Avec son « plan de partenariat », Biden joue habilement sur les divisions des Arabes américains

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Publié le Lundi 07 septembre 2020

Avec son « plan de partenariat », Biden joue habilement sur les divisions des Arabes américains

Avec son « plan de partenariat », Biden joue habilement sur les divisions des Arabes américains
  • De nombreux Américains perçoivent les différences entre les Arabes beaucoup mieux que nous
  • Biden peut se contenter de donner des garanties à la majorité des Arabes américains, tout en ignorant le fragment de la population arabe palestinienne, qui a pourtant le plus besoin d’aide

J'ai toujours pensé que les Américains ne savaient pas qui étaient les Arabes. Mais maintenant, je soupçonne les Arabes eux-mêmes d’être confus à ce sujet.

Les Arabes sont issus de 22 pays différents, qui ont généralement tous des histoires très complexes, ont connu la domination étrangère, le pouvoir militaire, et de nos jours un semblant de démocratie. Chaque pays arabe possède des sous-groupes ethniques et même raciaux. Les Syriens, les Palestiniens, les Jordaniens, les Libanais et les Égyptiens, par exemple, ont au sein de leurs cultures des caractéristiques et un patrimoine différents. Et, à l’intérieur de ces groupes, il existe encore davantage de divisions.

Les Arabes ont deux grandes religions, l'islam et le christianisme, qui comprennent toutes deux des communautés importantes : musulmans sunnites et chiites, et chrétiens orthodoxes, coptes, protestants et catholiques. Nos opinions politiques se sont formées plus récemment, après avoir été refoulées pendant tant de siècles. Nous définissons les Arabes comme des personnes dont la langue maternelle est l'arabe : une définition qui cause des problèmes aux expatriés et aux Arabes de la diaspora, dont la langue maternelle est souvent celle du pays que leurs parents ont quitté.

Pendant des années, j'ai cru que les Américains ne pouvaient pas voir ces différences majeures, considérant plutôt tous les Arabes comme étant les mêmes, quelle que soit leur religion ou leur nation d’origine.

La « restriction de l’immigration musulmane » de Trump semble déranger les Arabes plus que la réalité des politiques racistes d'Israël

Ray Hanania

Un « plan de partenariat » au double visage

Tous les Arabes ont été accusés de terrorisme dans la foulée du 11 septembre 2001, pas seulement les musulmans. Les Arabes chrétiens ont été confrontés à la même colère politique et au racisme qu’ont alimenté les réactions militaires américaines.

Mais je me rends compte maintenant que de nombreux Américains perçoivent ces différences beaucoup mieux que nous. C'est pourquoi un politicien chevronné comme l'ancien vice-président Joe Biden, maintenant candidat démocrate à la présidence face à Donald Trump, peut désavantager les Arabes, tout en leur offrant en même temps empathie et soutien. C'est exactement ce qu’a fait Biden samedi, lorsqu'il a proposé son « plan de partenariat » à la communauté « arabo-américaine », même si nous ne sommes pas si monolithiques que ça.

Biden a promis d'inclure des Arabes dans son administration. Il a dit qu'il annulerait les politiques discriminant les Arabes. S’il était élu le 3 novembre, il a promis d'éliminer la redoutable « restriction de l’immigration musulmane » prise par Trump dès son premier jour à la Maison Blanche. Il a également affirmé qu'il soutiendrait les réfugiés et reconnaîtrait les droits des immigrés.

Biden comprend cependant que les Arabes sont divisés en de nombreux groupes disparates. Nous ne sommes pas si monolithiques, mais nous sommes guidés par nos sentiments. Nous permettons à nos émotions de « tromper » notre raison. Le candidat démocrate n’a pas hésité à mettre de côté une petite partie de la communauté arabe américaine, et a déclaré qu’il ne reviendrait pas sur son opposition au mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), qui proteste contre le mouvement raciste et violent des colons israéliens.

D’un côté, il offre soutien, compassion et empathie, et de l’autre, il est capable de renier la justice, l'Etat de droit et l'équité envers les Arabes.

Biden a déjà amélioré sa popularité parmi les électeurs juifs américains en choisissant Kamala Harris comme candidate à la vice-présidence. Sénatrice américaine de Californie, elle est l'une des parlementaires les plus anti-palestiniens des Etats-Unis.

Le candidat démocrate sait aussi que la Palestine n'est plus la cause sacrée d’autrefois pour de nombreux Arabes ou Arabes américains. Aujourd’hui, les Arabes américains se préoccupent davantage de la politique américaine, et des actions de Trump qui pourraient les concerner. Ils ont ainsi été mécontents quand Trump a officiellement reconnu Jérusalem comme la capitale d'Israël et y a transféré l'ambassade américaine. Pourtant, en réalité, Jérusalem est la capitale d'Israël depuis 1967, et qui se soucie vraiment de l'emplacement de l'ambassade américaine, d'autant plus que les États-Unis continuent de financer Israël à hauteur d’environ quatre milliards de dollars par an ?

Les Américains arabes ont été mécontents quand Trump a mis en place le décret anti-immigration, alors qu’il visait seulement quelques uns des cinquante pays à prédominance musulmane dans le monde. Ils semblent en revanche être moins dérangés par la réalité des politiques racistes d’Israël, qui alimentent la croissance du mouvement violent des colons et le nettoyage ethnique des chrétiens et musulmans de Jérusalem, qu’aucun président n’a jamais tenté d’arrêter.

Biden ne va certainement pas stopper Israël. Il sait qu'il peut jeter les miettes de promesses populaires qui conviendront aux Arabes américains, jouant sur leurs sentiments, et qu’ils considéreront ces miettes comme des miches de pain. Il le fait parce qu'il sait que les Arabes sont divisés. Il peut se contenter de donner des garanties à la majorité, tout en ignorant le fragment de la population arabe palestinienne, qui est pourtant celle qui a le plus besoin d’aide.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur politique primé de Chicago City Hall. Il peut être joint sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter : @RayHanania

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com