Au procès Charlie, l’audience se concentre sur l’assassinat d’Ahmed Merabet

Procès Charlie Hebdo, devant la cour d'assises spéciale
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Publié le Vendredi 18 septembre 2020

Au procès Charlie, l’audience se concentre sur l’assassinat d’Ahmed Merabet

  • «Cinq ans après, la douleur est toujours présente. J’attends que justice soit faite, j’ai confiance en la justice des hommes», déclare la sœur d’Ahmed Merabet à la barre
  • «On a fait ce qu’on pouvait, mais peut-être aurait-on pu arriver plus tôt. Ces regrets, je les aurai toujours»

TRIBUNAL DE PARIS : Quatorze personnes, dont trois en fuite, suspectées d’avoir apporté leur aide aux terroristes des attentats de janvier 2015, sont jugées depuis trois semaines par une cour d’assises spéciale du tribunal de Paris.

Les audiences du 14 septembre sont consacrées à l’attaque brutale, d’une violence inouïe, perpétrée par les frères Kouachi, le 7 janvier 2015, dans les locaux de Charlie Hebdo, et plus précisément à l’assassinat du policier Ahmed Merabet.

Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, a fait une déclaration publique, dès l’ouverture de l’audience, au sujet des nouvelles menaces d’Al Qaïda contre le journal satirique. Il précise que ces menaces ne visent pas seulement les médias, les personnes juives ou musulmanes. «66 millions de Français sont menacés», insiste-t-il.

La Cour a entendu les témoignages des membres de la famille et des anciens collègues d’Ahmed Merabet. L’ambiance est particulièrement poignante lorsque les membres de la famille du policier tué sont appelés à la barre. Une des sœurs qualifie cette tragédie de «plaie ouverte».

«Cinq ans après, la douleur est toujours présente. […] J’attends que justice soit faite, j’ai confiance en la justice des hommes», déclare-t-elle à la barre.

«Comment voyez-vous votre futur sans Ahmed ?», lui demande son avocat, et la sœur du policier répond : «J’ai du mal, on vit au jour le jour, il me manque énormément […]. Cette tragédie a brisé ma famille, nous avons une plaie ouverte qui ne se refermera jamais. Maman est éteinte, elle n’a plus goût à rien, elle s’inquiète en permanence», témoigne-t-elle, submergée par l’émotion.

Un sentiment de culpabilité

Lors des audiences, ceux qu’on les appelle les « primo intervenants » gardent des séquelles psychiques quasi permanentes, des flashs de ces scènes traumatiques qui ne quittent pas leurs pensées et perturbent leur vie personnelle et professionnelle à jamais.

À l’époque gardiens de la paix ou adjoints de sécurité, agents débutants ou expérimentés, tous évoquent le caractère macabre de cette matinée du 7 janvier 2015 et relatent leur effroi au moment de la découverte du massacre. « C’est une scène de guerre », répètent-ils au fil des passages.

À la barre, ses anciens collègues décrivent Ahmed Merabet comme un homme « discret, droit, sur qui on peut compter ». Un autre précise : « Dès qu’on demandait du renfort, il était disponible pour épauler ses collègues ; au travail, il était très professionnel. »

D’autres policiers de la BAC du XIe arrondissement de Paris ont exprimé, quant à eux, leurs regrets de n’avoir pas pu faire plus pour éviter le massacre ; un sentiment de culpabilité qui les poursuivra à jamais. Les témoignages des policiers se succèdent et révèlent les mêmes séquelles : insomnies, crises d’angoisse, hypervigilance, sentiment d’invincibilité, et de lourds regrets. « J’étais persuadée que si j’en avais tué un, ou simplement maîtrisé un, peut-être qu’Ahmed serait vivant, explique Élodie, policière de la BAC du XIe arrondissement, très émue, lors de son témoignage à la barre. Je vis encore avec les regrets », affirme-t-elle.

Un sentiment partagé par son chef de bord Jean-Sébastien qui, lors de son témoignage affirme : « J’ai un regret : je suis vraiment désolé pour la famille d’Ahmed de ne pas avoir pu faire plus. On a fait ce que l’on pouvait, mais peut-être aurait-on pu arriver plus tôt. Ces regrets, je les aurai toujours », explique le chef de bord, à la barre.

