LONDRES: Les principales sociétés énergétiques internationales résistent à la tentation de se précipiter, et de faire des dépenses, à la suite des retombées inattendues provenant de la hausse des prix du pétrole et du gaz naturel. Elles se concentrent sur les défis de la transition énergétique à plus long terme, ont déclaré des dirigeants et des analystes.
Les prix de référence du pétrole brut ont plus que doublé au cours du deuxième trimestre 2021 par rapport à l'année précédente. Ces dernières semaines, les prix ont encore augmenté pour culminer à près de 78 dollars (65,7 euros) le baril, leur plus haut niveau en près de trois ans, l'Opep et d'autres grands producteurs n'ayant pas réussi à conclure un accord pour accroître leur production.
Cette hausse des prix, cumulée à la hausse des prix mondiaux du gaz naturel en raison de problèmes d'approvisionnement, renflouera les caisses des compagnies pétrolières après que des entreprises comme Exxon Mobil, Royal Dutch Shell et BP ont fortement réduit leurs coûts l’année dernière, à la suite de la pandémie du coronavirus.
«Les flux de trésorerie des grandes compagnies semblent très solides, elles tournent certainement à plein régime au niveau du pétrole et du gaz naturel», affirme l'analyste de Redburn Stuart Joyner, ajoutant que les affaires pourraient encore s'améliorer une fois que la demande de produits raffinés se sera complètement rétablie.
Les entreprises devraient fournir au cours des prochaines semaines de nouvelles informations sur leurs plans de dépenses dans leurs rapports semestriels, mais il est peu probable qu'elles changent de cap, alors que les investisseurs restent focalisés sur une obtention de rendements plus élevés du secteur après une décennie décevante.
Les dirigeants des principales sociétés énergétiques ont déclaré le mois dernier qu’un prix de 100 dollars (environ 84,3 euros) le baril serait à nouveau réaliste dans les années à venir. Ils ont ajouté que les prix seraient volatils, ce qui signifie qu'ils sont peu enclins, du moins pour l'instant, à engager des milliards dans des projets qui pourraient prendre une décennie ou plus pour offrir un retour sur investissement.
Le climat haussier est également atténué par une énorme incertitude quant à la demande énergétique à court terme, en raison de la résurgence de la Covid-19 dans certaines parties du monde, et à plus long terme avec le passage à des carburants à faible teneur en carbone, dans le but de lutter contre le changement climatique.
«Les compagnies pétrolières internationales sont toujours en train de consolider leurs bilans», a déclaré à Reuters Brian Gilvary, PDG d’INEOS Energy, la division pétrole et gaz d'INEOS, et ancien directeur financier de BP.
Shell a déclaré la semaine dernière qu'elle augmenterait les rendements pour les actionnaires plus tôt que prévu grâce à des revenus plus élevés, tout en maintenant ses dépenses annuelles d'investissement à un plafond de 22 milliards de dollars (environ 18,55 milliards d’euros).
Pour des entreprises telles que BP et Shell, ainsi que pour les compagnies française TotalEnergies et espagnole Repsol, la crise du coronavirus a déjà accéléré la mise en place de nouvelles stratégies visant à réduire les émissions de carbone, et à développer des activités liées aux énergies renouvelables.
Ainsi, contrairement aux cycles précédents où la hausse des prix du pétrole a délié les cordons de la bourse, les dirigeants resteront probablement fidèles à leur discipline budgétaire, et se concentreront sur leurs stratégies de transition énergétique.
«La hausse des prix du pétrole nous permet de valoriser davantage nos activités existantes, ce qui à son tour générera plus de ressources pour nos dépenses de transformation, conformément à notre feuille de route pour la transition énergétique», a précisé à Reuters le directeur général de Repsol, Josu Jon Imaz, dans un communiqué.
BP s'en tiendra à son plan de réduction de la production de pétrole de 40 %, soit environ 1 million de barils par jour, d'ici à 2030, notamment par la vente d'actifs pétroliers et gaziers, a déclaré le PDG Bernard Looney lors de la conférence Reuters Energy Transition le mois dernier.
«Les prix élevés du pétrole sont très positifs pour notre stratégie», a soutenu Looney. «Ces actifs que nous vendons le seront dans un contexte de prix potentiellement beaucoup plus élevés, et généreront donc davantage de bénéfices.»
La remontée des prix des matières premières à la fin des années 2000 a poussé les prix du pétrole à des sommets records, au-dessus de 140 dollars (environ 118 euros) le baril, et a déclenché une vague d'investissements, notamment dans d'énormes champs pétrolifères complexes en eau profonde, des usines de liquéfaction de gaz géantes, et un boom de forage du schiste américain qui a bouleversé les approvisionnements en pétrole.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com