Turquie: des villageois défient Erdogan pour protéger la forêt

Güngör Bas, un parent de Pervin, dit ressentir de la douleur en voyant le lieu où il est né et a grandi être défiguré. (Photo, AFP)
Güngör Bas, un parent de Pervin, dit ressentir de la douleur en voyant le lieu où il est né et a grandi être défiguré. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 24 juin 2021

Turquie: des villageois défient Erdogan pour protéger la forêt

  • Défiant les autorités, des habitants du village s'opposent depuis près de deux mois à ce projet, craignant une catastrophe environnementale et la destruction de leur mode de vie
  • Après des affrontements avec la police, le gouvernorat de Rize a interdit toute manifestation en mai et juin

IKIZDERE: Une forêt luxuriante et des champs de thé verdoyants s'étendent à perte de vue dans cette vallée située non loin du berceau familial du président Recep Tayyip Erdogan, dans le nord-est de la Turquie.

Mais ce coin de paradis coincé entre la mer Noire et les montagnes de la chaîne pontique est menacé par une carrière qui a commencé à être creusée et dont les pierres doivent servir à construire un port logistique. 

Défiant les autorités, des habitants du village de Gürdere, dans la province de Rize, fief électoral et familial du président turc, s'opposent depuis près de deux mois à ce projet, craignant une catastrophe environnementale et la destruction de leur mode de vie.

"Ils disent qu'il y a de la pierre là-dessous. Mais au-dessus, il y a de la vie, de la vie qui a bien plus de valeur", déclare à l'AFP Asuman Fazlioglu, un villageois âgé de 60 ans.

Cette affaire illustre les tensions entre une sensibilité de plus en plus aiguë en Turquie sur les questions environnementales et la course effrénée au développement sous la houlette de M. Erdogan qui met souvent en avant les aéroports, routes et autres ponts bâtis depuis son arrivée au pouvoir en 2003.

M. Erdogan soutient que ces infrastructures sont nécessaires pour faire entrer la Turquie dans le club des pays les plus développés.

Mais ses détracteurs l'accusent de multiplier les projets inutiles et coûteux pour enrichir des entreprises proches du pouvoir -- dans ce cas, le conglomérat Cengiz Holding --, quitte à raser des forêts.

Bâtons et cannes

Les habitants de cette région humide vivent de la production de thé et de miel. Les ours se promènent en liberté et dans les vallées résonne le fracas des cascades.

Jaloux de leur mode de vie, des habitants du village de Gürdere ont manifesté fin avril pour arrêter l'exploitation de la carrière.

Les autorités ont immédiatement dépêché des compagnies de policiers antiémeute pour réprimer ces primo-manifestants qui comptent dans leurs rangs force femmes voilées munies de bâtons de marche et vieillards voûtés sur leur canne.

Après des affrontements avec la police, le gouvernorat de Rize a interdit toute manifestation en mai et juin.

Le gouvernement affirme que la majorité des habitants de la région soutient l'exploitation de la carrière, mettant les manifestations sur le compte de "groupes marginaux".

Mais la plupart des habitants interrogés y sont farouchement opposés.

"Nous avons du miel, du thé, nous nourrissons nos animaux grâce à la forêt", explique Pervin Bas, une villageoise de 50 ans qui fait partie de plusieurs manifestants brièvement détenus en avril.

Güngör Bas, un parent de Pervin, dit ressentir de la douleur en voyant le lieu où il est né et a grandi être défiguré.

"Nos maisons sont maintenant recouvertes de poussière", se lamente-t-il.

«Vert du dollar»

Malgré deux actions en justice en cours pour mettre un coup d'arrêt à l'exploitation de la carrière, celle-ci se poursuit.

"Ce gouvernement (...) préfère le vert du dollar au vert des arbres", tacle Ali Oztunç, vice-président du principal parti d'opposition CHP en charge des questions environnementales. 

La construction de l'aéroport de Rize, qui doit ouvrir d'ici la fin de l'année, a servi de mise en garde pour les habitants de Gürdere.

Celle-ci a en effet été permise par l'exploitation d'une autre carrière non loin de là, qui a ouvert une plaie béante dans la vallée. 

Le va-et-vient des camions-bennes est incessant et les habitants des villages alentours se plaignent des fréquentes explosions de dynamite.

"Avant, ici, c'était un endroit tout vert. Des animaux vivaient ici, des oiseaux (...), des cerfs, des ours. Ils sont tous partis", soupire Mahir Karaca, un villageois âgé de 42 ans.

Pour les défenseurs de l'environnement, ces exemples illustrent le peu de cas fait par le gouvernement des forêts, ce qui risque d'avoir des conséquences à long terme.

