Au procès Charlie, l’audience se concentre sur l’assassinat d’Ahmed Merabet

Procès Charlie Hebdo, devant la cour d'assises spéciale
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Publié le Vendredi 18 septembre 2020

Au procès Charlie, l’audience se concentre sur l’assassinat d’Ahmed Merabet

  • «Cinq ans après, la douleur est toujours présente. J’attends que justice soit faite, j’ai confiance en la justice des hommes», déclare la sœur d’Ahmed Merabet à la barre
  • «On a fait ce qu’on pouvait, mais peut-être aurait-on pu arriver plus tôt. Ces regrets, je les aurai toujours»

TRIBUNAL DE PARIS : Quatorze personnes, dont trois en fuite, suspectées d’avoir apporté leur aide aux terroristes des attentats de janvier 2015, sont jugées depuis trois semaines par une cour d’assises spéciale du tribunal de Paris.

Les audiences du 14 septembre sont consacrées à l’attaque brutale, d’une violence inouïe, perpétrée par les frères Kouachi, le 7 janvier 2015, dans les locaux de Charlie Hebdo, et plus précisément à l’assassinat du policier Ahmed Merabet.

Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, a fait une déclaration publique, dès l’ouverture de l’audience, au sujet des nouvelles menaces d’Al Qaïda contre le journal satirique. Il précise que ces menaces ne visent pas seulement les médias, les personnes juives ou musulmanes. «66 millions de Français sont menacés», insiste-t-il.

La Cour a entendu les témoignages des membres de la famille et des anciens collègues d’Ahmed Merabet. L’ambiance est particulièrement poignante lorsque les membres de la famille du policier tué sont appelés à la barre. Une des sœurs qualifie cette tragédie de «plaie ouverte».

«Cinq ans après, la douleur est toujours présente. […] J’attends que justice soit faite, j’ai confiance en la justice des hommes», déclare-t-elle à la barre.

«Comment voyez-vous votre futur sans Ahmed ?», lui demande son avocat, et la sœur du policier répond : «J’ai du mal, on vit au jour le jour, il me manque énormément […]. Cette tragédie a brisé ma famille, nous avons une plaie ouverte qui ne se refermera jamais. Maman est éteinte, elle n’a plus goût à rien, elle s’inquiète en permanence», témoigne-t-elle, submergée par l’émotion.

Un sentiment de culpabilité

Lors des audiences, ceux qu’on les appelle les « primo intervenants » gardent des séquelles psychiques quasi permanentes, des flashs de ces scènes traumatiques qui ne quittent pas leurs pensées et perturbent leur vie personnelle et professionnelle à jamais.

À l’époque gardiens de la paix ou adjoints de sécurité, agents débutants ou expérimentés, tous évoquent le caractère macabre de cette matinée du 7 janvier 2015 et relatent leur effroi au moment de la découverte du massacre. « C’est une scène de guerre », répètent-ils au fil des passages.

À la barre, ses anciens collègues décrivent Ahmed Merabet comme un homme « discret, droit, sur qui on peut compter ». Un autre précise : « Dès qu’on demandait du renfort, il était disponible pour épauler ses collègues ; au travail, il était très professionnel. »

D’autres policiers de la BAC du XIe arrondissement de Paris ont exprimé, quant à eux, leurs regrets de n’avoir pas pu faire plus pour éviter le massacre ; un sentiment de culpabilité qui les poursuivra à jamais. Les témoignages des policiers se succèdent et révèlent les mêmes séquelles : insomnies, crises d’angoisse, hypervigilance, sentiment d’invincibilité, et de lourds regrets. « J’étais persuadée que si j’en avais tué un, ou simplement maîtrisé un, peut-être qu’Ahmed serait vivant, explique Élodie, policière de la BAC du XIe arrondissement, très émue, lors de son témoignage à la barre. Je vis encore avec les regrets », affirme-t-elle.

