Le duel Veolia/Suez, une bataille de champions

Le PDG de Suez, Bertrand Camus et le dirigeant de Veolia, Antoine Frérot (Photo, Joël SAGET/AFP).
Le PDG de Suez, Bertrand Camus et le dirigeant de Veolia, Antoine Frérot (Photo, Joël SAGET/AFP).
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Publié le Mercredi 23 septembre 2020

Le duel Veolia/Suez, une bataille de champions

  • Veolia et Suez sont n° 1 et 2 du marché mondial des services collectifs en matière de gestion des ressources en eau, de gestion et de transformation des déchets et de gestion énergétique
  • Le Premier ministre Jean Castex a indiqué qu’un rapprochement entre Veolia et Suez a du «sens», mais qu’il resterait vigilant quant à la sauvegarde des emplois en France

PARIS: La compagnie française Veolia, spécialiste du traitement des eaux et des services aux collectivités, et concurrent historique de Suez, a annoncé son intention de rachat d’Engie, actionnaire de référence de Suez. Après deux tentatives avortées de rapprochement en 2006 et 2012, il s’agit cette fois d’une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité du groupe.

Cette OPA a été annoncée à la surprise générale par Antoine Frérot, patron de Veolia, l’un des leaders mondiaux du secteur qui emploie 180 000 salariés dont 50 000 en France, le 30 août dernier, via un communiqué dans lequel il déclare vouloir s’emparer de son concurrent Suez.

Le lendemain, sur les ondes de France Info, Antoine Frérot déclare vouloir «Créer en France le superchampion mondial de la transformation écologique», et ajoute : «Dans un marché mondial, la taille, c’est le capital.» Il explique que cette opération permettra d’offrir «toutes les solutions encore à imaginer, y compris les innovations de rupture comme la capture du carbone, ou le recyclage de matières pas encore recyclables».

De son côté, Bertrand Camus, directeur général de Suez, s’oppose à cette fusion et dénonce, dans les colonnes du journal Le Figaro, «une opération financière opportuniste, avec une démarche baroque» qui, selon lui, «sous-valorise les actifs de Suez». Ce dernier qualifie cette décision de fusion d’«aberrante pour Suez et funeste pour la France», poursuit-il.

La direction du groupe dénonce cette OPA via une large médiatisation et le recours aux grands cabinets d’influence dans le monde économique.

Bataille de champions

Veolia et Suez sont n° 1 et 2 du marché mondial des services collectifs en matière de gestion des ressources en eau, de gestion et de transformation des déchets et de gestion énergétique. Par cette opération d’acquisition, Veolia a pour ambition de devenir l’acteur mondial incontournable dans les différents services et solutions technologiques, liés à l’environnement. «C’est une opération de consolidation et de renforcement d’une position très dominante, ce n’est pas un rêve de transformation d’un secteur […]. C’est une pure logique de consolidation de pouvoir», commente Élie Cohen, économiste et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans une déclaration à la presse.

Selon de nombreux observateurs, Veolia et Suez, c'est avant tout une histoire de rivalité vieille d'un siècle et demi, quand les deux sociétés s'appelaient respectivement la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux et de l'éclairage. «La France dispose de deux champions mondiaux», note Élie Cohen, qui explique, que dans le contexte de la création d’un seul leader, cela aboutira au démantèlement de Suez France, un groupe doté d’une base forte en matière de valeur ajoutée technologique. «Démanteler Suez, c’est porter atteinte aux atouts de Suez […]. Cette opération pourrait être destructive par rapport à la cohérence technologique du groupe», confirme l’économiste sur le site de Boursourama.com.

Suez est contre cette fusion, la direction du groupe, en accord avec les syndicats, évoque une raison essentielle, elle concerne le haut risque de casse sociale. «L'offre de Veolia génère des préoccupations sur l'avenir des activités de traitement et de distribution de l'eau en France et sur l'emploi au regard du montant des synergies espérées», lit-on dans le communiqué publié par la direction de Suez.

«Sur le terrain, dans les appels d’offres à l’international, si deux champions nationaux répondent, ça double les chances qu’un français l’emporte. De plus, le processus qui se dessine prendrait au moins dix-huit mois. Il va affaiblir notre force commerciale, déstabiliser les clients, le management, tous les salariés», explique Philippe Varin, président du conseil d'administration de Suez, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche. «L’accouchement de ce prétendu champion se ferait dans la douleur, ce qui ne serait pas un gage de succès – et avec une réduction massive de la concurrence en France», affirme-t-il.

