quatre heures, pendant lesquelles les tensions se sont considérablement accrues dans le sud du Liban en raison des derniers développements militaires.

Les sirènes ont retenti à deux reprises au quartier général de la Finul à Naqoura alors que la Première ministre italienne était dans le sud.

Le maire de Chamaa, Abdel Kader Safieddine, a déclaré que la visite se limitait à «une réunion militaire interne avec le chef de l'unité italienne et le général de la brigade alpine de Taurinense».

Il a informé Arab News que «compte tenu de la situation actuelle, aucune réception n'a été organisée».

Les entretiens entre Mme Meloni et M. Mikati ont eu lieu mercredi soir. Selon un communiqué publié par son bureau, Najib Mikati «a réitéré l'engagement du Liban à la pleine mise en œuvre de toutes les résolutions internationales relatives à la région et au Liban, en particulier la résolution 1701 du Conseil de sécurité des nations unies».

M. Mikati a rappelé qu'Israël devait également s'engager à respecter pleinement les résolutions de l'ONU et à cesser ses attaques terrestres, maritimes et aériennes contre la souveraineté du Liban.

Les deux parties «ont exprimé leur satisfaction concernant la résolution 2728 du Conseil de sécurité des nations unies, qui appelle à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza pendant le mois sacré du ramadan, espérant qu'il se transformera en un cessez-le-feu durable».

L'arrivée de Giorgia Meloni à Beyrouth mercredi soir a coïncidé avec une escalade sanglante de la part d'Israël.

La Maison-Blanche a appelé Israël et le Liban à accorder une priorité absolue au rétablissement du calme, alors que le bilan des frappes aériennes israéliennes mercredi dans le sud du Liban s'élevait à seize morts, dont plusieurs militants et membres de groupes paramédicaux.

«Le rétablissement du calme le long de cette frontière reste une priorité absolue pour le président Biden et pour son administration et nous pensons qu'il doit également être d'une importance primordiale pour le Liban et Israël», a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, à Washington.

Le sous-secrétaire d'État adjoint américain, Ethan Goldrich, est arrivé à Beyrouth et il a rencontré le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, accompagné de l'ambassadrice Lisa Jones.

M. Goldrich a souligné «la nécessité de soutenir les initiatives diplomatiques visant à rétablir la stabilité dans le sud et dans la région».

M. Bou Habib a assuré à Joanna Wronecka, la Coordinatrice spéciale des nations unies pour le Liban, que «le Liban continuera à œuvrer pour la pleine mise en œuvre de la résolution 1701, car il s’agit du meilleur moyen pour parvenir à la stabilité souhaitée».

Cette résolution appelle notamment au retrait des forces israéliennes du Liban et au désarmement des groupes armés, y compris le Hezbollah.

Après le massacre d'Al-Habbaryeh le matin même, l'armée israélienne a perpétré deux autres massacres à Naqoura et à Tayr Harfa.

Le Hezbollah et le mouvement Amal ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes dans des déclarations publiées jeudi.

Plusieurs blessés, dont une femme, ont été transportés vers des hôpitaux de la ville de Tyr pour recevoir des soins, tandis que les cours étaient bondées de résidents et de donneurs de sang.

Le Hezbollah a riposté aux attaques israéliennes jeudi matin en prenant pour cible les colonies de Goren et de Shlomi avec des missiles et des tirs d'artillerie.

Le groupe a déclaré avoir visé le quartier général nouvellement établi du bataillon Liman avec des obus d'artillerie.

Dans le même temps, la Société de radiodiffusion publique israélienne a cité un responsable israélien affirmant que «l'armée israélienne entrera au Liban après l'achèvement de l'opération de Rafah».

De son côté, le chef du commandement nord israélien, Uri Gordin, a annoncé mercredi que «les forces israéliennes étaient prêtes à agir à la frontière libanaise».


Guerre au Soudan: l'arrêt d'un oléoduc menace d'ébranler le fragile Soudan du Sud

Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
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  • L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays
  • La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien

JUBA: L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays, l'un des plus pauvres au monde en proie à l'instabilité et aux violences politico-ethniques chroniques, estiment des experts.

La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien, annonçant qu'"une rupture majeure" avait été constatée dans l'oléoduc transportant du pétrole brut depuis le Soudan du Sud jusqu'à la ville soudanaise de Port-Soudan.

Cette "rupture", qui remonte à février, a eu lieu dans une "zone d'opérations militaires" du conflit qui oppose depuis le 15 avril 2023 l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane aux Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) du général Mohammed Hamdane Daglo, précise la lettre consultée par l'AFP.

"La résolution de ces problèmes est compliquée par les conditions de guerre actuelles" et "en tant que tel, le gouvernement du Soudan déclare un cas de force majeure qui nous empêche de remplir notre obligation de livrer du pétrole brut dans et via" l'oléoduc, concluait le ministre.

La "force majeure" consiste en une circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne touchée, qui l'empêche d'honorer un contrat.

Le gouvernement sud-soudanais est jusqu'à présent resté silencieux sur cet épisode, qui vient pourtant ébranler le fragile équilibre du pays.

