Le déni du génocide interdit en Bosnie, le chef des Serbes évoque la «dissolution»

Une femme musulmane bosniaque, survivante du massacre de Srebrenica en 1995, marche entre les pierres tombales du cimetière commémoratif de Potocari, un village situé juste à l'extérieur de Srebrenica, le 11 juillet 2020. (Photo, AFP)
Une femme musulmane bosniaque, survivante du massacre de Srebrenica en 1995, marche entre les pierres tombales du cimetière commémoratif de Potocari, un village situé juste à l'extérieur de Srebrenica, le 11 juillet 2020. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 24 juillet 2021

Le déni du génocide interdit en Bosnie, le chef des Serbes évoque la «dissolution»

  • Saluée comme «historique» par des responsables bosniaques (musulmans), cette décision a été décriée par des dirigeants politiques serbes bosniens
  • Commis quelques mois avant la fin de la guerre intercommunautaire (1992-95, 100 000 morts), le massacre de Srebrenica, a été qualifié d'acte de génocide par la justice internationale

SARAJEVO: Le Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie a recouru vendredi à ses pouvoirs discrétionnaires pour interdire le déni du génocide et des crimes de guerre dans le pays divisé, où le massacre de Srebrenica est souvent minimisé par des dirigeants serbes.

Le diplomate autrichien, Valentin Inzko, a pris cette décision une semaine avant de passer la main à l'Allemand Christian Schmidt. La prise de fonctions de ce dernier est prévue le 1er août, mais sa nomination récente est contestée à l'ONU par la Russie et la Chine.

Saluée comme "historique" par des responsables bosniaques (musulmans), cette décision a été décriée par des dirigeants politiques serbes bosniens, notamment par le membre serbe de la présidence collégiale de la Bosnie, Milorad Dodik, qui a réitéré sa position sur le massacre de Srebrenica.

Commis quelques mois avant la fin de la guerre intercommunautaire (1992-95, 100 000 morts), le massacre de Srebrenica, dans lequel les forces serbes bosniennes ont tué environ 8 000 hommes et adolescents bosniaques musulmans, a été qualifié d'acte de génocide par la justice internationale.

Malgré leur condamnation à la perpétuité, en particulier pour leur rôle dans ce massacre, les ex-chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, sont considérés comme des "héros du peuple serbe" par de nombreux Serbes. Le crime est régulièrement nié ou minimisé par des responsables politiques serbes, en Bosnie et en Serbie, qui généralement se contentent de reconnaître un "crime grave".

«Ligne rouge»

"Il y a une ligne rouge (...) que je ne peux pas franchir. C'est pour moi inacceptable", a déclaré Milorad Dodik en conférence de presse. "Il n'y a pas eu de génocide et c'est l'opinion de nous tous".

Il a appelé à une "réponse féroce", évoquant même une  "dissolution" de la Bosnie. Le Parlement de la Republika Srpska, l'entité serbe du pays divisé selon des lignes de fracture ethniques, se réunira la semaine prochaine pour discuter de cette "réponse", a-t-il annoncé.

Le Haut représentant, dont le rôle est de veiller au respect de l'accord de paix de Dayton (États-Unis), a imposé plusieurs amendements au Code pénal bosnien, prévoyant des peines entre six mois et cinq ans de prison pour les personnes qui "approuvent publiquement, nient, minimisent grossièrement ou tentent de justifier le crime de génocide, le crime contre l'humanité et le crime de guerre", selon un document publié sur le site du bureau du Haut représentant.

Ces amendements entrent en vigueur immédiatement.

L'adoption d'une telle législation dans le Parlement central bosnien était bloquée depuis des années par les députés serbes.

"J'ai longtemps espéré que l'humanité et le bon sens prévaudraient, mais, malheureusement, nous assistons à une escalade de la glorification des criminels de guerre et à la remise en cause des jugements définitifs et contraignants" de la justice, a expliqué Valentin Inzko dans un communiqué.

«Geste contreproductif»

Le politologue allemand et spécialiste des Balkans, Bodo Weber, estime que le Haut représentant a sans doute pris une décision "personnelle" sans avoir consulté les chancelleries occidentales.

"Je comprends absolument Inzko et je soutiens ses objectifs. Mais (...) je pense que ça finira par être un geste profondément contreproductif", a déclaré l'analyste, cité sur le site de la télévision régionale N1.

Le Parquet d'État bosnien a de son côté annoncé qu'il se saisirait immédiatement des "opinions niant le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre".

Bakir Izetbegovic, chef du principal parti bosniaque (SDA), a félicité Valentin Inzko "d'avoir mis fin avec dignité à son mandat en Bosnie". Il évoque une "décision humaine et civilisatrice au profit surtout des familles de victimes".

"Cette décision est importante pour nous, les mères, parce que nous serons protégées d'insultes, d'humiliations, comme seront protégés les verdicts de la justice", a commenté Munura Subasic, présidente de l'une des associations des mères de Srebrenica.