Craignant un plan social important qui menacerait près de 90 000 salariés dans le monde dont 30 000 en France, les syndicats, quant à eux, montent au créneau. L’objectif: la sauvegarde de leurs emplois. «Il est hors de question que cette OPA débouche sur une boucherie sociale, parce que c’est cela le mot, ça va être une boucherie», avait déclaré, devant la presse, Franck Reinhold, délégué CGT, lors de la manifestation des salariés, organisée dans le quartier d’Affaires de la Défense, le 8 septembre.

Concernant la promesse de sauvegarde des emplois, Philippe Varin confirme le risque de la réduction de l’effectif. «Si on regarde Alcatel-Lucent, LafargeHolcim, GE-Alstom, chaque fois, des promesses ont été faites. Chaque fois, il y a eu des plans sociaux après», explique-t-il.

Le rôle de l’État

Pour rappel, Veolia et Suez sont aujourd’hui deux entités détenues majoritairement par des actionnaires privés, à l’exception d’Engie, la filiale de Suez, détenue à hauteur de 23,6% par l’État, lequel dispose aussi de 34,30% des droits de vote d’Engie. Dans ce contexte, l’État, actionnaire principal d’Engie, peut s’opposer à cette fusion. 

De son côté, le 3 septembre, le Premier ministre Jean Castex a indiqué qu’un rapprochement entre Veolia et Suez a du «sens», mais qu’il resterait vigilant quant à la sauvegarde des emplois en France. Sur les ondes de la radio Europe 1, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, ne s’est pas positionné sur la question de la fusion, mais il insiste, sur «les engagements que prendra Veolia en termes de maintien de l'emploi en France et de conservation des actifs stratégique pour la France.»

La seconde problématique concernera l’Autorité de concurrence, plus précisément, il s’agit de l’aspect du monopole quasi total sur les secteurs «des services collectifs». En effet, en cas de fusion des groupes Veolia et Suez, la nouvelle entité serait en situation de monopole. Or, dans le cas d’une éventuelle fusion, elle devrait rester dans le cadre de la législation française et européenne contre les monopoles.

Ainsi, deux associations, le Front républicain d’intervention contre la corruption (Fricc) et l’Association pour un contrat mondial de l’eau (Acme) ont saisi l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne en mentionnant la loi antitrust.

L'État va-t-il jouer le rôle d’arbitre dans le duel Suez-Veolia? Le ton semble, aujourd’hui, plus axé vers la prudence, la nuance. Mieux encore, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a récemment déclaré que «l’État n’a pas fait son choix» et que «toute précipitation» est exclue.

Veolia-Suez: Passe d'armes sur l'impact social, Engie au centre du jeu
Par Catherine HOURS avec Vanessa CARRONNIER -
Rachat Veolia: Suez contre-attaque
Par AFP -

Monnaie numérique, IA et santé mentale au programme de l’Open Forum Riyadh

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
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  • Cet événement se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale
  • «Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions»

LONDRES: L'Open Forum Riyadh, une série de tables rondes publiques qui se tiendront dans la capitale saoudienne dimanche et lundi, «mettra l’accent sur les défis et les opportunités au niveau mondial», selon les organisateurs.

Cet événement, fruit d’une collaboration entre le Forum économique mondial (WEF) et le ministère saoudien de l’Économie et de la Planification, se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale, la croissance et l’énergie pour le développement, qui aura lieu à Riyad les 28 et 29 avril.

«Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions, favorisant l’échange de connaissances et d’idées innovantes», affirme dans un communiqué de presse Faisal F. Alibrahim, ministre saoudien de l’Économie et de la Planification. Ce dernier précise que l’organisation de l’Open Forum de cette année à Riyad «témoigne de l’influence et du rôle croissants de la ville sur la scène internationale».

Le forum est ouvert au public et «vise à faciliter le dialogue entre les leaders éclairés et le grand public sur une série de sujets, notamment les défis environnementaux, la santé mentale, les monnaies numériques, l’intelligence artificielle [IA], le rôle des arts dans la société, l’entrepreneuriat moderne et les villes intelligentes», indique un communiqué.

Au programme, des tables rondes qui portent sur l’impact des monnaies numériques au Moyen-Orient, sur le rôle de la culture dans la diplomatie publique, sur le développement urbain pour les villes intelligentes ainsi que sur les actions qui ont pour objectif d’améliorer le bien-être mental dans le monde.

L’Open Forum, qui a lieu chaque année, a été créé en 2003 dans le but de permettre à un public plus large de participer aux activités du WEF. Il a été organisé dans plusieurs pays, dont le Cambodge, l’Inde, la Jordanie et le Vietnam.

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes.

