Le Qatar utilisait un ancien officier de la CIA pour espionner la FIFA

Mohammed ben Hamad al-Thani (à gauche), président du comité de candidature de la Coupe du monde 2022, et Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, émir du Qatar, tiennent le trophée de la Coupe du monde devant le secrétaire général de la FIFA. (Photo, AP/Archives)
Mohammed ben Hamad al-Thani (à gauche), président du comité de candidature de la Coupe du monde 2022, et Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, émir du Qatar, tiennent le trophée de la Coupe du monde devant le secrétaire général de la FIFA. (Photo, AP/Archives)
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Publié le Jeudi 25 novembre 2021

Le Qatar utilisait un ancien officier de la CIA pour espionner la FIFA

  • Un ancien officier de la CIA a espionné de hauts responsables du football pendant des années alors qu'il travaillait pour le Qatar, selon une enquête de l'AP
  • Le travail de surveillance consistait à faire passer quelqu’un pour un photojournaliste pour garder un œil sur la candidature d'un pays rival et à déployer un honeypot (leurre informatique) Facebook

WASHINGTON: Un ancien officier de la CIA a espionné de hauts responsables du football pendant des années alors qu'il travaillait pour le Qatar, le petit pays arabe qui accueillera la Coupe du monde de football l'année prochaine, selon une enquête de l'Associated Press.

Le Qatar a cherché à obtenir un avantage sur ses rivaux comme les États-Unis et l'Australie en embauchant Kevin Chalker, un ancien officier de la CIA devenu entrepreneur privé, pour espionner les autres équipes candidates et les principaux responsables du football qui ont choisi le vainqueur en 2010, a révélé l'enquête de l'AP.

Chalker a également travaillé pour le Qatar dans les années qui ont suivi afin de garder un œil sur les critiques du Qatar dans le monde du football, selon des entretiens avec d'anciens associés de Chalker ainsi que des contrats, des factures, des e-mails et un examen de documents commerciaux.

Cette affaire s’inscrit dans une tendance d'anciens agents des services de renseignement américains à travailler pour des gouvernements étrangers avec des antécédents douteux en matière de droits de l'homme, ce qui inquiète les responsables à Washington.

«Il y a tellement d'argent du Golfe qui transite par Washington D.C.», a confié le membre du Congrès Tom Malinowski, un démocrate du New Jersey. «La quantité de tentation là-bas est immense, et elle entraîne invariablement les Américains dans des affaires dans lesquelles nous ne devrions pas être impliqués.»

La Coupe du monde est le tournoi sportif le plus populaire de la planète. C'est aussi l'occasion pour le Qatar, l'un des pays les plus riches du monde, de faire son entrée sur la scène internationale.

L'enquête de l'AP montre que le Qatar a laissé peu de place au hasard. Le travail de surveillance consistait à faire passer quelqu'un pour un photojournaliste pour garder un œil sur l'offre d'un pays rival et à déployer un pot de miel Facebook, dans lequel une personne se faisait passer en ligne pour une femme séduisante, afin de se rapprocher d'une cible, comme le montre l’examen des dossiers. Des agents travaillant pour Chalker et le Cheikh du golfe ont également cherché à obtenir les relevés d'appels téléphoniques d'au moins un haut responsable de la FIFA avant le vote de 2010, selon les dossiers.

«La plus grande réussite à ce jour du projet MERCILESS... provient d'opérations d’espionnage réussies ciblant des critiques virulents au sein de l'organisation de la FIFA», a indiqué la société de Chalker, Global Risk Advisors, dans un document de 2014 décrivant un projet dont le budget minimum proposé était de 387 millions de dollars (1 dollar américain = 0,86 euro) sur neuf ans. On ne sait pas combien les Qataris ont finalement payé l'entreprise.

Les documents de l'entreprise soulignent également les efforts qu’elle a déployés pour persuader le prince jordanien Ali ben al-Hussein, une figure clé du monde du football et qui s'est présenté sans succès à la présidence de la FIFA en 2015 et 2016. Dans un document de 2013, Global Risk Advisors a recommandé aux Qataris de donner de l'argent à une organisation de développement du football dirigée par Ali, affirmant que cela «contribuerait à renforcer la réputation du Qatar en tant que présence bienveillante dans le football mondial».

Un représentant d'Ali a affirmé que le prince «a toujours eu de bonnes relations personnelles directes avec les dirigeants du Qatar. Il n'aurait certainement pas besoin de consultants pour l'aider dans cette relation».

L'étendue complète du travail de Chalker pour le Qatar n'est pas claire, mais l'AP a examiné une variété de projets proposés par Global Risk Advisors entre 2014 et 2017 qui montrent des propositions qui ne sont pas seulement directement liées à la Coupe du monde.

Ils comprenaient aussi «Pickaxe», qui promettait de capturer «les informations personnelles et les données biométriques» des migrants travaillant au Qatar. Un projet appelé « Falconeye » (Oeil de faucon) était décrit comme un plan visant à utiliser des drones pour assurer la surveillance des opérations portuaires et frontalières, ainsi que pour «contrôler les centres de population de travailleurs migrants».

