Dans la crise libanaise, la stratégie divergente de Paris et Washington sur le Hezbollah

Le président Michel Aoun lors de sa rencontre avec le secrétaire d'Etat adjoint chargé du Proche-Orient David Schenker, au palais présidentiel Baabda, le 10 septembre 2019. (STRINGER / DALATI et NOHRA / AFP)
Le président Michel Aoun lors de sa rencontre avec le secrétaire d'Etat adjoint chargé du Proche-Orient David Schenker, au palais présidentiel Baabda, le 10 septembre 2019. (STRINGER / DALATI et NOHRA / AFP)
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Publié le Mardi 08 septembre 2020

Dans la crise libanaise, la stratégie divergente de Paris et Washington sur le Hezbollah

  • « L'approche de la France tend à être plus réaliste. Elle voit le Liban tel qu'il est », avance le politologue Karim Bitar
  • Le secrétaire d'Etat adjoint chargé du Proche-Orient David Schenker a résumé l'exercice d'équilibriste dans un entretien au quotidien Annahar: Washington travaille « étroitement » avec Paris mais a de « petites divergences »

BEYROUTH : Au Liban, Paris et Washington ont l'objectif commun de sortir le pays de la crise mais des positions opposées sur le Hezbollah. Si les Etats-Unis veulent combattre l'influence du mouvement pro-iranien, la France, au nom du pragmatisme, le considère comme un acteur incontournable.

Après l'explosion du 4 août dans le port de Beyrouth, les deux capitales occidentales se rejoignent sur la nécessité de former un gouvernement radicalement différent des précédents, capable d'enclencher, enfin, des réformes structurelles pour extirper le Liban du marasme économique.

Mais sur le mouvement chiite pro-iranien Hezbollah, classé « terroriste » par Washington et militairement engagé dans le conflit syrien, les points de vue divergent.

« L'approche de la France tend à être plus réaliste. Elle voit le Liban tel qu'il est », avance le politologue Karim Bitar. Paris « reconnaît l'équilibre des forces, elle reconnaît le Hezbollah comme acteur politique majeur, qui dispose d'une large base au sein de la communauté chiite », ajoute-t-il.

A l'inverse, pour Washington, « l'influence du Hezbollah est excessive », et « elle doit être contenue le plus rapidement possible », poursuit l'expert.

Après plusieurs mois de déclarations fracassantes contre le mouvement chiite, Washington suit de près l'engagement au Liban du président Emmanuel Macron, qui a tenu à établir une distinction entre l'aile « terroriste » du Hezbollah -sa branche armée-- et ses activités politiques.

« Dans la pureté »

Le président français s'est rendu à deux reprises à Beyrouth en moins d'un mois. Son intervention a contraint les politiciens libanais, conspués par la rue et habitués aux marchandages interminables, à s'engager pour former un gouvernement sous deux semaines.

« Si je voulais être dans la pureté, je condamnerai le Hezbollah (...), je vous dirais +il faut les condamner+ » et « vous resteriez avec votre problème. (...) Je n'aurai eu aucune action utile », a plaidé Emmanuel Macron le 1er septembre devant la presse.

En échange, le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah s'est montré plutôt ouvert aux démarches de M. Macron, alors qu'il ne cesse ne dénoncer les « ingérences étrangères » des Etats-Unis.

Le chef de son bloc parlementaire Mohamed Raad faisait à chaque fois partie des responsables politiques rencontrés par M. Macron.

Ces contacts, le président français les a justifiés en expliquant que le Hezbollah était aussi « élu par le peuple », et membre de la majorité parlementaire.

La France est la seule puissance occidentale à avoir de tels rapports directs avec le mouvement chiite, et M. Macron tient à préserver un canal de communication avec lui afin d'apparaître comme un « médiateur honnête », affirme M. Bitar.

Pour faciliter ce dialogue est souvent cité le rôle de l'ambassadeur français au Liban Bruno Foucher, autrefois en poste à Téhéran.

Mais « le contact direct entre Paris et Hezbollah a toujours existé », souligne un diplomate arabe en poste à Beyrouth.

« Petites divergences »

Bien qu'en désaccord, l'administration de Donald Trump, désormais focalisée sur la présidentielle de novembre, laisse une marge de manoeuvre à la France, ajoute cette source.

In fine, les Américains seraient prêts « à tolérer » la présence du Hezbollah au gouvernement « en cas d'accord et de réformes », juge-t-elle.

De passage à Beyrouth ce mois, le secrétaire d'Etat adjoint chargé du Proche-Orient David Schenker a résumé l'exercice d'équilibriste dans un entretien au quotidien Annahar: Washington travaille « étroitement » avec Paris mais a de « petites divergences ».