Le secteur pétrolier contribue à 90% de ses revenus et représente quasiment l'intégralité de ses exportations, selon la Banque mondiale.

« Crise économique imminente »

Mardi, le député Boutros Magaya, chef de la sous-commission parlementaire sur le pétrole, a sonné l'alarme.

"Nous sommes confrontés à une crise économique imminente à la suite de la récente déclaration de force majeure et l'arrêt de l'oléoduc par le gouvernement soudanais", a-t-il alerté dans un communiqué, faisant état d'informations indiquant que "cette fermeture pourrait s'étendre sur une période d'un an".

"Avec la perte de la majorité de notre revenu national, nous sommes confrontés à la sombre perspective d'un désastre humanitaire, d'une instabilité politique et de troubles de la sécurité dans notre État déjà fragile", ajoute-t-il.

Selon M. Magaya, la perte pourrait s'élever à au moins 100 millions de dollars par mois (92 millions d'euros).

"Cela entraînera d'importantes pertes de revenus, une augmentation des prix du marché, des pénuries de carburant, des pannes d'électricité prolongées, des perturbations dans les transports et d'autres services essentiels vitaux pour le bien-être de nos citoyens", insiste-t-il.

Cela pourrait également mener à une dépréciation de la monnaie, la livre sud-soudanaise, souligne le directeur du département d'économie de l'Université de Juba, Akol Maduok: "La situation va s'aggraver dans les deux ou trois prochains mois parce que la banque centrale pourrait manquer de réserves de change et ne pas être en mesure d'approvisionner le marché en devises fortes".

Cet épisode est une nouvelle conséquence du conflit chez le voisin soudanais, qui a fait des milliers de morts et contraint huit millions de personnes à fuir depuis un an.

Plus de 500.000 d'entre eux ont trouvé refuge au Soudan du Sud, venant aggraver une situation humanitaire déjà dramatique.

Environ 9 millions de personnes ont besoin d'assistance dans le pays, selon l'agence humanitaire de l'ONU.

Elections menacées 

Plus largement, c'est la stabilité du pays qui est menacée, prévient Boboya James Edimond, directeur exécutif de l'Institut pour la politique et la recherche sociale (ISPR), centre de réflexion basé à Juba, la capitale sud-soudanaise.

"Le gouvernement n'a pas été en mesure de payer les salaires des fonctionnaires depuis près de neuf mois quand le pétrole circulait", souligne-t-il, évoquant un scénario alarmiste: "Si le pétrole ne circule pas, il y aura un effondrement du gouvernement qui pourrait amener les citoyens à manifester et les militaires (qui n'ont pas non plus été payés depuis des mois, ndlr) sont susceptibles de les rejoindre".

La manne pétrolière est aussi très largement détournée à des fins politiques et d'enrichissement dans ce pays classé parmi les plus touchés par la corruption par l'ONG Transparency International (177e sur 180).

Alors que le pays doit tenir en décembre des élections déjà repoussées à plusieurs reprises, l'absence de ressources pour les organiser rend "très probable" l'hypothèse d'un nouveau report, estime Andrew Smith, analyste pour l'Afrique au cabinet de conseil en évaluation des risques Verisk Maplecroft.

"Tous les fonds qu'il (le gouvernement) recevra pour combler le déficit des revenus pétroliers seront désormais probablement destinés à apaiser l'élite politique, et non aux préparatifs électoraux qui manquaient déjà de ressources", estime-t-il.


Turquie: la reconquête d'Istanbul, obsession d'Erdogan

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
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  • En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville
  • "Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaréM. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars

ISTANBUL: Reconquérir Istanbul, "le joyau de la nation" qui l'a fait roi, obsède le président turc Recep Tayyip Erdogan qui en fut le maire dans les années 1990 et assigne trente ans plus tard à son parti la mission de l'arracher dimanche à l'opposition.

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994.

"Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaré M. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars.

Au soir de sa réélection à la tête de la Turquie en mai dernier, le "Reis" ("Chef"), surnom qui remonte à ses années de maire d'Istanbul (1994-1998), avait dès son discours de victoire lancé la campagne des municipales.

"Sommes-nous prêts à remporter Istanbul ?", avait-il demandé à une foule enthousiaste, juché sur un bus devant sa résidence sur la rive asiatique de la ville.

A deux jours du scrutin, la reconquête d'Istanbul par son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) apparaît comme l'enjeu ultradominant de ces municipales.

Le sondeur Erman Bakirci, de l'institut Konda, résume en un dicton l'importance de la ville, sise de part et d'autre du Bosphore, et qui représente à elle seule 30% du PIB du pays: "L'hiver n'arrive en Turquie que lorsqu'il neige à Istanbul", dit-il, rappelant la formule du président Erdogan selon laquelle "qui remporte Istanbul remporte la Turquie".

"Lorsque vous gouvernez Istanbul, vous servez et touchez près de seize millions de personnes, dont onze millions d'électeurs", développe-t-il. "Cela vous offre une opportunité politique énorme."