L’assassinat de l’un des leurs est effroyable, soudain, rapide. Ils ont été appelés en raison de suspicions de tirs. Ils arrivent rue Nicolas-Appert, et ne comprennent pas de ce qui s’y passe : « Pour moi, rue Nicolas-Appert, il n’y a pas de banque, pas de bijouterie, il n’y a rien », note G., gardienne de la paix, arrivée en VTT avec sa brigade sur les lieux. « Il ne se passe rien dans cette rue, confirme son chef de bord, on est étonné du genre d’appel qu’on a reçu. On ne voit personne ; au bout de la rue, on voit un homme qui décharge quelque chose d’un camion. »

Charlie Hebdo, la cible des terroristes

Personne ne savait que la cible était le journal satirique Charlie Hebdo, dont les locaux se situent à proximité, dans une rue qui longe le boulevard Richard-Lenoir. G. se retrouve, plus tard, face aux terroristes lorsqu’ils sortent des locaux. « Je vois deux hommes armés, cagoulés, qui tirent sur nous. Ce sont des tirs précis, coup par coup. Mon collègue n’avance pas, il est tétanisé », précise-t-elle lors de son audition. J’entends mon autre collègue qui dit : “Cours, cours !” Je cours et j’entends le “poum, poum” des balles », déclare-t-elle à la barre.

En effet, ce n’est qu’après une forte détonation que les primo intervenants comprennent qu’il se passe quelque chose de grave. Les scènes de chaos s’enchaînent, les équipements radio de la police sont saturées, les messages entre équipes ne passent pas. Les balles pleuvent, les policiers tentent de les éviter, les frères Kouachi sortent du bâtiment et les tirs se succèdent, semant la panique dans tout le quartier.

« Avec Ahmed, on s’est mis a couvert à côté d’un buisson du terre-plein central. Ahmed s’est levé, j’ai entendu une nouvelle détonation, et je suis resté à couvert », raconte Vincent, adjoint de la sécurité au moment des faits – une jeune recrue.

Ahmed Merabet est touché à la jambe, les frères Kouachi s’approchent, visent sa tête et tirent à bout portant. Après la fuite des djihadistes, Vincent est le premier à rejoindre son collègue. « J’ai vu Ahmed dans une mare de sang […]. J’ai regardé son visage. » Étranglé par l’émotion, le collègue poursuit : « J’ai demandé à Ahmed : “Est-ce que tu m’entends ?” […]. J’étais perdu », explique-t-il à la barre.

Cette scène insoutenable, largement diffusée sur les réseaux sociaux, hante toujours les proches d’Ahmed Merabet. « En quelques secondes, ma vie s’est effondrée. J’aurais voulu ne jamais voir cette vidéo qui ne s’effacera jamais de ma mémoire », témoigne l’une des sœurs d’Ahmed Merabet à la barre.

À la fin de l’audience, à la demande du président de la Cour, les accusés ont pris la parole. Abdelaziz Abbad, détenu depuis le 28 avril 2017, exprime sa compassion et souhaite « beaucoup de courage à la famille du policier abattu », et espère qu’ils auront des réponses. Miguel Martinez, lui, présente ses condoléances à la famille Merabet, et fait part du courage des policiers face aux assassins, les frères Kouachi. Saïd Makhlouf, détenu depuis le 13 mars 2015, affirme, en faisant référence aux auteurs des actes terroristes : « Ils se disent musulmans, et ils tuent des musulmans. »

Les parties civiles, quant à elles, espèrent que la justice sera rendue, même si cela ne pourra jamais faire oublier l’exécution brutale des proches, ni les traumatismes et les bouleversements qu’elle a provoqués. Chacune d’elles regrette de ne pouvoir expliquer ou comprendre ces actes abjects qui ont détruit tant de vies.