Parmi les intervenants de cette année figurent Yazid A. al-Humied, gouverneur adjoint et responsable des investissements dans la région Mena au Fonds public d’investissement saoudien (PIF), la princesse Rima bent Bandar al-Saoud, ambassadrice d’Arabie saoudite aux États-Unis, et la princesse Beatrice, fondatrice du Big Change Charitable Trust et membre de la famille royale britannique.

Michèle Mischler, responsable des affaires publiques suisses et de la durabilité au WEF, a fait savoir dans un communiqué de presse que la participation du public aux tables rondes de l’Open Forum «favorise la diversité des points de vue, enrichit le dialogue mondial et renforce les solutions collectives pour un avenir plus inclusif et durable».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le FMI ouvre son premier bureau dans la région Mena à Riyad

Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
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  • Ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication
  • Il permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes

RIYAD: Le Fonds monétaire international (FMI) a ouvert son premier bureau dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Riyad.

Le bureau a été inauguré lors de la Conférence régionale conjointe sur les politiques industrielles de diversification, organisée conjointement par le FMI et le ministère des Finances le 24 avril.

Selon l’agence de presse saoudienne (SPA), ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication afin de favoriser la stabilité, la croissance et l’intégration régionale, promouvant ainsi les partenariats au Moyen-Orient et au-delà.

En outre, le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes, indique la SPA. Cette dernière indique que le FMI a remercié l’Arabie saoudite de sa contribution financière visant à renforcer le développement des capacités dans ses États membres, y compris les pays fragiles.

Abdoul Aziz Wane, chef de mission chevronné du FMI qui a une connaissance approfondie de l’institution et dispose d’un vaste réseau de décideurs et d’universitaires dans le monde entier, sera le premier directeur du bureau de Riyad.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'UE impose des règles renforcées au champion chinois du prêt à porter Shein

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
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  • L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes
  • Shein revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée

BRUXELLES: Bruxelles a ajouté vendredi le champion du prêt-à-porter bon marché Shein à la liste des très grandes plateformes en ligne soumises à des contrôles renforcés dans le cadre de la nouvelle législation sur les services numériques (DSA).

L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes pour "protéger les consommateurs contre les contenus illégaux", a annoncé la Commission européenne dans un communiqué.

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. Elle revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée.

Ces entreprises doivent notamment analyser les risques liés à leurs services en matière de diffusion de contenus ou produits illégaux et mettre en place les moyens pour les atténuer. Cette analyse doit faire l'objet d'un rapport annuel remis à la Commission européenne qui assume désormais un rôle de gendarme du numérique dans l'UE.

"Des mesures devront être mises en œuvre pour protéger les consommateurs contre l'achat de produits dangereux ou illégaux, en mettant particulièrement l'accent sur la prévention de la vente et de la distribution de produits qui pourraient être nocifs pour les mineurs", a expliqué la Commission.

Les très grandes plateformes doivent aussi fournir au régulateur un accès à leurs algorithmes pour que le respect du règlement puisse être contrôlé. Elles doivent se soumettre une fois par an à un audit externe indépendant, à leurs propres frais.

Ces obligations s'appliqueront à Shein à partir de fin août.

Les contrevenants aux règles peuvent se voir infliger des amendes jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires annuel mondial, voire une interdiction d'opérer en Europe en cas de violations graves et répétées.

Réagissant à sa désignation comme très grande plateforme vendredi, Shein a affirmé sa volonté de se conformer aux règles européennes. "Nous partageons l'ambition de la Commission de faire en sorte que les consommateurs de l'UE puissent faire leurs achats en ligne en toute sérénité et nous nous engageons à jouer notre rôle", a déclaré Leonard Lin, responsable mondial des affaires publiques du groupe.

Les très grandes plateformes concernées par les contrôles européens renforcés incluent aussi le géant du commerce en ligne Amazon et son concurrent AliExpress, filiale du géant chinois Alibaba.

Une autre application chinoise de e-commerce, Temu, devrait s'ajouter prochainement à cette liste après avoir annoncé en avril qu'elle comptait environ 75 millions d'utilisateurs mensuels dans l'Union européenne.

Le DSA a montré son efficacité cette semaine en imposant à TikTok de suspendre dans l'UE la fonctionnalité de sa nouvelle application TikTok Lite qui récompense les utilisateurs pour le temps passé devant les écrans.

La Commission craignait des risques d'addiction, notamment pour les adolescents, et a ouvert une enquête. Elle soupçonne le réseau social, propriété du groupe chinois ByteDance, de ne pas avoir conduit l'analyse obligatoire des risques, en particulier pour la santé mentale des utilisateurs.

Toujours dans le cadre du DSA, Bruxelles a aussi ouvert en décembre une enquête visant le réseau social X pour des manquements présumés aux obligations de modération des contenus.