Hajj 2021: l’incidence des épidémies au fil des années

Le Hijaz a eu son lot d’épidémies – particulièrement de choléra – qui ont frappé la région à plusieurs reprises, menaçant les chemins du pèlerinage. (Image Getty)
Le Hijaz a eu son lot d’épidémies – particulièrement de choléra – qui ont frappé la région à plusieurs reprises, menaçant les chemins du pèlerinage. (Image Getty)
Un agent de santé indien (à droite) administre un vaccin polysaccharidique contre le méningocoque à un pèlerin du Hajj à Hyderabad en 2010. (Image Getty/AFP)
Un agent de santé indien (à droite) administre un vaccin polysaccharidique contre le méningocoque à un pèlerin du Hajj à Hyderabad en 2010. (Image Getty/AFP)
Des agents de santé saoudiens administrent des doses de vaccin à des pèlerins égyptiens à leur arrivée à Djeddah en 2002. (Image Getty/AFP)
Des agents de santé saoudiens administrent des doses de vaccin à des pèlerins égyptiens à leur arrivée à Djeddah en 2002. (Image Getty/AFP)
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Publié le Mardi 20 juillet 2021

Hajj 2021: l’incidence des épidémies au fil des années

  • L’une des premières épidémies à faire rage à La Mecque était connue sous le nom d’«al-Machri». Elle a entraîné la mort d’un grand nombre de personnes et de chameaux en 968, comme l’a rapporté le célèbre historien, Ibn Khatir
  • En 1831, une épidémie de choléra, apparue en Inde, a tué 20 000 personnes à la Mecque. D’autres épidémies ont frappé la ville sainte en 1841, en 1847, en 1851, en 1856-57 et en 1859

DJEDDAH: Le Hajj – pèlerinage annuel vers les Lieux saints de La Mecque – est l’un des plus grands rassemblements religieux du monde et fait partie des plus anciens mouvements de foule sur de longues distances.

Avant la pandémie de Covid-19, le Hajj a été touché par plusieurs épidémies au cours de l’Histoire. Le pèlerinage a parfois été suspendu, et le déplacement des pèlerins vers la Ville sainte limité. Ces maladies ont fait des victimes parmi les pèlerins et les habitants de La Mecque.

L’un des premiers fléaux répertoriés à La Mecque est mentionné par l’éminent historien musulman, Ibn Khatir. Dans son ouvrage Al-Bidāya wa-n-Nihāya («Le Commencement et la fin»), il raconte qu’une épidémie connue sous le nom d’«al-Machri» a ravagé La Mecque en 968, tuant un grand nombre de personnes et de chameaux. Les croyants qui ont réussi à terminer leur pèlerinage sont morts peu de temps après.

Plusieurs historiens racontent que les convois de pèlerins étaient nettement plus réduits au cours de cette période, particulièrement dans les régions touchées par l’épidémie, en raison de la détérioration de la situation sociale et économique découlant de cette maladie ou, plus tard, d’autres maladies.La révolution mondiale des transports au XIXe siècle a radicalement transformé le Hajj. De nouveaux moyens de transport ont facilité le déplacement de grands groupes à travers le monde, rendant la transmission de maladies plus rapide et impossible à gérer.

Au cours de ce même siècle, les épidémies se sont multipliées et l’espérance de vie est tombée à 29 ans. Différentes maladies se sont propagées, tuant des millions de personnes aux quatre coins du monde. Le Hijaz a également eu son lot d’épidémies – particulièrement de choléra – qui ont frappé la région à plusieurs reprises via les pèlerins indiens.

Les musulmans connaissent depuis longtemps l'efficacité de la quarantaine, plus particulièrement depuis que le prophète Mahomet a indiqué dans un hadith: «Si la peste est dans un pays, n’y entrez pas mais si vous êtes dans la contrée où elle sévit, restez-y.» Les pèlerins étaient souvent mis en quarantaine dès leur retour dans certains pays lors des épidémies, comme en Égypte sous l’Empire ottoman.

Les mesures de quarantaine ne faisaient cependant pas partie d’une politique de santé publique généralisée à l’époque, et les épidémies mondiales n’étaient pas courantes. Contrairement à la peste, le choléra était une maladie totalement nouvelle et l’humanité n’en avait que très peu de connaissances.