Macron et Tusk vont signer un traité renforçant le partenariat franco-polonais

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'une cérémonie à l'Arc de Triomphe pour le 80e anniversaire du Jour de la Victoire en Europe, marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, à Paris, le 8 mai 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'une cérémonie à l'Arc de Triomphe pour le 80e anniversaire du Jour de la Victoire en Europe, marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, à Paris, le 8 mai 2025. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk vont signer vendredi à Nancy, dans l'est de la France, un traité d'amitié renforçant le partenariat entre les deux pays

NANCY: Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk vont signer vendredi à Nancy, dans l'est de la France, un traité d'amitié renforçant le partenariat entre les deux pays, signe du poids grandissant en Europe de la Pologne, acteur-clé sur le flanc est face à la Russie.

Les deux dirigeants se retrouveront à 12H45 (10H45 GMT) dans la cité lorraine pour une séquence chargée de symboles, entre la Journée de l'Europe, qui célèbre cette année les 75 ans de la construction européenne, et un imposant défilé militaire sur la Place Rouge pour les 80 ans de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Avec en toile de fond la guerre en Ukraine qui, trois ans après le début de l'offensive russe, ne faiblit pas malgré la promesse de Donald Trump d'y mettre fin. Et une menace de désengagement américain qui pousse l'Europe à se réarmer massivement.

Dans ce contexte, le traité d'amitié et de coopération renforcée entre la France et la Pologne va "changer la donne", notamment en matière de sécurité et de défense, promet Donald Tusk.

Les deux pays avaient déjà conclu un tel traité bilatéral en 1991, alors que la Pologne sortait du glacis soviétique, après la chute du Rideau de fer, mais moins ambitieux.

"L'objectif de ce traité, c'est de consacrer l'amitié franco-polonaise, et de renforcer dans la sécurité, la défense, les infrastructures, l'énergie et toute une série d'autres domaines notre partenariat bilatéral", explique la présidence française.

- "Anomalie" -

Emmanuel Macron entend ainsi rehausser la relation avec Varsovie au niveau de celle déjà actée avec l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne à travers les traités de l'Elysée (1963), du Quirinal (2021) et de Barcelone (2023).

La Pologne est "un partenaire que pendant trop longtemps (...) on a un peu négligé", a reconnu vendredi sur RTL le ministre français chargé de l'Europe Benjamin Haddad, qui sera aux côté d'Emmanuel Macron à Nancy.

"Il n'y avait pas de raison, c'était même une anomalie, de considérer que nous avions un traité privilégié avec l'Allemagne (renforcé à Aix-la-Chapelle en 2019, ndlr), que nous avions rehaussé notre relation avec l'Italie et avec l'Espagne, mais pas avec elle", souligne l'Elysée.

Craignant la menace du grand voisin russe et soutien actif de l'Ukraine, la Pologne, pays de quelque 38 millions d'habitants, s'est lancée dans un programme de modernisation accélérée de son armée et est devenue un acteur politique et militaire majeur en Europe.

Jusqu'ici très dépendante des Etats-Unis pour sa défense, elle est profondément ébranlée par le climat d'incertitude généré par les ambivalences de Donald Trump envers l'Europe.

La France espère, elle, renforcer la coordination militaire et diplomatique dans la région, et ne plus laisser les Etats-Unis dominer le dialogue avec les Polonais.

Elle mise aussi sur un nouveau marché pour son industrie de défense au moment où Varsovie cherche à se doter d'avions de transport, d'avions-ravitailleurs ou encore de sous-marins.

- "Intérêts vitaux" -

Varsovie s'intéresse de son côté à l'idée française d'un parapluie nucléaire européen. Une proposition jugée "très prometteuse" par Donald Tusk et qui retient aussi l'attention de Berlin.

La France est le seul pays d'Europe occidentale, avec le Royaume-Uni, doté de l'arme nucléaire. Les autres pays européens membres de l'Otan sont jusqu'ici sous le parapluie de la dissuasion nucléaire américaine.

Mais face aux remous transatlantiques, Emmanuel Macron s'est dit prêt à "ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen".

Comme ses prédécesseurs, il a relevé à plusieurs reprises que les intérêts vitaux de la France, à la base de sa doctrine de dissuasion, avaient une "dimension européenne", qui pourrait donc inclure des pays voisins, voire au-delà.

