Bras de fer pour contrôler les fonds d’aide à la reconstruction de Gaza

Le matériel de construction envoyé par l’Égypte arrive dans le sud de la bande de Gaza, le 4 juin 2021. (Reuters)
Le matériel de construction envoyé par l’Égypte arrive dans le sud de la bande de Gaza, le 4 juin 2021. (Reuters)
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Publié le Vendredi 09 juillet 2021

Bras de fer pour contrôler les fonds d’aide à la reconstruction de Gaza

Bras de fer pour contrôler les fonds d’aide à la reconstruction de Gaza
  • Les cordons de la bourse risquent de se délier si jamais le Hamas accepte un échange de prisonniers et veille à éviter d’autres incidents sécuritaires
  • Le Hamas veut être considéré comme un mouvement légitime et non comme une organisation terroriste

Les efforts de reconstruction de Gaza qui ont suivi la violente offensive aérienne, terrestre et maritime menée par l’armée israélienne pendant onze jours se heurtent à un obstacle. La plus grande difficulté semble être de déterminer qui contrôle les sommes d’argent considérables destinées à la reconstruction.

Cette situation semble être provoquée par l’attitude du Hamas à Gaza. Les attaques, qui ont éclaté à la suite du refus d'Israël d'assouplir sa politique à l'égard de la mosquée Al-Aqsa et de Cheikh Jarrah, ont engendré un problème de financement pour le Hamas. Les discussions liées à l’argent – notamment sur la question de déterminer s'il faut payer les fonctionnaires de Gaza ou poursuivre la reconstruction – semblent en très grande partie dirigées contre l’Organisation des nations unies (ONU) et ses différentes agences à Gaza. Le gouvernement de Ramallah aimerait certes disposer de cet argent mais cela semble impossible. Les dirigeants de Ramallah pourraient au mieux être autorisés à participer aux négociations.

Les cordons de la bourse risquent de se délier si jamais le Hamas accepte un échange de prisonniers et veille à éviter d’autres incidents sécuritaires. Sur le premier point, les longues négociations semblent loin d’aboutir en raison du gouffre qui sépare le nombre de prisonniers exigé par le Hamas d’une part, et les détenus et corps israéliens qu’il détient de l’autre. Le nouveau gouvernement israélien dirigé par Naftali Bennett et Yaïr Lapid ne semble nullement pressé de faire des concessions, alors que le chef de l’opposition, Benjamin Netanyahou, l’accuse d’être un gouvernement de gauche.

Les efforts des négociateurs de l’ONU, dirigés par le coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, sont entravés par le sentiment de victoire ressenti par le Hamas au terme d’un conflit de onze jours avec Israël. Basé à Gaza, le mouvement a réussi à paralyser les entreprises et aéroports israéliens, tout en poussant plus de la moitié de la population à trouver refuge dans des abris. S’il est vrai qu’Israël a essuyé peu de pertes humaines par rapport aux Gazaouis, il n’en demeure pas moins que la donne a changé car le Hamas n’a pas été écrasé et peut donc revenir à la charge afin de perturber la vie des Israéliens.

Des acteurs extérieurs tentent également d'aider le processus. Les Égyptiens, qui ont supervisé le cessez-le-feu actuel, pensent pouvoir provoquer des changements au sein de la direction du Hamas mais non sans qu’Israël modifie ses positions. Le Hamas est clairement disposé à jouer le jeu mais il veut que l’Égypte et Israël l’aident à redorer son blason aux yeux de la communauté internationale. Le Hamas veut être considéré comme un mouvement légitime et non comme une organisation terroriste. Il veut surtout être autorisé à faire partie intégrante du nouveau gouvernement de Ramallah.

Le quatuor international pour la paix au Moyen-Orient ne semble pas toutefois disposé à assouplir ses trois conditions pour la participation du Hamas en tant que partenaire légitime. Les trois conditions – reconnaître l’existence d’Israël, renoncer au terrorisme et accepter les accords de paix signés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) – sont difficiles à accepter pour le Hamas, notamment en raison de son fort sentiment de victoire à la suite du dernier conflit.
 

Les efforts des négociateurs de l’ONU, dirigés par le coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, sont entravés par le sentiment de victoire ressenti par le Hamas au terme d’un conflit de onze jours avec Israël.

Daoud Kuttab

Ce quatuor, composé des États-Unis, de l’ONU, de l’Union européenne (UE) et de la Russie, a été incité à inclure d’autres membres tels que l’Égypte, la Jordanie et potentiellement, le Royaume-Uni (qui ne fait plus partie de l’UE), mais a jusque-là résisté aux pressions exercées. Une éventuelle réunion du quatuor à New York a été évoquée au sein du ministère des Affaires étrangères, mais aucune décision n’a été prise. Une fois le cadre de consolidation du cessez-le-feu établi et les mécanismes de reconstruction de Gaza définis, le quatuor pourra se réunir afin d’approuver le projet et lui donner l’impulsion nécessaire.

La balle semble être pour l’instant dans le camp du Hamas, même si des pays comme Israël ont un rôle important à jouer afin de faire avancer le dossier. Il s'agira non seulement de renforcer le cessez-le-feu et d'entamer le processus de reconstruction, mais aussi de prendre des mesures concrètes en vue de la reprise des pourparlers directs entre Palestiniens et Israéliens. Cela semble inconcevable pour le moment, bien que nécessaire afin que les parties concernées puissent atteindre les résultats positifs escomptés.

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien plusieurs fois primé. Il a été professeur de journalisme Ferris à l’université de Princeton. Twitter: @daoudkuttab

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com