L'État se prépare pour une présidentielle à haut risque cyber

Le président français Emmanuel Macron sort d'un isoloir équipé de rideaux anti-covid avant de voter alors qu'il vote dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises le 27 juin 2021. (Ludovic Marin / Pool / AFP)
Le président français Emmanuel Macron sort d'un isoloir équipé de rideaux anti-covid avant de voter alors qu'il vote dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises le 27 juin 2021. (Ludovic Marin / Pool / AFP)
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Publié le Vendredi 10 septembre 2021

L'État se prépare pour une présidentielle à haut risque cyber

  • Les attaques les plus déstabilisatrices "sortiront au dernier moment, juste avant le scrutin, mais c'est maintenant qu'il faut se protéger", souligne Gérôme Billois, l'un des auteurs de l'étude
  • Au sein de l'État, tous les ministères "peuvent être une cible, particulièrement dans la perspective de la préparation de l'élection présidentielle: si vous publiez les sujets du bac avant l'élection, vous perturbez le scrutin"

LILLE, France : Les services de l'État se préparent pour une présidentielle à haut risque cyber, les attaques informatiques et les tentatives de déstabilisation via internet et les réseaux sociaux faisant désormais partie intégrante des processus électoraux.

"Le Premier ministre a réuni l'ensemble des ministres il y a une dizaine de jours" sur les questions de sécurité informatique, a souligné cette semaine au Forum international de la cybersécurité de Lille (Fic) le secrétaire d'État au numérique Cédric O.

Au sein de l'État, tous les ministères "peuvent être une cible, particulièrement dans la perspective de la préparation de l'élection présidentielle: si vous publiez les sujets du bac avant l'élection, vous perturbez le scrutin", a-t-il expliqué.

L'Anssi, l'agence nationale gardienne de la sécurité informatique nationale, veut réunir prochainement les responsables cybersécurité des états-majors de campagne, pour prodiguer ses recommandations et établir un contact potentiellement crucial en cas de crise, a également indiqué Guillaume Poupard, le directeur général de l'agence.

De son côté, la toute nouvelle agence de lutte contre les manipulations de l'information en provenance de l'étranger (Viginum) est en train de se constituer.

Viginum, encore embryonnaire, attend notamment le décret qui précisera son mode opératoire, a expliqué à Lille Marc-Antoine Brillant, le numéro deux de l'agence rattachée au Secrétariat général de la défense nationale.

Le projet de décret est en cours d'examen par la Commission nationale informatique et liberté (Cnil), a-t-il indiqué.

"Lorsque nous aurons le cadre légal" fourni par le décret, "nous pourrons ajuster nos outils" et lancer des appels d'offres pour trouver des prestataires fournissant des outils adaptés, a indiqué M. Brillant.

– Traquer les faux comptes d'origine étrangère –

Viginum cherchera à identifier et documenter les phénomènes de propagation de contenus "manifestement malveillants", "qui ont une origine étrangère" et résultent d'un "comportement inauthentique", comme le recours à de faux comptes sur les réseaux sociaux, a rappelé Marc-Antoine Brillant.

Mais le rôle de Viginum ne sera jamais de "judiciariser les affaires", ou de viser d'authentiques internautes ayant relayé des contenus de désinformation, a-t-il précisé.

"Viginum aura une vision un peu macro (…) et en aucun cas ne s'attachera à des cas intuitu personae", a-t-il dit.

Les éléments recueillis par Viginum permettront à l'État d'agir auprès des réseaux sociaux pour qu'ils interviennent et suppriment les comptes litigieux, a complété Henri Verdier, l'ambassadeur français pour le numérique.

"Si on trouve 5.000 comptes Facebook qui en fait sont opérés par 4 acteurs, sur le fuseau horaire de Moscou, et qui se mettent toutes les deux heures à publier les mêmes choses, on est tout à fait fondé à appeler Facebook pour lui rappeler que les comportements inauthentiques et coordonnés sont interdits par ses propres conditions d'utilisation, et lui demander ce qu'il compte faire" a-t-il expliqué.

"La démocratie, ça a toujours été la controverse, et il faut que ce soit la controverse, il faut que les opinions qui ne sont pas d'accord se confrontent", a dit Henri Verdier.

"Mais ce n'est pas une raison pour que ce processus entraîne une espèce de désespérance", a-t-il ajouté.

Dans une note publiée à l'occasion du forum Fic, le cabinet de conseil en cybersécurité Wavestone et l'association de start-up France Digitale appellent de leur côté les états-majors de campagne à agir dès maintenant pour se protéger contre les cyberattaques et les tentatives de déstabilisation.

Les attaques les plus déstabilisatrices "sortiront au dernier moment, juste avant le scrutin, mais c'est maintenant qu'il faut se protéger", souligne Gérôme Billois, l'un des auteurs de l'étude, qui fournit une série de recommandations pratiques aux états-majors de campagne.

L'une de ces recommandations est par exemple de construire des "bulles de travail sécurisé" pour les équipes au cœur de la campagne.