Un agent de santé indien (à droite) administre un vaccin polysaccharidique contre le méningocoque à un pèlerin du Hajj à Hyderabad en 2010. (Image Getty/AFP)

Le choléra a constitué une véritable menace sur les chemins du pèlerinage, notamment après l’ouverture du canal de Suez qui a facilité la propagation des maladies via le transport maritime et ferroviaire. Les pèlerins étaient alors mis en quarantaine pendant quinze jours dans la zone géographique du canal ou de la mer Rouge avant de se diriger vers le Hijaz. 

La maladie apparaît pour la première fois dans la péninsule Arabique en 1821. Pourtant, ce n’est qu’en 1831 qu’elle atteint le Hijaz, se manifestant pour la première fois à La Mecque. Elle entraîne la mort des trois quarts des pèlerins qui affluent à l’époque. Elle porte alors le nom d’«épidémie indienne» et sa propagation est fulgurante.

Selon l’ouvrage Histories of Health in South Asia, publié par l’Indiana University Press, le choléra aurait causé la mort de 20 000 personnes à La Mecque en 1831. D’autres épidémies ont frappé la Ville sainte en 1841, en 1847, en 1851, en 1856-57 et en 1859.

En 1840, l’Empire ottoman a rendu obligatoire la mise en quarantaine, imposant des contrôles aux postes-frontières et dans les villes à proximité des Lieux saints.

Les considérations politiques allaient souvent de pair avec les mesures médicales imposées dans le cadre du Hajj. La flambée de la maladie a incité les puissances coloniales britanniques et européennes à accorder de l’importance à cette crise et à l’inclure dans leur programme de politique internationale, plus pour préserver leurs colonies et leurs intérêts géopolitiques et économiques que pour protéger les pèlerins. Cette politique s’est poursuivie tout au long de la période coloniale qui s’étend de la fin du XIXe siècle au début du XXe.

Les puissances coloniales ont fait pression pour tenir une série de réunions internationales à grande échelle en vue de lutter contre la menace du choléra. La première réunion, connue sous le nom de «Conférence sur le choléra», a eu lieu à Constantinople.

La politique britannique va cependant à l’encontre des données scientifiques publiées par la Conférence sur le choléra. Les Britanniques ont soutenu pendant longtemps que le choléra indien n’était pas contagieux, niant l’efficacité des cordons sanitaires et de la mise en quarantaine des navires après l’ouverture du canal de Suez, ce qui a entraîné de considérables pertes humaines évitables. 


 

QUELQUES FAITS

Le choléra aurait causé la mort de 20 000 personnes à La Mecque en 1831.

Bien que les pèlerins aient souvent été accusés d’être à l’origine du choléra, ce sont les nouvelles technologies, le colonialisme et le capitalisme qui sont responsables de la propagation de la maladie à l’échelle mondiale. Les pèlerins, porteurs de la maladie à leur insu, en ont été victimes.

En 1895, la première Direction de la santé a été créée à La Mecque. Peu à peu, avec le développement de l'assainissement, puis de contre-mesures telles que les vaccins et les antibiotiques, la façon dont le monde aborde les épidémies a radicalement changé. 

Au début des années 1950, le royaume d’Arabie saoudite a construit une carrière pour les pèlerins à l’extérieur de la ville de Djeddah – à l'emplacement de ce qui deviendra plus tard l’hôpital du roi Abdelaziz.

Entre le succès mondialement reconnu de l’Arabie saoudite dans la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19 et la mort de dizaines de milliers de personnes à cause du choléra en 1865, le Royaume a acquis une expérience de quatre-vingt-quinze ans dans la gestion des maladies.

«L’Arabie saoudite a acquis une grande expérience en matière de santé publique, notamment en accueillant un grand nombre de pèlerins au cours des saisons du Hajj et de l’Omra», affirme le Dr Wael Bajahmoom, consultant en maladies infectieuses et chef du service de médecine interne à l’hôpital du roi Fahd à Djeddah, dans un entretien à Arab News.

L'Histoire du Royaume a permis aux autorités saoudiennes modernes d'acquérir une grande expérience dans la gestion des foules et le contrôle des maladies.

