En Syrie, dix ans de guerre et une génération de photojournalistes

Le photographe syrien Sameer Al-Doumy, World Press 2016, raconte l'histoire de ses clichés lors du 33e festival de photographie «Visa Pour L'image» à Perpignan le 2 septembre 2021. (Raymond Roig/AFP)
Le photographe syrien Sameer Al-Doumy, World Press 2016, raconte l'histoire de ses clichés lors du 33e festival de photographie «Visa Pour L'image» à Perpignan le 2 septembre 2021. (Raymond Roig/AFP)
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Publié le Vendredi 03 septembre 2021

En Syrie, dix ans de guerre et une génération de photojournalistes

  • Des dizaines de Syriens que rien ne prédestinait au photojournalisme travaillent aujourd'hui pour les grandes agences de presse internationales
  • A cette époque, «il est devenu évident que ce n'était plus du tout raisonnable d'envoyer en Syrie des journalistes étrangers, cible privilégiée d'enlèvements ou de meurtres», explique le rédacteur en chef photo de l'AFP Stéphane Arnaud

PERPIGNAN, France : Sameer, Omar ou Anas sortaient tout juste de l'adolescence quand la guerre est venue tout anéantir en Syrie. Assiégés dans des villes inaccessibles aux journalistes étrangers, ils sont vite devenus, grâce à leurs photos, ces «yeux» essentiels sur les atrocités dans leur pays.

Comme eux, des dizaines de Syriens que rien ne prédestinait au photojournalisme travaillent aujourd'hui pour les grandes agences de presse internationales.

«Au début de la révolution en 2011, mes grands frères postaient sur les réseaux sociaux des photos de manifestations anti-régime prises avec leur téléphone portable. Et très vite je m'y suis mis aussi», raconte Sameer Al-Doumy, seul représentant à Perpignan, dans le sud-ouest de la France, des 16 photographes syriens auxquels le festival de photojournalisme Visa pour l'image consacre une exposition.

Dans sa ville de Douma, fief rebelle près de Damas assiégé par les troupes de Bachar al-Assad dès 2013, le jeune homme est obligé d'abandonner son projet de devenir dentiste. Dès lors, il n'a plus qu'une obsession: documenter tout ce qui s'y passe, des bombardements à l'intimité des habitants dans les abris.

A cette époque, «il est devenu évident que ce n'était plus du tout raisonnable d'envoyer en Syrie des journalistes étrangers, cible privilégiée d'enlèvements ou de meurtres», explique le rédacteur en chef photo de l'AFP Stéphane Arnaud.

L'Agence France-Presse organise alors en Turquie un atelier de formation regroupant une quinzaine de «journalistes citoyens», «afin de leur apprendre les bases du photojournalisme, et leur transmettre les attentes et la charte de l'agence», poursuit-il.

Une dizaine de jeunes se professionnalisent et deviennent ainsi des collaborateurs réguliers de l'agence. «Ils étaient essentiels pour continuer à assurer une couverture équilibrée aussi bien dans les zones pro-gouvernmentales que rebelles», indique M. Arnaud.

- «Apaiser la faim» -

Anas Alkharboutli, qui avait tout juste 20 ans quand la guerre a éclaté, a lui été contacté par l'agence de presse allemande DPA.

«Je faisais des études pour devenir ingénieur. Mais la vie, ou plutôt la guerre, a bouleversé mes plans», confie au téléphone ce photographe basé dans la province syrienne d'Idleb qui échappe au régime.

Sur une de ses photos exposée à Perpignan, on voit deux femmes entourées d'enfants dans un abri en ruines, penchées sur une casserole. «C'était pendant le siège de la Ghouta orientale (près de Damas) et ces mères de famille faisaient cuire des herbes pour apaiser la faim des enfants», se souvient Anas.

Sur une autre photo, Sameer Al-Doumy immortalise Oum Mohammad, une sexagénaire buvant le café dans son appartement éventré par un bombardement.

«C'est une femme extraordinaire. Elle-même blessée, elle s'occupait de son mari paralysé, se démenait pour trouver de l'eau, de la nourriture, et le soir prenait des cours pour apprendre à lire et à écrire», raconte, encore ému, Sameer.

Le jeune homme dit être beaucoup plus fier de «ces photos d'habitants ordinaires survivant dignement à des atrocités que de ses clichés plus +sensationnels+».

- «Rêves les plus fous» -

C'est pourtant grâce à une série de photos montrant des gens sauvés in-extremis des décombres que le jeune homme, aujourd'hui réfugié en France et collaborateur de l'AFP, a été récompensé par un World Press Photo en 2016.

Ces succès «sont la preuve que tous ces jeunes méritaient qu'on s'y attarde, qu'on leur fasse confiance», témoigne Hasan Mroué, l'un des responsables photo pour la région Moyen-Orient Afrique du Nord de l'AFP.

«On peut parfois penser qu'un journaliste étranger traitera un sujet avec plus d'+objectivité+, mais quand un local raconte les souffrances de ses concitoyens c'est une façon importante de montrer les choses», selon lui.

Omar Haj Kadour, un photographe resté à Idleb, est fier d'avoir réalisé plusieurs de ses rêves «les plus fous: devenir photojournaliste, remporter un prix international (Grand prix Varenne JRI en 2018, ndlr) et être exposé à Visa pour l'image».

«Il m'en reste un: voir moi-même mes photos exposées à l'étranger», ajoute-t-il, avouant se sentir parfois «emprisonné dans son pays».

Mais le photographe s'est fait une promesse quand la guerre a commencé: «le monde doit connaître les tragédies qui se jouent à huis-clos ici. Et tant que la guerre n'est pas terminée, mon devoir est de témoigner jusqu'au bout».

Cette guerre qui, entrée dans sa onzième année, a fait près de 400.000 morts et poussé à l'exil des millions de Syriens, selon l'ONU.


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.