Mais il a aussi souligné que "quoi qu'il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République".

Soucieux des symboles, Emmanuel Macron et Donald Tusk signeront ce nouveau traité dans un décor chargé d'histoire pour les deux pays, déjà liés par une amitié séculaire.

Nancy fut la résidence du roi de Pologne Stanislas Leszczynski, devenu duc de Lorraine après avoir été exilé de son pays, et beau-père du roi de France Louis XV. Les retrouvailles des deux dirigeants auront lieu place Stanislas, joyau architectural de la ville.

La signature interviendra une semaine avant l'élection présidentielle en Pologne, le 18 mai, pour laquelle le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski, candidat de la Coalition civique (KO) de Donald Tusk, est donné favori.


Macron appelle le président al-Chareh à protéger "tous les Syriens" mais justifie sa venue en France

Le président français Emmanuel Macron (à droite) et le président syrien Ahmed al-Sharaa assistent à une conférence de presse commune après une réunion au palais de l'Élysée à Paris, le 7 mai 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à droite) et le président syrien Ahmed al-Sharaa assistent à une conférence de presse commune après une réunion au palais de l'Élysée à Paris, le 7 mai 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron a exhorté mercredi à Paris le président syrien Ahmad al-Chareh à protéger "tous les Syriens sans exception" mais a justifié la venue en France de ce dirigeant au passé de jihadiste
  • Le président français semble clairement faire le pari d'accompagner la transition dirigée par une coalition islamiste depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre

PARIS: Emmanuel Macron a exhorté mercredi à Paris le président syrien Ahmad al-Chareh à protéger "tous les Syriens sans exception" mais a justifié la venue en France de ce dirigeant au passé de jihadiste, vivement critiquée par une partie de la classe politique française.

Le président français semble clairement faire le pari d'accompagner la transition dirigée par une coalition islamiste depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre. Ahmad al-Chareh, accueilli à l'Elysée avec les honneurs de la garde républicaine pour sa première visite officielle dans un pays occidental, l'en a vivement remercié.

A ses côtés lors d'une rare conférence de presse conjointe, après un entretien de plus de deux heures, Emmanuel Macron lui a demandé de "tout mettre en œuvre pour assurer la protection de tous les Syriens sans exception, quelles que soient leur origine, leur religion, leur confession, leurs opinions".

Il lui a aussi dit qu'il devait "s'assurer que les auteurs" des récentes violences soient "poursuivis et jugés". Il a même plaidé pour que l'Union européenne "sanctionne systématiquement les auteurs de ces crimes qui ont profondément choqué tous les amis de la Syrie".

Des massacres qui ont fait 1.700 morts, majoritairement alaouites, dans l'ouest du pays en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG ont soulevé des doutes sur la capacité des nouvelles autorités à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.

Et ce alors même que la coalition islamiste tente de présenter un visage rassurant à la communauté internationale qui l'exhorte à respecter les libertés et protéger les minorités.

- "Postures" -

La sécurité des Syriens est "la première priorité", a assuré Ahmad al-Chareh à l'Elysée.

Il a aussi martelé qu'il n'y aurait "pas de place pour les confrontations confessionnelles" en Syrie, et a estimé avoir "prouvé" être "un partenaire fiable pour la lutte contre le terrorisme".

En jeu, la levée des sanctions imposées au pouvoir de Bachar al-Assad, qui pèsent lourdement sur l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile, avec, selon l'ONU, 90% des Syriens vivant sous le seuil de pauvreté.

"Rien ne justifie qu'elles soient maintenues", a lancé le président syrien.

Emmanuel Macron a abondé dans son sens: il a plaidé pour une "levée des sanctions" économiques européennes dès juin, et a appelé les Etats-Unis à en faire autant, quitte à refaire le point régulièrement pour voir si Damas tient ses engagements.

Il a aussi estimé que Washington devait retarder "au maximum" le retrait annoncé de la moitié de leurs militaires déployés en Syrie dans le cadre de la coalition contre les jihadistes du groupe Etat islamique.