Un rapport récemment publié par l’Institut de recherche sur le Hajj et l’Omra indique que les maladies infectieuses constituent une véritable menace pour les saisons actuelles du Hajj.

Selon ce rapport, 26 à 60,5 % des cas signalés au cours des saisons précédentes du Hajj souffrent de maladies respiratoires comme le rhume et la pneumonie. Pour les autres cas, il s’agit de maladies digestives comme la grippe intestinale, la diarrhée et la méningite. Le taux de mortalité dû aux maladies infectieuses pendant le Hajj varie de 1,08 à 13,67 % avec une moyenne de 7,1 %. 

«Il vaut mieux prévenir que guérir.» Telle est la politique que l’Arabie saoudite prône, selon le Dr Bajahmoom. Sa gestion exemplaire de la pandémie de Covid-19 en est un parfait exemple. Le gouvernement a en effet limité le Hajj aux pèlerins locaux vaccinés.

«Le Royaume est déterminé à préserver la sécurité des fidèles et des visiteurs des Lieux saints. L’un des piliers de la sécurité est la prévention – et donc la vaccination. Les vaccins ont joué un rôle incontournable pour lutter contre les crises sanitaires au cours des dernières décennies», ajoute Wael Bajahmoom.

La méningite constitue l’une de ces menaces, une maladie hautement contagieuse lors des rassemblements dans des Lieux saints comme La Mecque. Les vaccins ont joué un rôle primordial pour en freiner la propagation.

Selon la Meningitis Research Foundation, une institution basée au Royaume-Uni, plusieurs épidémies de méningite ont été liées aux pèlerinages du Hajj. Des cas apparaissent également dans le monde après le retour des pèlerins dans leurs pays. Depuis 2002, l’Arabie saoudite a rendu obligatoire la vaccination contre la maladie pour entrer dans le Royaume durant le Hajj et l’Omra. Aucun foyer de la maladie en lien avec le Hajj n’a été recensé depuis. 

Le rapport Public Health Concerns publié par le ministère saoudien de la Santé en 2019 –dernière année au cours de laquelle le Royaume a accueilli des pèlerins du monde entier avant la pandémie de Covid-19 – indique que le vaccin contre la méningite est obligatoire pour toute personne dans la région du Hajj. Il indique également que les vaccins contre la poliomyélite et la fièvre jaune sont obligatoires pour les pèlerins en provenance de certains pays et que le vaccin contre la grippe saisonnière est facultatif mais fortement recommandé.

Le ministère de la Santé a également mis en garde contre d’autres virus et maladies comme la dengue, la poliomyélite, la tuberculose, les fièvres hémorragiques dont le virus Ebola et la fièvre Lassa, la rougeole, le virus Zika, les virus à diffusion hématogène, ainsi que les maladies transmises par l'eau et les aliments.

Le Dr Bajahmoom explique que des facteurs spécifiques sont à l’origine des vaccins exigés pour les pèlerins comme le taux de propagation d’une épidémie dans une région donnée ou à l’échelle internationale, ainsi que des facteurs environnementaux qui facilitent la propagation de certaines maladies comme une saison particulière ou des changements météorologiques.

Des agents de santé saoudiens administrent des doses de vaccin à des pèlerins égyptiens à leur arrivée à Djeddah en 2002. (Image Getty/AFP)

«Le premier vaccin requis pendant cette saison du Hajj est celui contre la Covid-19», précise-t-il.

L’Arabie saoudite a été confrontée à plusieurs épidémies et virus depuis la méningite. En 2009, avec la propagation de la grippe porcine, le Royaume a interdit aux personnes âgées, aux enfants et aux pèlerins souffrant de maladies chroniques d’effectuer le pèlerinage du Hajj.

En outre, avec la propagation rapide du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) en 2013, les autorités saoudiennes ont incité les personnes âgées ainsi que celles souffrant de maladies chroniques à s’abstenir d’effectuer le Hajj, la maladie ayant déjà entraîné la mort de plusieurs dizaines de personnes à travers le Royaume.

Par ailleurs, au cours de l’épidémie d’Ebola qui a tué 11 300 personnes entre 2014 et 2016, l’Arabie saoudite a établi des plans d’intervention spécifiques, comme le déploiement de personnel médical dans les aéroports et la mise en place d’unités d’isolement alors que trois millions de musulmans en provenance du monde entier se rendaient au Royaume pour le Hajj. Le pays a également suspendu les visas pour les pèlerins venant de la Guinée, de la Sierra Leone et du Liberia, les trois pays les plus gravement touchés par l’épidémie.

