Des politiques israéliennes plus répugnantes que l’eau de moufette utilisée contre les manifestants

La police israélienne asperge d’eau de moufette les manifestants palestiniens dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, le 5 mai 2021. (Reuters)
La police israélienne asperge d’eau de moufette les manifestants palestiniens dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, le 5 mai 2021. (Reuters)
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Publié le Vendredi 25 juin 2021

Des politiques israéliennes plus répugnantes que l’eau de moufette utilisée contre les manifestants

Des politiques israéliennes plus répugnantes que l’eau de moufette utilisée contre les manifestants
  • La skunk ou «eau de moufette» a été utilisée pour la première fois par l'armée israélienne en 2008 afin de cibler des manifestants palestiniens
  • Les autorités israéliennes ont besoin de cette eau malodorante parce que le public a trouvé un moyen pour contourner la manipulation et la censure des médias

La semaine dernière, j'ai regardé de nombreuses vidéos de soldats israéliens en train de pulvériser de l'eau malodorante pour disperser des manifestants palestiniens à la porte de Damas, à Jérusalem. Je n'ai rien lu à ce sujet dans les médias grand public, qui sont censurés par le gouvernement israélien. Je l'ai vu sur les réseaux sociaux.

La skunk ou «eau de moufette» a été inventée par la société israélienne Odortec. Elle a été utilisée pour la première fois par l'armée israélienne en 2008 afin de cibler des manifestants palestiniens. Les Israéliens en ont fait une grosse affaire, affirmant qu'elle est fabriquée à partir d'«ingrédients de qualité “alimentaire” et “écologique”». Sans surprise, ils n'ont rien dit sur la façon dont leur eau de moufette peut constituer une violation des droits humains. Je l'appelle «eau anti-droits de l'homme», parce qu'elle est utilisée pour supprimer la liberté d'expression et les manifestations non violentes.

Je pense qu'elle a un double objectif. En plus de disperser les foules, elle vise également à dédouaner Israël aux yeux de l'Occident, en particulier de l'Amérique, où des milliards de dollars provenant des contribuables sont utilisés pour soutenir les politiques racistes du gouvernement israélien. C'est ce qu'on appelle la manipulation de la perception. Lorsqu'elle est combinée avec la censure des médias (en Israël, chaque journaliste doit soumettre ses articles au censeur militaire pour approbation) et avec l'utilisation de mots incendiaires qui diabolisent les Palestiniens, Israël prend le visage de la partie innocente du conflit.

Les autorités israéliennes ont besoin de cette eau malodorante parce que le public a trouvé un moyen pour contourner la manipulation et la censure des médias. Grâce aux médias sociaux, le public sait qu’Israël utilise des outils pour supprimer de liberté d'expression qui sont plus dangereux, tels que des balles en caoutchouc, des gaz nocifs et des balles réelles.

L’autre avantage de l'eau de moufette est qu'elle peut détruire l'équipement photographique, rapportent les Palestiniens. En le détruisant, vous réduisez le nombre de vidéos et de photographies qui témoignent de l’attitude du gouvernement israélien.

L'eau de moufette n'est pas seulement utilisée contre les manifestants dans les territoires occupés. Elle l’est également contre les citoyens palestiniens d'Israël, comme lors d'une manifestation à Lod, le mois dernier, lorsque des soldats et des colons israéliens ont également tiré sur les manifestants, tuant au moins un Palestinien et en blessant plusieurs autres.

Pour contrer l’impact de ces victimes palestiniennes sur l’opinion, les médias israéliens enrobent la vérité dans un langage préjudiciable, comme le montre le titre utilisé par le Times of Israel après la manifestation de Lod: «Arabe israélien tué au milieu des violentes émeutes de la foule arabe à Lod; suspect juif détenu.» Remarquez la manière astucieuse dont le meurtre d'un Palestinien non armé par des militants juifs a été déguisé par des expressions comme «émeutes violentes» et «foule arabe». Au moment où vous arrivez à «suspect juif», les victimes ont été dépeintes comme les délinquants. Le fait qu'aucun Israélien n'ait été blessé soulève une interrogation sur l'utilisation d'expressions préjudiciables comme «émeutes violentes».

Dans un autre article, les manifestations propalestiniennes ont été comparées à la Nuit de cristal de 1938, lorsque les forces nazies ont brisé les vitrines de magasins, de bâtiments et de synagogues appartenant à des Juifs dans toute l'Allemagne.

Lorsque vous examinez vraiment le sens de l'utilisation de l'eau de moufette, vous vous rendez compte que le conflit concerne autant les mots et les méthodes qu'Israël utilise que les violations des droits de l'homme. Les faits sont perdus dans cette guerre de méthodes et de mots. Les médias censurés ne rapportent pas que les manifestants palestiniens protestent contre la politique d'Israël, qui consiste à expulser les non-Juifs de leurs maisons de Cheikh Jarrah et à les remplacer par des colons juifs.

Heureusement pour les Israéliens, les Palestiniens sont accablés par l'image du Hamas, le mouvement religieux extrémiste qui a utilisé les attentats suicides pour bloquer la mise en œuvre des accords d'Oslo dans les années 1990.

 

Les autorités israéliennes ont besoin d'eau de moufette parce que le public a trouvé un moyen de contourner leur censure.

Ray Hanania

Les médias n’ont prêté aucune attention particulière au conflit de Cheikh Jarrah avant que le Hamas s’en mêle, tirant des «roquettes» non guidées sur des cibles israéliennes qui, en réalité, ressemblaient plus à des feux d’artifice qu’à des «menaces de mort». Une «menace de mort» serait l’expression qui conviendrait, en revanche, aux tirs de missiles sophistiqués déployés par les Israéliens sur des cibles palestiniennes dans la bande de Gaza. Seul un très petit nombre d'Israéliens a été tué lors du conflit du mois dernier, mais les médias abondaient de reportages sur la façon dont les Israéliens ont dû courir avec leurs enfants vers des abris antibombes pour éviter les roquettes du Hamas. Ces dernières, en réalité, ont fait très peu de dégâts. En comparaison, des centaines de Palestiniens ont été tués et de très hauts immeubles de Gaza se sont effondrés lorsqu'ils ont été touchés par des missiles israéliens.

Tout cela est pire encore que l'eau de moufette qu'Israël utilise contre les manifestants palestiniens; pire, même, que la question des maisons palestiniennes à Silwan, à Cheikh Jarrah et dans d'autres régions où Israël essaie d'augmenter la population juive. L'eau de moufette est une tactique, un déguisement. Elle attire davantage l'attention que les balles des tireurs d'élite.

Je me demande ce que les Américains feraient si la police commençait à utiliser de l'eau de moufette de fabrication israélienne pour répondre aux manifestations qui se tiennent à Chicago, à New York, à Los Angeles ou à Detroit. Ce ne serait certainement pas toléré.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l'adresse suivante: www.Hanania.com. Twitter : @RayHanania

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