Assassinat Hariri : L’étrange et l’inexplicable verdict du TSL

Réaction de l’un des avocats de la défense à l’issue du verdict rendu par le tribunal international de La Haye (Photo, Kenzo TRIBOUILLARD/AFP).
Réaction de l’un des avocats de la défense à l’issue du verdict rendu par le tribunal international de La Haye (Photo, Kenzo TRIBOUILLARD/AFP).
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Publié le Mercredi 19 août 2020

Assassinat Hariri : L’étrange et l’inexplicable verdict du TSL

Assassinat Hariri : L’étrange et l’inexplicable verdict du TSL
  • Le Tribunal Spécial pour le Liban a prononcé son verdict. Seul Salim Ayache est accusé d’avoir commis l’assassinat
  • De quelles preuves supplémentaires les juges ont-ils besoin pour être convaincus de l’implication du Hezbollah ?

Le tribunal international de La Haye pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri a nécessité 15 ans, et autour de 800 millions de dollars, pour nous apprendre que le coupable du crime est une seule personne, le membre du Hezbollah Salim Ayache.

Paix à l’âme de Hariri et à celles de Bassel Fleihan et des 21 autres victimes tombées avec eux.

Paix à l’âme de l’ingénieur des télécommunications, le  jeune capitaine Wissam Eid, 31 ans, brillant haut responsable  des services de renseignement au sein des Forces de Sécurité Intérieures au Liban, assassiné en 2008 pour avoir réussi une analyse minutieuse, et clé, des données téléphoniques et qui a permis de remonter la piste de l’assassinat.

Le Tribunal Spécial pour le Liban a prononcé son verdict. Seul Salim Ayache est accusé d’avoir commis l’assassinat, tandis que les trois autres membres du Hezbollah accusés ont été innocentés.

Les juges ont reconnu que le régime syrien en voulait à Hariri car il s’opposait à la domination de Damas sur le Liban. Le tribunal a même mentionné la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’Onu qui demandait le retrait des forces syriennes et le désarmement des milices du Liban. Cette résolution a été inspirée par le Premier ministre assassiné, et présentée au vote par la France et les Etats-Unis en septembre 2004.

Malgré cette reconnaissance des faits, le tribunal, dans son verdict, juge ne pas avoir les preuves requises pour incriminer le régime syrien et le Hezbollah. Etrange, cette justice qui nous apprend que Ayache, membre du Hezbollah est responsable de l’assassinat, sans pour autant réussir à impliquer le parti : Ayache aurait-il tué Hariri pour des raisons propres à lui ? A-t-il les moyens de financer cette explosion si minutieusement préparée à l’aide de la camionnette suicide Mitsubishi placée devant l’hôtel Saint Georges de Beyrouth ?

De quelles preuves supplémentaires les juges ont-ils besoin pour être convaincus de l’implication du Hezbollah, quand un de ses membres en fuite est le principal accusé d’un crime politique de cette ampleur ?   

La décision est inexplicable et le verdict surprenant. Le tribunal international a ouvert la voie de l’impunité au Hezbollah et au régime syrien. Prétendre être incapable d’accuser une entité, un parti ou un régime est un leurre. Les antécédents juridiques existent et le tribunal sur le Cambodge (CETC) qui a condamné les dirigeants Khmers rouges en est une preuve.

Ayache ne sera jamais livré à la justice. Il sera probablement sollicité de nouveau par le régime syrien ou par le Hezbollah pour commettre d’autres crimes, sans doute en Syrie ou au Liban.

L’héritier de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri a accepté le verdict de la Haye et a appelé à la paix civile au Liban. Il a souhaité, comme tant de Libanais qui réclament vérité et transparence, de voir la lumière faite sur la dramatique explosion des 2750 tonnes de nitrate d’ammonium du port de Beyrouth, et qui a fait tant de victimes et provoqué autant de destruction.

Beyrouth, ses victimes, et tous les Libanais ont le droit de connaitre la vérité, ils réclament pour cela une enquête internationale ayant perdu toute confiance en la justice de leur Etat incompétent et corrompu. Après une telle déception provoquée par la justice internationale dans l’Affaire Rafic Hariri, peut-on encore leur demander d’y croire ? 

Randa Takieddine est correspondante en chef d’Arab News en français à Paris.

Twitter : @randaparis

NDLR : Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.