Du Maghreb au Machrek, les enjeux des batailles pour le gaz naturel

La plate-forme du gisement de gaz naturel Léviathan en mer Méditerranée photographiée depuis la ville côtière de Césarée, au nord d’Israël, le 19 décembre 2019. (Photo, AFP)
La plate-forme du gisement de gaz naturel Léviathan en mer Méditerranée photographiée depuis la ville côtière de Césarée, au nord d’Israël, le 19 décembre 2019. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 25 novembre 2021

Du Maghreb au Machrek, les enjeux des batailles pour le gaz naturel

  • Les réserves en gaz du Moyen-Orient sont celles qui connaissent la plus forte croissance dans le monde depuis 2009
  • Depuis plusieurs semaines, l’accent est mis sur le redémarrage du «gazoduc arabe» de l'Égypte vers la Jordanie, la Syrie et le Liban

PARIS : Au moment où le gaz naturel devient l’une des principales énergies à travers le monde, la région Mena (Middle East North Africa) connaît un pic de tensions autour de cette ressource: mise hors service du gazoduc Algérie-Maroc; répercussions de convoitises turques en Méditerranée, problèmes de délimitation des frontières maritimes du Liban comptent parmi les nombreux sujets de dispute.

La découverte et l’exploitation de nouvelles sources dans la zone Mena, tout comme les crises régionales, donnent de l’ampleur aux bras de fer autour du gaz. Dans tous les cas, on observe une interaction complexe entre l’énergie et la géopolitique, qui sont souvent liées.

Les réserves en gaz du Moyen-Orient sont celles qui connaissent la plus forte croissance dans le monde depuis 2009. Ces réserves de gaz «prouvées» (quantité de ressources en hydrocarbures qui peuvent être récupérées à partir d’un gisement avec un niveau de certitude raisonnable, NDLR) ont en effet bondi à 40,4% en 2020, contre 31,4% en 2000.

Parallèlement au développement du gaz naturel dans la région, on assiste à une multiplication de batailles et des épreuves de force. Cette source d’énergie, loin d’apparaître comme un élément qui incite à la coopération, devient en réalité un facteur de tensions.

Conséquences de l’arrêt du gazoduc Maghreb-Europe

Après la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, au mois d’août dernier, l’Algérie poursuit ses représailles contre son voisin, mettant un terme à vingt-cinq ans de services pour le gazoduc Maghreb-Europe, dont le contrat d'exploitation prenait fin le 31 octobre 2021.

Mais cette décision, qui touche le Maroc, contribue également à troubler un contexte régional déjà instable (de la Libye au Mali, en passant par la Tunisie). Elle risque de nuire à l’Espagne, menacée, comme une bonne partie de l’Europe, par une crise du gaz attribuée à Moscou, d’autant que le gazoduc représente la principale source d'approvisionnement en gaz naturel de ce pays.

À première vue, le coup est dur pour l’Espagne, car l’Algérie est son premier fournisseur de gaz naturel; elle représente la moitié de sa consommation annuelle de gaz naturel. De fait, Madrid pourrait subir une augmentation importante du prix du gaz, mais aussi de l'électricité. Pour éviter un tel scénario, Alger a aussitôt proposé de «continuer à assurer, de la meilleure manière, les livraisons gazières à travers le Medgaz, selon un calendrier bien déterminé». Rappelons que le gazoduc sous-marin Medgaz, inauguré en 2004, relie directement les deux pays.

Cependant, certains doutent que cette alternative soit suffisante pour couvrir les besoins espagnols. En effet, la capacité du gazoduc Medgaz est inférieure à celle du gazoduc Maghreb-Europe: il achemine environ 8 milliards de mètres cubes par an, quand la capacité du gazoduc arrêté était de 10 milliards. Pour cela, Alger mise sur «le récent projet d’extension de la capacité du gazoduc Medgaz».

In fine, la décision algérienne affecte pleinement l’économie du Maroc, puisque le gazoduc Maghreb-Europe alimente d’abord la production d’électricité marocaine avant de parvenir à sa destination finale, l’Espagne. Certaines statistiques indiquent que le Maroc produisait presque 17% de son électricité par ce canal. Il perd en outre les taxes liées au transit (entre 50 et 150 millions d’euros par an).