Le président al-Chareh a longtemps dirigé le groupe armé Hayat Tahrir al-Sham issu de l'ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie. Il a tenu à se démarquer des "actes terroristes", notamment de ceux menés en France par des jihadistes passés en Syrie.

Mais à ce titre, l'invitation faite par Emmanuel Macron a été critiquée par la droite et l'extrême droite françaises.

"Stupeur et consternation", a réagi la leader du Rassemblement national Marine Le Pen. "On ne reçoit pas des dirigeants qui sont d'anciens terroristes membres d'organisations qui veulent attaquer la France", a également affirmé le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez.

Des "postures à des fins politiciennes pour parler à des électorats", a balayé le président français.

"Ce que je vois, c'est qu'il y a un dirigeant qui est en place. Il a mis fin à un régime que nous avions condamné, combattu, dont nous connaissons la responsabilité et il est prêt à s'engager. Les premiers actes ont conduit à des résultats", a-t-il ajouté, estimant qu'Ahmad al-Chareh était "lucide".

Plusieurs dizaines de membres des minorités religieuses syriennes ont d'ailleurs manifesté mercredi la place de la République, à Paris, sous le drapeau syrien.

"Jolani dégage ! Dégage de France, dégage de Syrie !", ont crié les manifestants issus des communautés alaouites, druzes, chrétiennes ou encore sunnites, en utilisant l'ex-nom de guerre d'Ahmad al-Chareh.

Auparavant, le dirigeant syrien avait rencontré l'homme qui avait été à l'origine de milliers de photos de corps suppliciés dans des centres de détention syriens sous le règne de Bachar al-Assad. Aujourd'hui installé en France, Farid al-Mazhan, alias César, avait témoigné devant une commission du Congrès américain, et ses photos ont inspiré une loi américaine adoptée en 2020 -la loi César-, instaurant des sanctions économiques contre le régime syrien.


Macron reçoit Al-Chareh pour donner un nouvel élan à la transition et à la reconstruction de la paix

Le président intérimaire de la Syrie, Ahmed al-Chareh, prononce un discours à Damas le 29 mars 2025. (AFP)
Le président intérimaire de la Syrie, Ahmed al-Chareh, prononce un discours à Damas le 29 mars 2025. (AFP)
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  • Cette rencontre affirme l’Élysée, s’inscrit dans la continuité d’un engagement historique de la France en faveur du peuple syrien, porté avec constance depuis 2011
  • En effet, dès les premières heures du conflit, la France s’est positionnée sans ambiguïté contre la répression du régime de Bachar el-Assad

PARIS: La rencontre à Paris entre le président français Emmanuel Macron et le président syrien de transition Ahmed al-Chareh (aujourd’hui mercredi 7 mai), qui effectue son premier déplacement en Europe s’annonce comme un moment diplomatique majeur.

Cette rencontre, affirme l’Élysée, s’inscrit dans la continuité d’un engagement historique de la France en faveur du peuple syrien, porté avec constance depuis 2011.

En effet, dès les premières heures du conflit, la France s’est positionnée sans ambiguïté contre la répression du régime de Bachar el-Assad et a soutenu les aspirations du peuple syrien à une Syrie libre, souveraine, pluraliste et stable.

La visite d’Al-Chareh à Paris vise à amorcer une nouvelle étape dans ce soutien, d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte brouillé et complexe, marqué par des exactions alarmantes contre les minorités.

À la fragilité des jeunes autorités de transition face à un contexte politique et économique tendu, s’ajoutent des marqueurs de tensions régionaux, tels que l’instabilité sur les frontières libanaises, et les incursions militaires israéliennes perpétuelles, sans oublier la présence des terroristes de Daech.

Autant d’enjeux, pour la sécurité des Syriens, celle de la région et de la France, qui seront au menu des entretiens entre Macron et Al-Chareh.

Depuis la mise en place des autorités de transition, à la suite de la chute du dictateur Bachar el-Assad, le 8 décembre dernier, plusieurs étapes fondamentales ont été franchies, par les autorités de transition.

L’annonce d’un dialogue national, la promulgation d’une déclaration constitutionnelle, la nomination d’un nouveau gouvernement (fin mars), tous ces jalons montrent, selon l’Élysée, la volonté d’instaurer une nouvelle gouvernance inclusive.

