Maroc: cinq ans de prison pour le journaliste Raissouni, RSF proteste

Raissouni a été condamné à cinq ans de prison, une peine assortie d'un dédommagement au plaignant de 100 000 dirhams (Photo, AFP).
Raissouni a été condamné à cinq ans de prison, une peine assortie d'un dédommagement au plaignant de 100 000 dirhams (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 10 juillet 2021

Maroc: cinq ans de prison pour le journaliste Raissouni, RSF proteste

  • Depuis mai 2020, Raissouni, rédacteur en chef du quotidien privé Akhbar Al Yaoum, est en détention provisoire à la suite d'une plainte pour «agression sexuelle»
  • Ses soutiens et ses proches dénoncent un «procès politique» et qualifient de «critique» l'état de santé du journaliste de 49 ans

CASABLANCA: Reporters sans frontières (RSF) et le comité de soutien du journaliste marocain Soulaimane Raissouni ont dénoncé samedi sa condamnation la veille à cinq ans de prison pour « agression sexuelle », et réclamé sa libération dans l'attente d'un procès en appel « équitable ».

Depuis mai 2020, Raissouni, rédacteur en chef du quotidien privé Akhbar Al Yaoum, est en détention provisoire à la suite d'une plainte pour « agression sexuelle », des faits qu’il conteste.

Ses soutiens et ses proches dénoncent un « procès politique » et qualifient de « critique » l'état de santé du journaliste de 49 ans, qui a entamé une grève de la faim il y a 93 jours pour protester contre une « grande injustice ». 

« La justice a triomphé. Toutes les sales manœuvres de politiser l'affaire seront vaines », a réagi pour sa part le plaignant sur Facebook, précisant qu'il comptait « faire don du montant des dédommagements à une association caritative ». 

La dernière fois que Soulaimane Raissouni est apparu devant la cour, le 10 juin, il marchait en titubant, son corps amaigri et la peau sur les os. 

Au Maroc comme à l'étranger, des défenseurs des droits humains, des intellectuels ou des responsables politiques réclament sa libération provisoire. 

« Verdict injuste »

« Nous demandons instamment que Raissouni soit libéré dans l'attente d'un procès en appel. Après une grève de la fin aussi longue, il y va de sa survie. Il mérite un procès équitable », a plaidé samedi RSF dans un communiqué.

« Cette décision survient à l'issue d'un procès entaché d'irrégularités manifestes », est-il précisé.

Le comité de soutien du journaliste, composé de militants appartenant à diverses associations locales de défense des droits humains, a « condamné fermement (un) verdict injuste (…) aussi sévère qu’incompréhensible ».

Dans son communiqué, il dénonce le fait que le tribunal « n'a présenté devant la défense aucune preuve et n'a entendu aucun témoin ». 

La police a empêché un sit-in que tentaient d'organiser samedi à Rabat une vingtaine de membres du comité pour protester contre la condamnation de Raissouni et réclamer sa libération.

Face aux critiques, les autorités marocaines mettent en avant l'indépendance de la justice et la conformité des procédures.

Quant à sa grève de la faim, l'administration pénitentiaire (DGAPR) a soutenu que le journaliste en usait pour pousser le tribunal à le remettre en liberté.

Vendredi, le juge avait ordonné de faire venir le journaliste, absent de son procès depuis la mi-juin, afin qu'il entende sa condamnation, mais le prévenu a « refusé », d'après un procès-verbal lu au cours de l’audience à la cour d'appel de Casablanca.

Il a été condamné à cinq ans de prison, une peine assortie d'un dédommagement au plaignant de 100 000 dirhams (environ 9 500 euros), selon une journaliste qui assistait à l'audience.

A peine la sanction prononcée, des voix de protestation ont rompu le silence dans la salle et avant même la levée de l’audience, ses proches et avocats, dépités, sont partis.

« C'est une boucherie judiciaire, comment peut-on condamner un accusé en son absence ? C’est du jamais vu ! Le verdict est à l’image de ce procès », a déclaré Me Miloud Kandil, un des avocats de Raissouni.

« Même méthodes »

La défense ne plaidait plus depuis mardi pour protester contre le refus du juge d'hospitaliser puis de faire venir Raissouni devant la cour en fauteuil roulant.

Le journaliste s'était dit prêt à assister au procès, à condition « d'être transporté en ambulance et d'avoir un fauteuil roulant ». 

Soulaimane Raissouni avait été arrêté en mai 2020 après une publication Facebook du plaignant --qui utilise un pseudo-- l'accusant de l'avoir « agressé sexuellement ». 

Après l'arrestation du journaliste, une pétition de soutien signée par une centaine de défenseurs des droits humains, personnalités politiques et intellectuels avaient dénoncé le « ciblage des journalistes et des défenseurs des droits humains critiques à l'égard des autorités, avec les mêmes méthodes basées sur des accusations sexuelles ».

Raissouni signait régulièrement des éditoriaux critiquant les autorités dans son journal Akhbar Al Yaoum qui a cessé de paraître en mars dernier.

En 2019, sa nièce Hajar Raissouni, reporter au même journal, avait été condamnée à un an de prison pour « avortement illégal » et « relations sexuelles hors mariage » avant d'être graciée par le roi Mohammed VI.

Et le fondateur de ce quotidien Taoufik Bouachrine avait été condamné à 12 ans de prison en 2018, une peine alourdie à 15 ans en appel, pour des violences sexuelles qu'il a toujours niées.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.