Ajoutons qu’il ne serait pas simple pour le Maroc de trouver une alternative afin de s’approvisionner en gaz. Pour le moment, les options sont limitées et incertaines.

Dans l’autre versant du monde arabe, la situation apparaît moins crispée.

Enjeu gazier en Syrie, convoitises turques et mise en service du gazoduc arabe

Depuis plusieurs semaines, l’accent est mis sur le redémarrage du «gazoduc arabe» de l'Égypte vers la Jordanie, la Syrie et le Liban. Cette étape se déroule avec l'approbation initiale des États-Unis (pour faire une exception à la loi américaine César, qui impose des sanctions à Damas) en conjonction avec l'arrivée du diesel iranien au Liban à l’initiative du Hezbollah, et elle est considérée comme un point d’entrée pour une normalisation partielle avec le régime syrien.

Il est utile de rappeler que, depuis le début de ce conflit syrien aux multiples facettes, le gaz naturel a été perçu comme une cause indirecte de l'intervention russe. Après cela, il y a toujours eu un certain lien entre la continuité de la présence militaire américaine et la richesse énergétique de l’Est syrien.

Par conséquent, la ressource gazière aura sans aucun doute un impact sur l'élaboration de la future carte de la Syrie, ainsi que sur les cartes du nouveau Moyen-Orient.

Dans un contexte plus large, les théories contemporaines de la sécurité stratégique soulignent l'importance de l'énergie non seulement d'un point de vue économique, mais aussi en tant que déclencheur de conflits et indicateur d’éléments de puissance des pays d'origine, du passage de gazoducs ou des pays situés en aval. Dans toute nouvelle délimitation ou démarcation des frontières, très probablement, les ressources énergétiques de gaz, de pétrole et d'eau seront prises en compte.

Dans le large éventail géographique de la carte des gisements de gaz naturel, des marchés et des voies de passage de gazoducs, la Syrie acquiert une position particulière, parce qu'elle est placée au cœur du Levant et que sa mer et ses côtes, comme le reste des pays du bassin de la «Méditerranée orientale», sont riches en ressources énergétiques.

Aussi le gaz pourrait-il devenir un pilier important de l'économie de nombreux pays arabes et méditerranéens, ce qui pourrait donner l'opportunité à Israël de s'intégrer économiquement, à son tour, dans l’économie régionale. Cette évolution est de nature à inquiéter l'Iran et le Qatar quant à leur rôle de pionniers sur le marché du gaz et elle a de quoi ébranler également la Turquie, qui risque de perdre son statut de carrefour pour assurer l’exportation; en effet, ce pays est le lieu d’arrivée des pipelines et des gazoducs.

Dans un cadre plus large, notons l'émergence de l’Organisation du gaz de la Méditerranée orientale en 2020, qui comprend sept pays: l'Égypte, Israël, Chypre et la Grèce, en plus de la Jordanie, de la Palestine et de l'Italie (avec les États-Unis, l'Union européenne et la France comme observateurs). Il s’agit du couronnement de l’action menée par le forum du même nom, créé en 2015. L’Égypte s’est trouvée propulsée nouveau leader dans le domaine du gaz; il n’en fallait pas davantage à Ankara pour y voir une tentative d'intimidation à son égard, en raison de différends territoriaux ou basés sur les richesses de la région, notamment après la signature de plusieurs accords bilatéraux destinés à délimiter les frontières maritimes, comme ceux passés entre l'Égypte et la Grèce ou entre la Grèce et l'Italie.

Au cours de cette période, les litiges et les différends sur les droits d'exploration dans le bassin de la Méditerranée orientale se sont intensifiés. Ces développements ont été précédés par une poussée turque en Méditerranée orientale et occidentale qui a défini les frontières maritimes avec la Libye ou à travers des gisements disputés avec la Chypre et la Grèce.

Sur un autre plan, l’année dernière a vu la reprise des négociations pour délimiter les frontières maritimes entre le Liban et Israël. Plusieurs blocs gaziers sont concernés, notamment le bloc no9, qui est au cœur d'un différend entre les deux pays.

À travers ce panorama, nous pouvons conclure que la relance de l'idée du gazoduc arabe après deux décennies serait bénéfique pour les intéressés, et notamment pour un pays comme le Liban. Elle ne peut toutefois avoir lieu sans une entente de principe ou un consentement mutuel entre les grands acteurs régionaux et une certaine entente américaine-russe.