Les messageries, boîtes mails, outils de partages de documents doivent être protégés par une authentification à double facteur, qui va au-delà du simple identifiant/mot de passe, recommande la note.

 

Les candidatures fleurissent à sept mois de la présidentielle

Les candidats à l'élection présidentielle française d'avril se bousculent au portillon, avec des dizaines de personnalités d'ores et déjà déclarées pour défier le président Emmanuel Macron qui, sauf coup de théâtre, briguera un second mandat de cinq ans.

A sept mois de l'élection reine en France, chaque camp tente de se mettre en ordre de marche, avec plus ou moins de difficultés suivant le nombre de prétendants. Les candidats doivent rassembler 500 signatures d'élus pour pouvoir participer à l'élection, et plusieurs n'y parviendront pas.

A la veille d'un week-end qui devrait être notamment marqué par l'entrée en lice de la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo et le lancement de la campagne de la finaliste de 2017, Marine Le Pen, état des lieux des principaux candidats de droite à gauche.

LE PRESIDENT SORTANT EMMANUEL MACRON

Il n'a pas encore annoncé ses intentions mais sa candidature pour une réelection ne fait de doutes pour personne. Son déplacement de trois jours à Marseille (sud) fin août a été interprété comme une entrée en campagne, même s'il s'en défend.

Les sondages le placent depuis plusieurs mois au second tour du 24 avril 2022 face à Marine Le Pen, la présidente du parti d'extrême droite, comme en 2017.

EXTREME DROITE

- Marine Le Pen, qui s'est déjà déclarée, lance sa campagne ce week-end à Fréjus (sud), où elle confiera les manettes du Rassemblement national à son numéro 2 Jordan Bardella.

Candidate pour la 3e fois, elle a travaillé ces dernières années à "lisser" l'image de son parti et le "dédiaboliser". Une stratégie qui n'a pas payé aux régionales de juin, où le RN a enregistré un cuisant échec et attisé les ambitions de l'éditorialiste d'extrême-droite Eric Zemmour.

- Ce dernier, dopé par ses succès d'audience -il présente un édito quotidien sur la chaîne de télé CNews, parfois qualifiée de "Fox news française"-, est omniprésent sur la scène médiatique, où il se fait remarquer par ses sorties radicales contre l'immigration et l'islam. Il entame la semaine prochaine une tournée en France pour promouvoir son dernier livre, et pourrait se déclarer à cette occasion. 

DROITE

- Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé puis du Travail, a été l'un des premiers à se déclarer, en mars dernier. Président du conseil régional des Hauts-de-France (nord), où il a été confortablement réélu après les régionales, il refuse jusqu'à présent de participer à une primaire au sein de son parti Les Républicains (LR).

- Michel Barnier, l'ex "Monsieur Brexit" de l'Union européenne, Valérie Pécresse, la présidente de la région parisienne Ile-de-France, le député des Alpes maritimes (sud) Eric Ciotti, et le maire et médecin Philippe Juvin comptent, eux, respecter la règle du jeu en cas de primaire. Le parti doit trancher sur son organisation, ou pas, lors d'un congrès le 25 septembre.

A droite toujours, Nicolas-Dupont-Aignan, le président de Debout la France, qui avait rallié au second tour en 2017 Marine Le Pen mais a perdu depuis des militants partis au RN, laboure de nouveau le créneau souverainiste.

GAUCHE et EXTRÊME-GAUCHE

Le souhait récurrent à chaque élection d'une candidature commune gauche-écologistes s'est encore évanoui, et les candidatures se multiplient, malgré le risque d'éparpillement des voix.

- Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris qui tente depuis plusieurs mois de monter en puissance au plan national, officialisera sa candidature dimanche à Rouen (ouest).

Anne Hidalgo n'est pour l'instant créditée que de 7 à 9% des voix selon les sondages, mais ses soutiens affirment que "le match n'est pas joué".

- l'ex-socialiste et ex-ministre Arnaud Montebourg s'est dévoilé début septembre, s'estimant "légitime", malgré l'offre pléthorique à gauche.

Un vote interne des militants socialistes, promis par le premier secrétaire Olivier Faure, interviendra après le congrès du PS fin septembre.

- Le communiste Fabien Roussel défend pour sa part la légitimité de sa candidature et assure que les voix qu'il obtiendra en avril 2022 "s'ajouteront au total de la gauche".

- Jean-Luc Mélenchon, le tribun de la gauche radicale, qui n'a pas digéré son échec au premier tour de 2017, malgré ses 20% de voix, s'est déclaré depuis plusieurs mois, et a lancé une offensive pour convaincre les abstentionnistes des classes populaires.

 

ECOLOGISTES

Les écologistes d'EELV, qui ont fait de bons scores lors d'élections récentes mais sont divisés, ont fait le choix de la primaire, dont le premier tour, entre le 16 et le 19 septembre, verra s'affronter cinq candidats: l'eurodéputé Yannick Jadot, le maire de Grenoble (est) Eric Piolle, Sandrine Rousseau, l'ancienne ministre Delphine Batho et Jean-Marc Governatori.

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.