Turquie: l'opposition convoque un congrès extraordinaire pour le 21 septembre

Turquie: l'opposition convoque un congrès extraordinaire pour le 21 septembre
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  • Le principal parti d'opposition de Turquie va convoquer un congrès extraordinaire le 21 septembre, après qu'un tribunal a destitué sa direction d'Istanbul sur des accusations de corruption

ISTANBUL: Le principal parti d'opposition de Turquie va convoquer un congrès extraordinaire le 21 septembre, après qu'un tribunal a destitué sa direction d'Istanbul sur des accusations de corruption, a rapporté une source du parti à l'AFP samedi.

Cette décision intervient dans un contexte de pression politique croissante sur le Parti républicain du peuple (CHP) après qu'un tribunal a annulé cette semaine les résultats de son congrès provincial d'Istanbul en octobre 2023, destituant son leader Ozgur Celik et 195 autres responsables.

Plus de 900 délégués du CHP ont soumis vendredi une pétition à une commission électorale locale de la capitale Ankara pour autoriser le congrès, a déclaré la source à l'AFP.

Ce congrès devrait définir la stratégie du parti alors qu'il est confronté à une incertitude juridique.

Le CHP, la principale force d'opposition au Parlement turc, a remporté une victoire majeure sur l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections locales de 2024. Depuis lors, le parti est devenu la cible d'une vague d'arrestations et de procédures judiciaires qui ont culminé en mars avec l'emprisonnement du populaire et puissant maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, pour des accusations de corruption qu'il dément.

L'arrestation et l'emprisonnement de M. Imamoglu, considéré comme un rival clé du président Erdogan, ont déclenché des manifestations de rue inédites depuis dix ans. Les autorités ont réprimé les manifestations en arrêtant près de 2.000 personnes, dont la plupart ont ensuite été libérées.

Mardi, un tribunal a destitué le leader du CHP d'Istanbul et des dizaines de délégués du parti, tout en nommant une équipe de cinq hommes pour les remplacer, ce qui a provoqué une chute de 5,5% du marché boursier turc.

Le CHP a fait appel contre cette décision judiciaire.

Pour l'analyste politique Berk Esen, cette affaire représente une "répétition" pour une affaire plus importante contre la direction nationale du parti, visant à l'affaiblir en tant que force d'opposition.

Une procédure judiciaire presque identique pèse en effet sur sa direction nationale, dans une affaire très suivie qui reprendra à Ankara le 15 septembre.

Gul Ciftci, vice-présidente du CHP responsable des affaires électorales et juridiques, a déclaré que le congrès extraordinaire "ne déterminera pas seulement l'avenir de notre parti, mais réaffirmera également la foi dans le pluralisme, la diversité et la politique démocratique en Turquie", dans un commentaire publié sur X vendredi.

Elle a salué la décision concernant le congrès, prise grâce à la volonté des délégués, comme "la preuve la plus forte que le CHP reste debout face à toutes les tentatives d'intervention du gouvernement".


Pour contrer Trump, le Canada mise sur des grands projets d'infrastructure

Le Premier ministre canadien Mark Carney s’exprime lors d’une conférence de presse, le 26 août 2025 à Berlin. (AFP)
Le Premier ministre canadien Mark Carney s’exprime lors d’une conférence de presse, le 26 août 2025 à Berlin. (AFP)
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  • Le gouvernement de Mark Carney engage une transformation économique historique, avec 500 milliards de dollars investis dans ports, autoroutes, et énergies pour réduire la dépendance aux États-Unis
  • Cette stratégie vise à faire du Canada une superpuissance énergétique, en misant sur ses ressources naturelles et de nouveaux partenariats, notamment avec l’Europe

MONTREAL: Ports, autoroutes, mines, pipelines... Bousculé par les attaques de Donald Trump, le Canada se lance dans une série de grands projets pour diversifier ses activités, rompre sa dépendance au marché américain et éviter une crise économique.

Dès son élection en avril, le Premier ministre Mark Carney avait annoncé la couleur: "Construisons à tout-va" ("build, baby, build"), avait-il lancé, détournant un célèbre slogan du président américain et promettant la plus grande transformation de l'économie canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette optique, fin août, le gouvernement a annoncé la création d'un bureau spécial dédié à la mise en œuvre des grands projets après avoir fait passer une loi en juin pour accélérer les processus d'approbation.

Et dans quelques jours, la liste des projets prioritaires sera rendue publique.

Le point de départ de cette nouvelle politique: la dégradation soudaine de la relation avec les Etats-Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

L'imposition de droits de douane par le président américain et ses menaces d'annexion du pays ont provoqué un électrochoc au Canada qui a pour premier partenaire économique son unique voisin du sud.

Le gouvernement libéral de Mark Carney, élu sur la promesse qu'il saurait tenir tête à Donald Trump, veut donc relancer les grands travaux tout en diversifiant ses partenaires économiques et en se rapprochant de l'Europe notamment.

- "Réflexion profonde" -

"Notre gouvernement est en voie de débloquer 500 milliards de dollars pour investir dans des infrastructures, entre autres énergétiques et portuaires", a précisé fin août Mark Carney au côté du chancelier allemand avec lequel il venait de conclure une entente sur les minéraux critiques.