Israël dit «  avancer » dans les préparatifs de son opération militaire sur Rafah

Poussés par les combats et les destructions dans le reste de la bande de Gaza, plus d'un million de Palestiniens ont trouvé refuge à Rafah - ville de quelque 250.000 habitants - et s'entassent dans des tentes et des bâtiments publics. (AFP).
Poussés par les combats et les destructions dans le reste de la bande de Gaza, plus d'un million de Palestiniens ont trouvé refuge à Rafah - ville de quelque 250.000 habitants - et s'entassent dans des tentes et des bâtiments publics. (AFP).
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  • "Israël avance vers son opération ciblant le Hamas à Rafah", a déclaré mercredi un porte-parole du gouvernement, David Mencer
  • Depuis le début de l'offensive terrestre dans le territoire palestinien, le 27 octobre, "au moins 18 ou 19 des 24 bataillons" du Hamas ont été défaits, a-t-il poursuivi

JERUSALEM: Le gouvernement israélien dit "avancer" dans les préparatifs de son opération militaire prévue sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où selon lui quatre bataillons de combattants du mouvement islamiste palestinien Hamas sont regroupés.

"Israël avance vers son opération ciblant le Hamas à Rafah", a déclaré mercredi un porte-parole du gouvernement, David Mencer, lors d'un point presse. "Les quatre bataillons qui restent à Rafah ne peuvent pas échapper à Israël, ils seront attaqués".

M. Mencer a ajouté que "deux brigades de réservistes" avaient été mobilisées pour des "missions défensives et tactiques dans Gaza".

Depuis le début de l'offensive terrestre dans le territoire palestinien, le 27 octobre, "au moins 18 ou 19 des 24 bataillons" du Hamas ont été défaits, a-t-il poursuivi.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré à plusieurs reprises qu'Israël entendait mener un assaut contre Rafah, ville où sont réfugiés des centaines de milliers de Gazaouis, déplacés par la guerre.

M. Netanyahu insiste sur le fait que l'anéantissement des derniers bataillons du Hamas à Rafah est cruciale dans la poursuite des objectifs de la guerre contre le Hamas, mouvement islamiste qui a pris le pouvoir dans le territoire côtier depuis 2007.

Poussés par les combats et les destructions dans le reste de la bande de Gaza, plus d'un million de Palestiniens ont trouvé refuge à Rafah - ville de quelque 250.000 habitants - et s'entassent dans des tentes et des bâtiments publics.

Mais les ONG et un nombre croissant de pays - et même l'allié historique américain - s'opposent à cette opération, craignant qu'elle ne fasse de nombreuses victimes civiles.

Le Hamas de son côté a répété sa demande de cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza, ce qui à ce stade de la guerre est inacceptable pour M. Netanyahu et son gouvernement qui ont juré d'"anéantir" le mouvement.

"Au moins 26.000 terroristes ont été tués, appréhendés, ou blessés dans les combats", a avancé M. Mencer.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a promis d'anéantir le Hamas et lancé une offensive massive qui a fait jusqu'à présent 34.262 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.


L'armée israélienne annonce mener une offensive sur le sud du Liban

Cette photo prise depuis une position israélienne le long de la frontière avec le sud du Liban montre de la fumée s'échappant du village libanais d'Odaisseh lors du bombardement israélien le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
Cette photo prise depuis une position israélienne le long de la frontière avec le sud du Liban montre de la fumée s'échappant du village libanais d'Odaisseh lors du bombardement israélien le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
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  • "Des troupes sont déployées en nombre à la frontière et les forces armées mènent actuellement des actions offensives dans tout le sud du Liban", a indiqué le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant
  • Un porte-parole de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a indiqué à l'AFP que celle-ci "n'avait détecté aucun franchissement terrestre" de la frontière mercredi

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé mercredi mener une "action offensive" sur le sud du Liban, où elle affirme que son aviation et son artillerie ont frappé 40 cibles du Hezbollah libanais et tué la moitié de ses commandants dans ce secteur.

"Des troupes sont déployées en nombre à la frontière et les forces armées mènent actuellement des actions offensives dans tout le sud du Liban", a indiqué le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant dans un communiqué.

