Les côtes soudanaises au cœur d'une bataille géostratégique

A Port-Soudan, depuis un mois, les manifestants ont brutalement coupé l'approvisionnement du Soudan tout entier (Photo, AFP).
A Port-Soudan, depuis un mois, les manifestants ont brutalement coupé l'approvisionnement du Soudan tout entier (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 octobre 2021

Les côtes soudanaises au cœur d'une bataille géostratégique

  • S'étirant sur 714 kilomètres de l'Egypte au nord à l'Erythrée au sud, le riche littoral soudanais est depuis des décennies au coeur de batailles d'influence et d'alliances changeantes
  • Depuis un mois, le principal port du Soudan est en grande partie fermé par des manifestants qui accusent Khartoum de ne pas accorder à l'Est la représentation qu'il mérite

SUAKIN: De Washington à Moscou en passant par Ankara, les ports soudanais, dont Port-Soudan bloqué par des manifestants, et un chapelet d'îles sur la mer Rouge aiguisent appétits commerciaux et intérêts militaires, affirment les experts.

S'étirant sur 714 kilomètres de l'Egypte au nord à l'Erythrée au sud, le riche littoral soudanais --en or comme en biodiversité marine-- est depuis des décennies au coeur de batailles d'influence et d'alliances changeantes. Et ce déjà sous le dictateur Omar el-Béchir, emporté en 2019 après 30 années de règne sans partage par une révolte populaire.

"Les ports soudanais de la mer Rouge sont un carrefour commercial pour de nombreux pays continentaux comme le Tchad, l'Ethiopie et la République centrafricaine", explique à l'AFP Ahmed Mahjoub, directeur des docks sud de Port-Soudan, une vaste infrastructure dans le nord-est du pays qui compte plusieurs terminaux.

Depuis un mois, le principal port du Soudan est en grande partie fermé par des manifestants qui accusent Khartoum de ne pas accorder à l'Est la représentation qu'il mérite au sein des nouvelles autorités. 

De ce fait, la plupart des bateaux ont été redirigés vers d'autres ports de la région, principalement égyptiens.

Cette mobilisation n'est que le dernier épisode d'une longue lutte de pouvoir sur les rives soudanaises de la mer Rouge, colorées par mangroves et coraux.

Les manifestants de l'Est visent le poumon commercial d'un Soudan déjà exsangue

Partout, des centaines de camions chargés de marchandises import-export ou de carburant pour faire tourner les usines et alimenter les centrales attendent: à Port-Soudan, depuis un mois, les manifestants ont brutalement coupé l'approvisionnement du Soudan tout entier.

Les protestataires coupent les routes menant vers les autres provinces et surtout vers Khartoum, ont bloqué un temps l'aéroport de Port-Soudan et la quasi-totalité des docks de Port-Soudan. 

Dans un pays déjà pris à la gorge par des décennies de sanctions américaines levées récemment, ces blocages font perdre chaque jour "50 à 60 millions de dollars", assure à l'AFP l'économiste Mohamed al-Nayer.

De son côté, l'Union des armateurs rapporte qu'en septembre seuls 27 navires ont pu accoster au Soudan, contre 65 en août. Beaucoup ont en fait été détournés, notamment vers l'Egypte, pour pouvoir décharger leurs marchandises.

Ahmed Mahjoub, directeur des docks sud de Port-Soudan rappelle que "60% du commerce du Soudan, soit environ 1.200 containers par jour, transitent par Port-Soudan". 

Chaque jour de fermeture représente donc "des centaines de milliers de dollars de perte".

Un coup dur pour l'économie soudanaise déjà à genoux et forcée à l'austérité par le Fonds monétaire international (FMI) qui a effacé sa dette en échange de la suppression de subventions, notamment sur les carburants. 

Pour tenter de calmer le mouvement de protestation, le Premier ministre Abdallah Hamdok a parlé d'une cause "juste", reconnaissant que la région était "la plus pauvre alors qu'elle est la plus riche en ressources".

Ce qu'il faut au plus vite, pour M. Nayer, c'est un accord. "Car un blocus plus long aura des conséquences catastrophiques". 

Chapelet d'îles

Autre port sur la côte soudanaise: Suakin. Ce port de commerce florissant sous l'empire ottoman a été laissé à l'abandon depuis la construction par les Britanniques au début du XXe siècle de Port-Soudan, à une trentaine de kilomètres plus au nord. 

Fin 2017, Béchir avait signé avec le président turc Recep Tayyip Erdogan un bail de 99 ans pour qu'Ankara restaure Suakin, connu notamment pour ses somptueux bâtiments en calcaire corallien sous le pharaon Ramsès II et dont des vestiges sont encore visibles. 

Aujourd'hui, les travaux de rénovation des bâtiments historiques sont en cours sur la presqu'île alors que ceux concernant les infrastructures du port n'ont pas encore débuté, ont constaté des journalistes de l'AFP.

L'accord entre Ankara et Khartoum avait suscité l'inquiétude des grands rivaux sunnites régionaux de la Turquie, l'Arabie saoudite et l'Egypte, toutes deux bordées par la mer Rouge et qui redoutaient qu'Ergodan n'étende son influence dans la région.

Le Soudan compte par ailleurs de nombreuses îles qui sont, assurent les experts, "vitales pour sa sécurité nationale". "Mais elles sont inhabitées et peuvent donc être utilisées pour des activités illégales comme la contrebande", prévient le spécialiste de la mer Rouge Ahmed Abdelaziz. 

Ensemble, leur superficie atteint 23.100 kilomètres carrés, affirme Chaima Abdelsamie, elle aussi universitaire. Soit l'équivalent de la superficie de Djibouti qui, plus au sud, accueille notamment des bases militaires française et américaine. 

«Couloir clé»

Avec une telle surface, ces îles pourraient servir de postes d'observation ou de terrains pour des manoeuvres militaires, assure Mme Abdelsamie.

Et cela n'a échappé à personne. Sous Béchir, l'Iran y stationnait des navires au grand dam de son ennemi saoudien.

En 2017, l'autocrate --alors sous sanctions américaines-- s'était aussi tourné vers Moscou. Il avait négocié avec le président Vladimir Poutine la construction d'une base navale à Port-Soudan pour accueillir jusqu'à 300 hommes, militaires et civils, et même des navires à propulsion nucléaire.

L'an dernier, après la chute du despote, la Russie avait annoncé avoir signé avec Khartoum un accord prévoyant la construction et la gestion de cette base sous 25 ans.

Mais en juin dernier, le Soudan, que les Etats-Unis venaient de retirer de leur liste des pays soutenant le terrorisme, a dit "réexaminer" l'accord.

Car Washington a aussi un oeil sur la mer Rouge. "C'est un couloir clé pour les flottes américaines", assure Mme Abdelsamie, car "elle relie la VIe flotte", basée en Italie sur la Méditerranée "à la  Ve flotte basée dans le Golfe" à Bahreïn.

D'où "la course pour le contrôle des ports soudanais", résume-t-elle. 


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.