Toutefois, ce processus reste incomplet. La France plaidera donc, au cours de la rencontre, pour son approfondissement et pour le respect effectif des droits de tous les Syriens, sans distinction de communauté, d’origine ou de confession.

Les violences récentes, en particulier les massacres sur la côte alaouite et les tensions intercommunautaires dans le sud de Damas, ont ravivé les inquiétudes internationales.

La France réclame des réponses claires, insiste l’Élysée, en appelant à «une enquête impartiale sur ces exactions ainsi qu’à la création d’une commission judiciaire indépendante». Tout en soulignant que plus d’une centaine d’auditions ont déjà eu lieu, Paris rappelle que la justice doit aller jusqu’au bout afin de garantir que «la protection de tous les civils, sans distinction, demeure une priorité absolue».

La France s’est trouvée en première ligne pour que la justice internationale enquête sur les crimes commis par le régime Assad, notamment l’usage d’armes chimiques. Cet impératif de justice demeure inchangé, et c’est dans cette logique que Paris «soutient la mise en place de mécanismes de sanctions européens» visant les responsables de ces exactions, qu’il s’agisse d’anciens cadres du régime ou de nouveaux acteurs de la violence.

Lors de la rencontre, le président français réaffirmera que «la réconciliation nationale ne saurait se construire sans vérité ni justice».

Autre priorité au cœur des échanges, la lutte contre le terrorisme, et en particulier contre Daech, qui demeure une menace persistante. La France, indique l’Élysée, attend de la Syrie «des garanties claires quant à la poursuite des opérations antiterroristes».

Les déclarations du président Al-Chareh vont dans ce sens, mais des engagements concrets seront attendus, notamment en ce qui concerne la coopération avec les alliés kurdes, partenaires historiques de la coalition internationale.

La France a salué l’accord du 10 mars dernier qui relance un processus de dialogue interkurde prometteur. Elle encourage par ailleurs sa poursuite et sa consolidation dans un esprit d’unité nationale.

La rencontre portera également sur l’ancrage régional de la Syrie. «La stabilité au Levant est plus que jamais essentielle», selon l’Élysée, et la France appuie la pleine réaffirmation de la souveraineté syrienne, «condition indispensable à la pacification des frontières, en particulier avec le Liban».

Lors de discussions précédentes, notamment en marge de la visite du président libanais Joseph Aoun à Paris le 25 mars, des échanges ont eu lieu sur la sécurité régionale, la question des réfugiés et la coopération sécuritaire en Méditerranée. Ces sujets, indique l’Élysée, «seront approfondis, dans un esprit de solidarité régionale et de responsabilité partagée».

Concernant la situation économique, le défi est immense. La Banque mondiale estime à 250 milliards de dollars les besoins de reconstruction en Syrie.

L’Union européenne, avec le soutien actif de la France, a récemment allégé certaines sanctions sectorielles pour encourager une reprise économique encadrée.

Ce soutien reste conditionné à des engagements fermes: transparence, lutte contre la corruption, réforme de la Banque centrale et garanties sur l’utilisation des fonds.

Le président français «mettra l’accent sur l’importance d’attirer des investissements internationaux responsables et de jeter les bases d’un développement durable», souligne l’Élysée, rappelant que «la transition en Syrie ne pourra réussir que si elle améliore concrètement les conditions de vie du peuple syrien et permet un retour progressif des réfugiés dans la dignité et la sécurité».

Depuis 2011, la France s’est engagée dans une aide humanitaire continue. L’enjeu actuel consiste à passer à une nouvelle étape, celle de la reconstruction.

La conférence de Bruxelles 9 a marqué un tournant en ce sens, avec 2,5 milliards d’euros mobilisés par l’Union européenne. Ces fonds visent autant à soutenir les Syriens déplacés qu’à appuyer les pays voisins qui les accueillent.

Le président Al-Chareh rencontrera, à Paris, plusieurs partenaires institutionnels et économiques en vue d’initier des projets concrets. La France, affirme l’Élysée, accompagnera cette dynamique, dans le respect du cadre politique défini par la transition.