"La moitié des commandants du Hezbollah dans le sud du Liban ont été éliminés, l'autre moitié se cache et laisse le champ libre aux opérations" militaires israéliennes.

Un porte-parole de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a indiqué à l'AFP que celle-ci "n'avait détecté aucun franchissement terrestre" de la frontière mercredi.

Le mouvement libanais pro-iranien n'a pas réagi dans l'immédiat aux déclarations israéliennes.

Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah mène des attaques quasi-quotidiennes contre Israël pour soutenir le mouvement islamiste palestinien, son allié.

L'armée israélienne riposte en bombardant de plus en plus en profondeur le territoire libanais et en menant des attaques ciblées contre des responsables du Hezbollah.

"Il y a peu de temps, les avions de combat et l'artillerie israélienne ont frappé environ 40 cibles terroristes du Hezbollah" autour d'Aïta el-Chaab dans le sud du Liban, y compris des sites de stockage d'armes, a affirmé plus tôt l'armée israélienne dans un communiqué.

Le Hezbollah "a mis en place des dizaines de moyens et d'infrastructures terroristes dans la région" pour attaquer Israël, a-t-elle ajouté.

L'agence officielle libanaise ANI a fait état de son côté de 13 frappes israéliennes près d'Aïta el-Chaab.

"Des avions militaires israéliens ont effectué plus de 13 frappes aériennes ciblant la périphérie des villes d'Aïta el-Chaab, Ramya, Jabal Balat et Khallet Warda", a déclaré l'agence.

Le Hezbollah avait annoncé mardi avoir tiré des dizaines de roquettes sur le nord d'Israël, en représailles à la mort de deux civils dans le sud du Liban dans une frappe imputée à Israël.

Ces violences entre Hezbollah et Israël ont fait depuis le 7 octobre 380 morts du côté libanais, en majorité des combattants du mouvement libanais ainsi que 72 civils, selon un décompte de l'AFP.

Dans le nord d'Israël, onze soldats et huit civils ont été tués d'après l'armée.

 

 


L'Égypte nie avoir discuté avec Israël d’une offensive à Rafah

Un vendeur de pain pousse son chariot devant les décombres d’un bâtiment effondré à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 23 avril 2024. (AFP)
Un vendeur de pain pousse son chariot devant les décombres d’un bâtiment effondré à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 23 avril 2024. (AFP)
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  • Diaa Rashwan, chef du service d’information de l’État égyptien, a réfuté ce qui a été affirmé dans l’un des principaux journaux américains
  • L’Égypte s’est opposée à plusieurs reprises au déplacement des Palestiniens de Gaza et met en garde contre toute opération militaire à Rafah

LE CAIRE: L’Égypte nie avoir tenu des discussions avec Israël au sujet d’une offensive dans la ville palestinienne de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Diaa Rashwan, chef du service d’information de l’État égyptien, a réfuté ce qui a été affirmé dans l’un des principaux journaux américains, selon lequel l’Égypte a discuté avec Israël de ses projets d’offensive à Rafah.

M. Rashwan a réaffirmé l’opposition totale de l’Égypte à cette opération, position annoncée à plusieurs reprises par les responsables politiques du pays, qui estiment que cette opération conduira à de nouveaux massacres, à des pertes humaines massives et à une destruction généralisée.

Il a ajouté que les avertissements répétés de l’Égypte sont parvenus à la partie israélienne par tous les moyens depuis qu’Israël a proposé de mener une opération militaire à Rafah. Ces avertissements mentionnent les pertes attendues et les répercussions négatives sur la stabilité de l’ensemble de la région.

Alors qu’Israël envisage de mener cette opération à laquelle l’Égypte, la plupart des pays du monde et leurs institutions internationales s’opposent, les efforts de l’Égypte depuis le début de l’agression israélienne se focalisent sur la conclusion d’un accord de cessez-le-feu et sur l’échange de prisonniers et de détenus, a précisé M. Rashwan.

Ce dernier a indiqué que l’Égypte cherchait à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord et dans la ville de Gaza, ainsi que l’évacuation des blessés et des malades pour qu’ils soient soignés en dehors de cette région.

L’Égypte s’est opposée à plusieurs reprises au déplacement des Palestiniens de Gaza et met en garde contre toute opération militaire à Rafah.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com