Dans un communiqué transmis à l'AFP, Cengiz Holding s'engage à replanter des arbres après l'exploitation de la carrière près de Gürdere, pour "restaurer la nature".

"C'est une arnaque", balaie cependant Ahmet Dursun Kahraman, président de la Chambre des ingénieurs en environnement. "Ils vont prendre les pierres, où vont-ils planter les arbres ?", demande-t-il.

Selon lui, l'exploitation de la carrière va avoir un impact sur plusieurs générations. "C'est de cette manière qu'il faut envisager ce genre de projets", dit-il. "Qu'allons-nous laisser derrière nous ?"


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.


Soudan: des dizaines de milliers de personnes fuient le conflit qui s'étend à l'est du Darfour 

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
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  • Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusien
  • Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023

PORT-SOUDAN: Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusienne.

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait.

Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023.

Des habitants ont rapporté lundi à l'AFP que des villes entières étaient devenues des cibles militaires, alors que l'armée et les FSR s'affrontent pour le contrôle d'El-Obeid, capitale de l'Etat du Kordofan-Nord, important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum, qui abrite également un aéroport.

"Aujourd'hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara", a affirmé un membre des FSR dans une vidéo diffusée dimanche soir par les paramilitaires, en citant une localité située au nord d'El-Obeid. Les FSR avaient revendiqué la prise de Bara la semaine précédente.

Souleiman Babiker, habitant d'Oum Smeima, à l'ouest d'El-Obeid, a déclaré à l'AFP qu'après la prise d'El-Facher par les paramilitaires, "le nombre de véhicules des FSR a augmenté".

"Nous avons cessé d'aller dans nos champs, de peur des affrontements", a-t-il ajouté.

Un autre habitant, ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a également fait état d'"une forte augmentation des véhicules et du matériel militaire à l'ouest et au sud d'El-Obeid" au cours des deux dernières semaines.

Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l'ONU pour l'Afrique, a alerté la semaine dernière sur de "vastes atrocités" et des "représailles à motivation ethnique" commises par les FSR à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les combattants paramilitaires sont accusés de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements visant les communautés non arabes après la chute d'El-Facher.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.


Israël dit avoir identifié les corps rendus dimanche par le Hamas comme ceux de trois otages

"Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza", indique un communiqué de l'armée israélienne. (AFP)
"Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza", indique un communiqué de l'armée israélienne. (AFP)
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  • "Selon les informations fournies par la Croix-Rouge, trois cercueils de personnes décédées prises en otage ont été transférés sous leur garde et sont en route vers les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza"
  • L'armée israélienne a annoncé dimanche que le Hamas avait remis à la Croix-Rouge dans la bande de Gaza des cercueils contenant les corps de trois otages

JERUSALEM: Les autorités israéliennes ont annoncé lundi avoir identifié les dépouilles rendues par le Hamas la veille comme étant celles de trois soldats enlevés le 7 octobre 2023, ce qui porte à 20 le nombre d'otages morts rendus par le mouvement islamiste sur un total de 28 qu'il doit remettre.

"Après l’achèvement du processus d’identification par l’Institut national de médecine légale, en coopération avec la police israélienne et le rabbinat militaire", l'armée a "informé les familles des otages tombés au combat (...) que leurs proches ont été rapatriés en Israël et identifiés", a indiqué le bureau du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, dans un communiqué.

Les défunts ont été identifiés comme le capitaine américano-israélien Omer Neutra, 21 ans lors de son enlèvement, le caporal Oz Daniel, 19 ans, et le colonel Assaf Hamami, 40 ans, l'officier le plus gradé tombé aux mains du Hamas.

Selon le Forum des familles d'otages, les trois ont été tués dans des combats lors de l'attaque du Hamas sur le sol israélien du 7-Octobre qui a déclenché la guerre à Gaza,  et leurs corps ensuite enlevés dans le territoire palestinien.

Israël avait annoncé dimanche soir avoir reçu les dépouilles de trois otages remises par la Croix-Rouge, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Malgré plusieurs moments de tension, une trêve fragile tient à Gaza depuis le 10 octobre, dans le cadre d'un accord négocié par les Etats-Unis, prévoyant le retour de tous les otages enlevés en Israël, vivants ou morts.

En application de l'accord de cessez-le-feu, le Hamas a libéré les derniers 20 otages vivants détenus à Gaza en échange de la libération de près de 2.000 prisonniers palestiniens, et doit encore restituer huit otages décédés.

Israël a à plusieurs reprises accusé le Hamas de ralentir le processus de restitution des corps, tandis que l'organisation islamiste affirme que la lenteur s'explique par le fait que de nombreuses dépouilles sont enfouies sous les décombres de Gaza.