Pour Jay Kohsla, expert du secteur énergétique, le Canada est à un moment charnière.

"On sait que notre économie est en péril", explique à l'AFP cet ancien haut fonctionnaire, ajoutant que Donald Trump a fourni une occasion unique pour "une réflexion profonde".

Selon lui, les deux à trois prochaines années seront déterminantes pour le pays "pris au piège", alors que le taux de chômage a atteint 7,1 % en août, le niveau le plus élevé depuis 2016, hors pandémie.

Mark Carney compte notamment s'appuyer sur les immenses richesses du sous-sol canadien pour faire du pays une "superpuissance énergétique" en développant les énergies renouvelables mais aussi fossiles.

Quatrième pays exportateur de pétrole, le Canada possède les troisièmes réserves d'or noir au monde. Ses ressources se trouvent surtout en Alberta (ouest), d'où les hydrocarbures sont principalement exportés vers les Etats-Unis, faute d'infrastructures suffisantes pour atteindre d'autres marchés.

- "Prenons le temps" -

Mark Carney, qui a pris sur ce sujet le contre-pied des décisions de son prédécesseur Justin Trudeau, se dit maintenant favorable à l'idée d'exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) vers l'Europe.

Les "acheteurs et utilisateurs allemands de GNL" sont particulièrement intéressés, a affirmé la semaine dernière le ministre de l'Energie, Tim Hodgson, lors d'une conférence de presse à Berlin.

Cet été, le Canada a inauguré deux énormes projets énergétiques en construction depuis des années: la toute première installation d'exportation de GNL à grande échelle, LNG Canada, et l'agrandissement du pipeline Trans Mountain, qui transporte le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta vers la côte ouest.

Mais cette transformation inquiète les ONG, dont Greenpeace qui dénonce les reculs environnementaux et demandent au gouvernement "de privilégier les solutions climatiques et non pas les pipelines de pétrole et de gaz".

Les communautés autochtones, elles, redoutent que le développement économique ne prime sur les droits des Premiers peuples.

"Nous savons ce que ça fait d'avoir Trump à nos frontières. Ne reproduisons pas des politiques à la Trump chez nous. Prenons le temps de bien faire les choses", a demandé Cindy Woodhouse, la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations.


La Finlande signe la déclaration franco-saoudienne sur la Palestine

L'adoption de la déclaration franco-saoudienne par la Finlande "est conforme au rapport du gouvernement finlandais sur la politique étrangère et de sécurité de la Finlande, qui a été adopté à l'unanimité par le Parlement", a ajouté la ministre finlandaise. (AFP)
L'adoption de la déclaration franco-saoudienne par la Finlande "est conforme au rapport du gouvernement finlandais sur la politique étrangère et de sécurité de la Finlande, qui a été adopté à l'unanimité par le Parlement", a ajouté la ministre finlandaise. (AFP)
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  • Le gouvernement finlandais est divisé sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. Le parti des Finlandais, d'extrême droite, ainsi que les Chrétiens démocrates, sont par exemple contre une reconnaissance de l'Etat palestinien
  • "La Finlande s'engage à reconnaître l'État de Palestine à un moment donné dans le futur", a ajouté la ministre devant des journalistes, sans cependant donner de date

HELSINKI: La Finlande a annoncé vendredi qu'elle signait la déclaration franco-saoudienne sur une solution à deux Etats, mais sans s'engager sur une date de reconnaissance d'un Etat palestinien.

"Le processus mené par la France et l'Arabie Saoudite est l'effort international le plus important depuis des années pour créer les conditions d'une solution à deux États", a déclaré la ministre des Affaires étrangères Elina Valtonen sur X.

Le gouvernement finlandais est divisé sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. Le parti des Finlandais, d'extrême droite, ainsi que les Chrétiens démocrates, sont par exemple contre une reconnaissance de l'Etat palestinien.

"La Finlande s'engage à reconnaître l'État de Palestine à un moment donné dans le futur", a ajouté la ministre devant des journalistes, sans cependant donner de date.

Le président finlandais Alexander Stubb avait annoncé début août être prêt à reconnaître l'Etat de Palestine si une proposition en ce sens lui était faite par le gouvernement. Le chef de l'Etat est doté de pouvoirs limités et dirige la politique étrangère en étroite coopération avec le gouvernement.

De nombreux pays, dont la France et le Royaume-Uni, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de la 80e Assemblée générale de l'ONU en septembre.

L'adoption de la déclaration franco-saoudienne par la Finlande "est conforme au rapport du gouvernement finlandais sur la politique étrangère et de sécurité de la Finlande, qui a été adopté à l'unanimité par le Parlement", a ajouté la ministre finlandaise.

La présidente des démocrates-chrétiens, ministre de l'Agriculture et des Forêts Sari Essayah, a indiqué sur X qu'elle avait fait part de son opinion divergente avec cette décision lors de la réunion du comité ministériel de la politique étrangère et de sécurité.

Ce comité chargé des questions de politique étrangères réunit le président finlandais, le Premier ministre et des membres du gouvernement.