Algérie-France : La fin d'une époque?

Une proche d'une victime jette une rose dans la Seine le 17 octobre 2021 lors d'un rassemblement pour commémorer la répression brutale de la manifestation du 17 octobre 1961 au cours de laquelle au moins 120 Algériens ont été tués lors d'une manifestation en faveur de l'indépendance algérienne, près du pont Neuf. Alain JOCARD / AFP
Une proche d'une victime jette une rose dans la Seine le 17 octobre 2021 lors d'un rassemblement pour commémorer la répression brutale de la manifestation du 17 octobre 1961 au cours de laquelle au moins 120 Algériens ont été tués lors d'une manifestation en faveur de l'indépendance algérienne, près du pont Neuf. Alain JOCARD / AFP
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Publié le Jeudi 28 octobre 2021

Algérie-France : La fin d'une époque?

  • La France voit son influence politique d’ancien empire colonial s’affaiblir; son hégémonie sur le continent africain est contestée
  • Le retrait des forces militaires et la non-existence d’une armée européenne vont laisser un vide stratégique qu’il faut remplir», estime Rachid Ouaissa

ALGER: Le poids de l'histoire entre l'Algérie et la France s'invite à chaque tournant politique. Alors que l’Algérie se veut une nouvelle république et que la France se prépare pour la présidentielle, les tensions montent! Au rythme des déclarations et des répliques, les relations bilatérales se compliquent. Assistons-nous à une nouvelle ère politique entre les deux pays?

La fin de l’ère néocoloniale

Contacté par Arab News en français, Rachid Ouaissa, professeur de sciences politiques à l'université de Marburg, en Allemagne, explique qu’il s’agit là d’un nouvel épisode du long processus de métamorphose géopolitique que connaît la région: la France voit son influence politique d’ancien empire colonial s’affaiblir; son hégémonie sur le continent africain est contestée.

Le politologue fait référence au contexte interne d’une classe politique française en précampagne pour la présidentielle de 2022 et qui «instrumentalise le mécontentement des Français face à une crise économique et des reformes sans résultat en versant dans le populisme électoral».

Le chercheur voit dans cette situation la fin d’une époque. Une «nouvelle phase du postcolonialisme est en train de voir le jour», estime Ouaissa, qui note que, dans ces circonstances, Macron essaie de gagner des électeurs grâce à des discours populistes. «Son mandat est un échec total; il fait les yeux doux aux harkis et choisit une position hostile vis-à-vis les émigrés en réduisant notamment le quota des visas pour les pays maghrébins», argue-t-il.

 

L'engrenage de la crise diplomatique

La crise a démarré vers la fin du mois de septembre, lorsque la France a durci les conditions d’octroi des visas aux ressortissants algériens. Une décision qui ne fut pas du tout du goût de l’Algérie

Peu de temps après, le journal Le Monde publie un article dans lequel il rapporte le «dialogue inédit» entre Emmanuel Macron et les petits-enfants de harkis, dans lequel ce dernier affirme que l’Algérie s’est construite après son indépendance, en 1962, sur «une rente mémorielle» entretenue par «le système politico-militaire».

Réaction quasi immédiate de l’Algérie, qui exprime alors dans un communiqué son «rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures» et qualifie la situation «engendrée par ces propos irresponsables» de «particulièrement inadmissible». Ces déclarations sur la politique intérieure de l’Algérie ont particulièrement dégradé les relations franco-algériennes, compliquant davantage la situation au point de mettre sans doute en péril la résolution d’un conflit historique.

Alger rappelle ensuite son ambassadeur à Paris, Mohamed Antar Daoud, pour le consulter. Un porte-parole de l’état-major français affirme en outre que l’Algérie a interdit le survol de son territoire aux avions militaires français, qui empruntent d’habitude son espace aérien pour rejoindre ou quitter la bande sahélo-saharienne, où sont déployées les troupes de l’opération antidjihadiste Barkhane.