Un sentiment partagé par son chef de bord Jean-Sébastien qui, lors de son témoignage affirme : « J’ai un regret : je suis vraiment désolé pour la famille d’Ahmed de ne pas avoir pu faire plus. On a fait ce que l’on pouvait, mais peut-être aurait-on pu arriver plus tôt. Ces regrets, je les aurai toujours », explique le chef de bord, à la barre.

L’assassinat de l’un des leurs est effroyable, soudain, rapide. Ils ont été appelés en raison de suspicions de tirs. Ils arrivent rue Nicolas-Appert, et ne comprennent pas de ce qui s’y passe : « Pour moi, rue Nicolas-Appert, il n’y a pas de banque, pas de bijouterie, il n’y a rien », note G., gardienne de la paix, arrivée en VTT avec sa brigade sur les lieux. « Il ne se passe rien dans cette rue, confirme son chef de bord, on est étonné du genre d’appel qu’on a reçu. On ne voit personne ; au bout de la rue, on voit un homme qui décharge quelque chose d’un camion. »

Charlie Hebdo, la cible des terroristes

Personne ne savait que la cible était le journal satirique Charlie Hebdo, dont les locaux se situent à proximité, dans une rue qui longe le boulevard Richard-Lenoir. G. se retrouve, plus tard, face aux terroristes lorsqu’ils sortent des locaux. « Je vois deux hommes armés, cagoulés, qui tirent sur nous. Ce sont des tirs précis, coup par coup. Mon collègue n’avance pas, il est tétanisé », précise-t-elle lors de son audition. J’entends mon autre collègue qui dit : “Cours, cours !” Je cours et j’entends le “poum, poum” des balles », déclare-t-elle à la barre.

En effet, ce n’est qu’après une forte détonation que les primo intervenants comprennent qu’il se passe quelque chose de grave. Les scènes de chaos s’enchaînent, les équipements radio de la police sont saturées, les messages entre équipes ne passent pas. Les balles pleuvent, les policiers tentent de les éviter, les frères Kouachi sortent du bâtiment et les tirs se succèdent, semant la panique dans tout le quartier.

« Avec Ahmed, on s’est mis a couvert à côté d’un buisson du terre-plein central. Ahmed s’est levé, j’ai entendu une nouvelle détonation, et je suis resté à couvert », raconte Vincent, adjoint de la sécurité au moment des faits – une jeune recrue.

Ahmed Merabet est touché à la jambe, les frères Kouachi s’approchent, visent sa tête et tirent à bout portant. Après la fuite des djihadistes, Vincent est le premier à rejoindre son collègue. « J’ai vu Ahmed dans une mare de sang […]. J’ai regardé son visage. » Étranglé par l’émotion, le collègue poursuit : « J’ai demandé à Ahmed : “Est-ce que tu m’entends ?” […]. J’étais perdu », explique-t-il à la barre.

Cette scène insoutenable, largement diffusée sur les réseaux sociaux, hante toujours les proches d’Ahmed Merabet. « En quelques secondes, ma vie s’est effondrée. J’aurais voulu ne jamais voir cette vidéo qui ne s’effacera jamais de ma mémoire », témoigne l’une des sœurs d’Ahmed Merabet à la barre.

À la fin de l’audience, à la demande du président de la Cour, les accusés ont pris la parole. Abdelaziz Abbad, détenu depuis le 28 avril 2017, exprime sa compassion et souhaite « beaucoup de courage à la famille du policier abattu », et espère qu’ils auront des réponses. Miguel Martinez, lui, présente ses condoléances à la famille Merabet, et fait part du courage des policiers face aux assassins, les frères Kouachi. Saïd Makhlouf, détenu depuis le 13 mars 2015, affirme, en faisant référence aux auteurs des actes terroristes : « Ils se disent musulmans, et ils tuent des musulmans. »

Les parties civiles, quant à elles, espèrent que la justice sera rendue, même si cela ne pourra jamais faire oublier l’exécution brutale des proches, ni les traumatismes et les bouleversements qu’elle a provoqués. Chacune d’elles regrette de ne pouvoir expliquer ou comprendre ces actes abjects qui ont détruit tant de vies.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.