La première, a-t-il expliqué, c'est la concrétisation des réformes comme « condition préalable » à toute aide financière internationale. La seconde, c'est l'étiquette « terroriste » du Hezbollah, qui n'a jamais abandonné son arsenal militaire au sortir de la guerre civile (1975-1990).

Marquant un certain mécontentement américain, M. Schenker n'a pas rencontré de responsables politiques, s'entretenant avec le chef de l'armée, des députés démissionnaires et des militants antipouvoir. Il a aussi tenu une rencontre avec des personnalités chiites hostiles au Hezbollah.

Selon un participant, il a estimé qu'on ne pouvait « pas faire confiance » au Hezbollah pour promouvoir des réformes.

Quant à la question des armes, elle est de longue date un sujet controversé.

Au Liban même, certaines voix s'élèvent pour réclamer une politique de « distanciation », en allusion à l'alliance du mouvement chiite avec l'Iran et son implication dans les conflits régionaux.

Mais les différents partis restent conscients de la suprématie conférée à l'organisation par ses armes, et de son poids dans tous les rouages de l'Etat.

Le leader druze Walid Joumblatt, pourtant hostile, l'a lui-même reconnu en commentant des déclarations du chef de la diplomatie américaine, qui jugeait que les armes du Hezbollah étaient « le défi actuel ».

« Que (Mike) Pompeo oublie les missiles pour l'instant. C'est une question qui sera résolue, politiquement, en son temps ».

Liban: Schenker appelle à des réformes drastiques
Par Najia Houssari -
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Par Jeanine Jalkh -

Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".


Les clubs de la Saudi Pro League démentent toute discussion avec Mohamed Salah

Les clubs de football saoudiens n'ont pas envisagé de négocier le transfert de l'attaquant égyptien de Liverpool Mohamed Salah vers la Ligue professionnelle saoudienne, ont déclaré mercredi des sources officielles saoudiennes à Asharq Al-Awsat. (X/@FabrizioRomano)
Les clubs de football saoudiens n'ont pas envisagé de négocier le transfert de l'attaquant égyptien de Liverpool Mohamed Salah vers la Ligue professionnelle saoudienne, ont déclaré mercredi des sources officielles saoudiennes à Asharq Al-Awsat. (X/@FabrizioRomano)
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  • Un article d’Asharq Al-Awsat qualifie d’« rumeurs infondées » les insinuations médiatiques évoquant un possible départ de Salah vers le Royaume
  • Des sources affirment que les grands clubs Al-Hilal, Al-Nassr, Al-Ittihad et Al-Ahli, ainsi qu’Al-Qadisiyah et NEOM, n’ont jamais envisagé de contacter Salah, Liverpool ou son agent

RIYAD : Les clubs saoudiens n’ont à aucun moment envisagé de négocier le transfert de l’attaquant égyptien de Liverpool, Mohamed Salah, vers la Saudi Pro League, ont indiqué mercredi des sources officielles saoudiennes à Asharq Al-Awsat.

Des spéculations médiatiques au sujet de possibles discussions entre Salah et des clubs du Royaume ont émergé plus tôt cette semaine, après que le joueur a critiqué la direction du Liverpool Football Club et l’entraîneur Arne Slot.

Cependant, des sources saoudiennes ont rejeté ces affirmations, les qualifiant de « news promotionnelles » diffusées par l’agent de Salah et son entourage.

Les clubs de la Roshn Saudi League « n’ont entrepris aucune démarche » en ce sens, notamment en raison du contrat actuel de Salah, valable jusqu’à la mi-2027, ont ajouté les sources.

Selon elles, impliquer des clubs saoudiens est devenu une pratique courante chez plusieurs joueurs internationaux en conflit avec leurs clubs, afin d’augmenter leur valeur sur le marché ou de créer un intérêt artificiel.

Les clubs Al-Hilal, Al-Nassr, Al-Ittihad et Al-Ahli, ainsi qu’Al-Qadisiyah et NEOM, n’ont tenu aucune discussion et n’ont même pas envisagé de prendre contact avec Salah, Liverpool ou son agent, ont précisé les sources.

Asharq Al-Awsat a publié mardi un démenti officiel d’une source au sein d’Al-Hilal, qualifiant les informations de « rumeurs sans fondement ».

Le journal a également publié un démenti similaire provenant de sources internes à Al-Qadisiyah, qui ont confirmé que le club, propriété d'Aramco, n'avait aucune intention de recruter Salah.

Omar Maghrabi, PDG de la SPL, a déclaré mercredi lors de son discours au World Football Summit que Salah serait le bienvenu dans le championnat saoudien, mais que les clubs restent les parties responsables des négociations avec les joueurs.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Asharq Al-Awsat