Les faits s’enchaînent très vite et Macron essaie de se rattraper en évoquant, quelques jours plus tard, les relations «vraiment cordiales» qu’il entretient avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. «Mon souhait, c’est qu’il y ait un apaisement, parce que je pense que c’est mieux de se parler, d’avancer», déclare-t-il ainsi dans un entretien accordé à France Inter. Visiblement, cela n’est pas suffisant, dans la mesure où il ne semble pas attendrir la partie algérienne, bien au contraire: Tebboune continue à réagir durement aux propos du président français. «Nous sommes agressés dans notre chair, notre histoire, dans nos martyrs. Nous nous défendons comme nous pouvons», affirme-t-il, ajoutant que «les relations avec la France relèvent de la responsabilité du peuple et de l’histoire. L’histoire ne peut pas être falsifiée».

Échiquier géopolitique

Le chercheur attire l’attention sur «l’arrivée d’autres puissances majeures dans la région et sur le continent africain: la Chine et la Turquie se repositionnent en recourant à des acteurs traditionnels tel que l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne». Cette nouvelle donne explique le recul de la France, qui ne sait plus «à quel saint se vouer».

En face, l’Algérie essaie également de se positionner dans ce nouveau schéma, notamment à l'aune des récentes développements dans la région du Sahel: retrait des troupes française du nord de Mali, élections en Libye. Notre interlocuteur estime d’ailleurs que l’amendement de la Constitution, qui permet le déploiement de l’armée en dehors des frontières, est un signe clair qui indique que l’Algérie veut jouer un rôle de pivot dans la région du Sahel. «Le retrait des forces militaires et la non-existence d’une armée européenne vont laisser un vide stratégique qu’il faut remplir», déclare-t-il.

De plus, la présence russe, turque et chinoise et la concurrence interarabe, en plus de l’alignement du Maroc dans la logique atlantique (USA-Israël) obligent l’Algérie à se positionner dans ce nouvel échiquier géopolitique. «Le retour du ministre des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n’est pas un hasard… Dans ce jeu géopolitique, la Libye et le Mali présentent une grande priorité», observe le politologue.

Rompre avec la langue française

La France semble en perte de vitesse sur autre un tableau: la langue française. En effet, depuis l’indépendance de l’Algérie, le français s’est enraciné comme une langue d’enseignement dans les écoles, les universités ainsi que les administrations. Aujourd’hui, à l’heure du changement, l’Algérie entend rompre avec cet ancien héritage colonial en misant sur l’anglais.

Rachid Ouaissa indique que l’agitation autour de cette question est liée à une conjoncture politique tendue. Cependant, il rappelle qu’il y a eu une politique d’arabisation depuis les années 1970. «Je pense qu’il ne faut pas jouer avec les langues comme un moyen géopolitique. Beaucoup d’Algériens et d’Algériennes parlent et écrivent le français, et c’est une richesse», insiste-t-il.

Il s’agit selon lui d’un problème inhérent à l’Algérie. Depuis des années, il existe une domination des élites francophones, surtout au niveau du pouvoir. Aujourd’hui, on assiste à la montée d’une élite arabophone qui demande sa part du gâteau.

Le spécialiste estime qu’il ne faut pas engager le pays dans une nouvelle stratégie linguistique à des fins purement politiques. Toutefois, il se dit favorable à la diversification des langues en Algérie. «La science se fait en anglais aujourd’hui. L’université algérienne doit sortir de la domination française pour s’ouvrir sur le monde anglophone et germanophone, qui offre beaucoup plus d’options», fait-il remarquer.

Beaucoup de spécialistes estiment que les contraintes que leur imposent les proximités historiques, linguistiques, géographiques et les intérêts commerciaux et économiques sont si importants qu'il est difficile d'imaginer une rupture radicale de ces deux pôles en apparence antagoniques. Les deux pays opteront-ils pour l’accalmie – ou se dirige-t-on, au contraire, vers une escalade diplomatique? L’avenir nous le dira.

Il est vraisemblable, en effet, que l’on assiste prochainement à une «phase critique» entre ces deux pays, entre lesquels règne une tension inédite. Une étape de plus dans l’escalade des tensions entre les deux nations.


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.