«En mettant en œuvre des enquêtes sur les antécédents et un programme de contrôle, le Qatar maintiendra sa domination sur les travailleurs migrants», a signalé un document de Global Risk Advisors.

Un autre projet, «Viper» (Vipère) promettait «l'exploitation des appareils mobiles» sur place ou à distance, qui, selon Global Risk Advisors, fournirait des «renseignements cruciaux» et renforcerait la sécurité nationale. L'utilisation d'une telle technologie fournie par des entreprises privées est bien documentée par les pays autocratiques du monde entier, notamment le Golfe.

Le secteur de la surveillance privée a prospéré au cours de la dernière décennie dans le golfe, alors que la région a connu la montée d'une guerre de l'information au moyen d’opérations de piratage parrainées par l'État qui ont coïncidé avec la préparation de la Coupe du monde.

Trois anciens responsables du renseignement et de l'armée américaine ont récemment admis avoir fourni des services de piratage à une société basée aux Émirats arabes unis, appelée DarkMatter, dans le cadre d'un accord de poursuites différées avec le ministère américain de la Justice. Une enquête de Reuters de 2019 a rapporté que DarkMatter avait piraté les téléphones et les ordinateurs de l'émir du Qatar, de son frère et de responsables de la FIFA.

Chalker, qui a ouvert un bureau à Doha et disposait d'un compte de messagerie du gouvernement qatari, a déclaré dans un communiqué fourni par un représentant que lui et ses entreprises ne «s'engageraient jamais dans une surveillance illégale».

D'anciens associés de Chalker affirment que ses entreprises ont fourni divers services au Qatar en plus du travail de renseignement. Global Risk Advisors se présente comme «un cabinet de conseil stratégique international spécialisé dans la cybersécurité, la formation militaire et policière, et les services de conseil basés sur le renseignement». Ses filiales ont remporté de petits contrats avec le FBI pour un cours de formation à la corde et des travaux de conseil en technologie pour le Comité national démocrate.

Chalker a décliné toute demande d'interview ou de réponse à des questions détaillées sur son travail pour le gouvernement qatari. Chalker a également affirmé que certains des documents examinés par l'AP étaient des faux.

L'AP a examiné des centaines de pages de documents des sociétés de Chalker, en paticulier un rapport de mise à jour du projet de 2013 qui comportait plusieurs photos du personnel de Chalker rencontrant divers responsables du football. De multiples sources ayant un accès autorisé ont fourni des documents à l'AP. Les sources ont indiqué qu'elles étaient troublées par le travail de Chalker pour le Qatar et ont demandé l'anonymat par crainte de représailles.

L'AP a pris plusieurs mesures pour vérifier l'authenticité des documents. Il s’agit notamment de confirmer les détails de divers documents auprès de différentes sources, y compris d'anciens associés de Chalker et des responsables du football; de recouper le contenu des documents avec des comptes rendus de presse contemporains et des dossiers commerciaux accessibles au public; et d’examiner les métadonnées des documents électroniques, ou l'historique numérique, le cas échéant, pour confirmer qui a créé les documents et quand. Chalker n'a fourni à l'AP aucune preuve pour étayer sa position selon laquelle certains documents en question avaient été falsifiés.

Les représentants du gouvernement qatari n'ont pas répondu aux demandes de commentaires. La FIFA a également refusé de faire des commentaires sur cette affaire.

De nombreux documents examinés par l'AP décrivant le travail entrepris par Chalker et ses sociétés pour le compte du Qatar sont aussi décrits dans une action en justice déposée par Elliott Broidy, un collecteur de fonds de l'ancien président américain Donald Trump. Broidy a poursuivi Chalker en justice et l’a accusé d'avoir monté une vaste campagne de piratage et d'espionnage à la demande du Qatar, notamment en utilisant d'anciens agents des services de renseignement occidentaux pour surveiller les responsables de la FIFA. Les avocats de Broidy n'ont pas répondu aux demandes de commentaires. L'équipe juridique de Chalker a fait valoir que la plainte était sans fondement.

Selon d’anciens associés, Chalker a travaillé à la CIA en tant qu'officier des opérations pendant environ cinq ans avant de travailler pour le Qatar. Les officiers d’opérations travaillent généralement sous couverture en essayant de recruter des agents pour espionner au nom des États-Unis. La CIA a refusé de faire des commentaires et ne parle généralement pas de ses anciens agents.

Toutefois, l'agence a envoyé une lettre aux anciens employés plus tôt cette année, pour les mettre en garde d'une «tendance néfaste» des gouvernements étrangers à engager d'anciens agents de renseignement «pour renforcer leurs capacités d'espionnage», selon une copie de la lettre obtenue par l'AP et rapportée pour la première fois par le New York Times.

Le Congrès examine actuellement une loi qui imposerait de nouvelles obligations de déclaration aux anciens agents de renseignement américains travaillant à l'étranger.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".