Avec la propagation de la Covid-19 qui a fait des milliers de morts dans le monde au début de l’année 2020, des dizaines de travailleurs ont été chargés de stériliser les sols de la Grande Mosquée de La Mecque. L’Arabie saoudite a également décidé d’interdire l’entrée dans le pays aux pèlerins, en sus de la mise en place de mesures sanitaires pour effectuer le Hajj et l’Omra – une décision saluée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

«L’Arabie saoudite a joué un rôle majeur dans la lutte contre les épidémies tant sur le plan local qu’international», affirme le Dr Bajahmoom. «Sa coopération avec le reste du monde ne s’est pas limitée à un échange de données de recherche, mais aussi à un soutien médical et financier aux pays voisins, ainsi qu’à ceux plus éloignés.»

L’un des plus importants contributeurs à la recherche scientifique est le Centre mondial pour la médecine des rassemblements de masse, affilié au ministère de la Santé, et qui travaille en étroite collaboration avec l’OMS pour la gestion sanitaire des rassemblements de masse. C’est l’un des rares centres au monde spécialisés dans ce domaine.

«Ces deux années d’expérience dans la gestion de la pandémie de Covid-19, ainsi que les autres expériences vécues par le Royaume afin de freiner les crises sanitaires, nous dotent de capacités exceptionnelles pour venir à bout de toute éventuelle crise sanitaire», déclare le Dr Bajahmoom.

À mesure que l’Arabie saoudite se rapproche de plus en plus de l’immunité collective, Wael Bajahmoom espère que le Royaume pourra de nouveau accueillir des pèlerins du monde entier.

«Cette pandémie n’est qu’une des nombreuses crises auxquelles nous avons dû faire face. Bientôt, elle ne sera plus qu’un lointain souvenir. Elle nous donnera la force qu’il faut pour affronter l’avenir.»

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.


Soudan: le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à cesser les combats «immédiatement»

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
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  • Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions
  • "Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire

GENEVE: Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher.

"Nous ne pouvons rester silencieux face à cette nouvelle catastrophe", a déclaré Volker Türk dans un communiqué. "Ces combats doivent cesser immédiatement et l’aide humanitaire vitale doit parvenir aux personnes menacées de famine".

Les combats se sont intensifiés cette semaine dans la région du Kordofan, dans le sud du Soudan riche en pétrole, l'armée cherchant à repousser les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) loin de l'axe routier vital reliant la capitale Khartoum au Darfour.

Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions sommaires".

Et il affirme avoir relevé "des cas de représailles, de détentions arbitraires, d'enlèvements, de violences sexuelles et de recrutements forcés, y compris d'enfants".

"Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire, en référence aux exactions commises par les FSR après la prise fin octobre de la dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait à leur contrôle.

"Nous ne devons pas permettre que le Kordofan devienne un autre El-Facher", a insisté M. Türk.

Dans son communiqué, le Haut-Commissariat rapporte que le 3 novembre dernier, un drone des FSR avait frappé une tente où des personnes en deuil étaient rassemblées à El Obeid, dans le Kordofan du Nord, tuant 45 personnes, principalement des femmes.

Il indique aussi que le 29 novembre, une frappe aérienne des Forces armées soudanaises (SAF) à Kauda, dans le Kordofan du Sud, aurait fait au moins 48 morts, pour la plupart des civils.

Selon l'organisation, "de violents combats se poursuivent depuis dans les trois États du Kordofan". "La situation humanitaire est catastrophique : la famine est confirmée à Kadugli et un risque de famine persiste à Dilling", ajoute le Haut-Commissariat, affirmant que "toutes les parties entravent l’accès et les opérations humanitaires".

"Nous ne pouvons (...) laisser d’autres Soudanais devenir victimes de terribles violations des droits de l’homme. Nous devons agir", a insisté M. Türk.

Depuis avril 2023, les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, forcé le déplacement de 12 millions de personnes et plongé le pays dans la plus grande crise humanitaire au monde, selon l'ONU.