Le Liban, un enjeu stratégique vital pour la France au Moyen-Orient

Le Président français Emmanuel Macron sur le porte-hélicoptères Tonnerre lors de sa seconde visite à Beyrouth après l’explosion au port (Photo, Stephane LEMOUTON/POOL/AFP).
Le Président français Emmanuel Macron sur le porte-hélicoptères Tonnerre lors de sa seconde visite à Beyrouth après l’explosion au port (Photo, Stephane LEMOUTON/POOL/AFP).
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Publié le Jeudi 03 septembre 2020

Le Liban, un enjeu stratégique vital pour la France au Moyen-Orient

Le Liban, un enjeu stratégique vital pour la France au Moyen-Orient
  • L’ambition de la France de Macron est de revenir en force dans deux pays devenus la chasse gardée de l’Iran pour tenter par le dialogue et l’influence de les sortir de la sphère de la puissance iranienne
  • Macron a quitté le Liban en redonnant un peu d’espoir aux Libanais, qui restent néanmoins très sceptiques

Quelques semaines après la visite de Macron au Liban, deux jours après l’explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août, le président Emmanuel Macron ne cesse de mettre la pression sur le pouvoir libanais pour que soit formé un gouvernement de « mission » à même de réaliser les réformes demandées par la communauté internationale.

Macron a fixé à la classe politique un calendrier, d’abord quinze jours pour former un gouvernement capable de faire ces réformes. « Toutes les formations politiques se sont engagées devant moi », a t-il déclaré dans sa conférence de presse. Il a invité les plus hauts responsables libanais à venir à Paris en octobre, afin de s’assurer qu‘ils ont bien compris qu’il est enfin temps pour eux de travailler pour sauver le Liban.

Macron a quitté le Liban en redonnant un peu d’espoir aux Libanais, qui restent néanmoins très sceptiques. Il veut réussir au Liban et en Irak où il s’est rendu après le Liban. Au-delà de la relation historique qui existe entre le Liban et la France et des rapports très forts entre les chrétiens libanais et la France, le volontarisme du président s’explique par des considérations stratégiques. La France a été exclue du grand échiquier méditerranéen, évincée du dossier syrien, marginalisée par les accords d’Ankara avec Moscou, également en Lybie, et pour maintenir sa place dans la région, l’agenda libanais lui est fondamental.

Selon un diplomate connaisseur de la diplomatie française, le Liban était déjà un objectif pour Jacques Chirac, mais pour Macron, c’est plus qu’un objectif, mais aussi un vecteur, car s’il lâche le Liban, la France disparaîtra de la région. Pour la France, le changement démographique au Liban au profit de la communauté chiite est une réalité, et le Hezbollah est un acteur important avec qui le président Macron a décidé de parler même si la France n’a aucune sympathie ni pour le parti ni pour le régime iranien qui détient toujours l’anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah. Macron pense qu’il réussira en créant un dialogue avec ce parti à obtenir les réformes nécessaires pour le pays. Il est conscient du danger de la disparition des  chrétiens au Liban et au Moyen-Orient.

Macron et le Hezbollah

Quand le chef des Forces libanaises Samir Geagea lui a rappelé que les armes du Hezbollah demeurent une menace pour le pays, Macron a répondu que la France s’adressait à l’aile politique du Hezbollah et que pour ce qui concernait les armes de ce parti, elles seraient incorporées plus tard dans l’armée libanaise. En réponse à une question sur le Hezbollah, Macron a fait remarquer que ce mouvement devait être pris en compte dans la mesure où il était représenté au Parlement libanais et disposait d’une assise populaire. Lorsque le représentant du Hezbollah le député Mohamed Raad lui a dit qu’il ne voulait pas d’une enquête internationale suite à l’explosion qui a eu lieu au port de Beyrouth, Macron lui a répondu qu’il s’agissait d’une enquête indépendante technique et que l’explosion était d’origine accidentelle. Le leader druze Walid Joumblatt a attiré l’attention du président français sur le danger de déplacer le port de Beyrouth, proposition suggérée récemment par Gebran Bassil, le chef du parti CPL et gendre du président Michel Aoun.

Le voyage de Macron au Liban a été placé sous le signe des symboles.  Il a d’abord été dîner chez la diva libanaise Fairouz, il a de cette manière voulu montrer aussi son attachement au Liban et sa culture. La légendaire chanteuse lui a offert une peinture de Joumana Husseini représentant Jérusalem, lui disant qu’il « ne faut pas oublier ». Le déplacement du président français au Liban était empreint de beaucoup d’empathie. Il avait invité à venir avec lui au Liban Rodolphe Saadé, le PDG de la compagnie maritime CGM, dont le bateau a acheminé de l’aide humanitaire dans le pays. Son ami libanais Samir Assaf, le président d’honneur de HSBC, l’a également accompagné dans ce voyage et le réalisateur libanais Ziad Doueiri auteur du film l'insulte. Olivier Véran, ministre de la Santé et jeune étoile montante du gouvernement français était aussi du voyage, et a expliqué que ses parents avaient fait leur lune de miel au Liban et que sa famille avait reçu des familles libanaises chez elle à Paris pendant la guerre civile.

Après sa visite au Liban, Macron s’est rendu dans un autre pays stratégique pour la France - l’Irak - où il a déclaré « que le combat contre Daesh n’est pas terminé et que l’Irak traverse une période de défis ». Il a promis qu’il continuerait à se tenir aux côtés de l’Irak. « Il faut soutenir l’Etat irakien », a t-il affirmé à Bagdad.

L’ambition de la France de Macron est de revenir en force dans deux pays devenus la chasse gardée de l’Iran pour tenter par le dialogue et l’influence de les sortir de la sphère de la puissance iranienne Pourra t il réussir ? Le défi est grand, mais l’enjeu est encore plus grand. Il a néanmoins le mérite d’essayer.   

Randa Takieddine est correspondante en chef d’Arab News en français à Paris.

Twitter : @randaparis

NDLR : Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.