Procès13-novembre: le «double discours» de l'un des kamikazes en question

L'exposé sur Brahim Abdeslam, qui s'était fait exploser au Comptoir Voltaire après avoir mitraillé les terrasses de la capitale française, s'est fait en l'absence de son frère cadet Salah Abdeslam. (Photo, AFP)
L'exposé sur Brahim Abdeslam, qui s'était fait exploser au Comptoir Voltaire après avoir mitraillé les terrasses de la capitale française, s'est fait en l'absence de son frère cadet Salah Abdeslam. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 27 novembre 2021

Procès13-novembre: le «double discours» de l'un des kamikazes en question

  • «Abdeslam Brahim», dit l'enquêteur belge, «est le premier individu que l'on voit» dans la vidéo de l'organisation Etat islamique revendiquant les attentats de Paris
  • Auparavant, ce Français né dans la commune bruxelloise de Molenbeek, au passé de «petit délinquant», n'avait jamais fait partie de la «documentation antiterroriste»

PARIS : "On avait tout sur un plateau d'argent mais on n'a pas su s'en servir": le procès des attentats, survenus le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, a mis en lumière vendredi le "cafouillage" de la police belge qui avait relâché l'un des futurs kamikazes.

L'exposé sur Brahim Abdeslam, qui s'était fait exploser au Comptoir Voltaire - un bar situé dans l'est parisien - après avoir mitraillé les terrasses de la capitale française, s'est fait en l'absence de son frère cadet Salah Abdeslam qui, pour le deuxième jour consécutif, a refusé de comparaître à l'audience.

Avec quatre autres accusés - onze hommes comparaissent détenus au total - le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis (au nord-est de Paris) protestait ainsi contre l'absence physique à la barre et l'anonymisation d'enquêteurs belges cités comme témoins. 

C'est donc depuis Bruxelles et devant un box à moitié vide que le policier antiterroriste "440.232.779" revient, en visioconférence, sur son enquête démarrée, insiste-t-il à plusieurs reprises, au lendemain des attentats, le 14 novembre 2015. 

"Abdeslam Brahim", dit l'enquêteur belge d'un ton haché, sans lever les yeux de ses notes, "est le premier individu que l'on voit" dans la vidéo de l'organisation Etat islamique (EI) revendiquant les attentats de Paris. 

Auparavant, ce Français né dans la commune bruxelloise de Molenbeek, au passé de "petit délinquant", n'avait jamais fait partie de la "documentation antiterroriste", souligne l'enquêteur. 

Le café "Les Béguines" - qu'il gérait avec son frère Salah Abdeslam - servait de "repère" pour la vente de drogue, apprendront les policiers. Il était aussi le lieu de "soirées vidéo" où Brahim Abdeslam visionnait la propagande de l'EI avec d'autres protagonistes du dossier, diront ces derniers. 

Le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès, veut savoir si on peut déduire des investigations qu'il y avait un "double discours" de Brahim Abdeslam, une "taqiya" (dissimulation) de sa part sur son engagement djihadiste. 

"Clairement, il prenait grand soin de cacher une partie de sa vie", opine le témoin. 

Sur leurs strapontins, avocats de parties civiles et de la défense s'agitent. 

«Sous la main»

Pourquoi Brahim Abdeslam, qui avait fait l'objet début 2015 d'un signalement pour une suspicion de départ en Syrie, n'a-t-il pas été "contrôlé" après une garde à vue neuf mois avant les attentats ?  

Il avait été interpellé par hasard, le 16 février 2015, quelques jours après son retour de Turquie, lors d'un contrôle dans une affaire de "roulage" - terme belge pour les infractions routières. 

Dans ses affaires, sont saisis un téléphone et un document intitulé "La permission des parents pour faire le djihad". Interrogé à ce sujet par la police, Brahim Abdeslam répondra: "C'est un document qui démontre bien que je suis contre le djihad et contre les jeunes qui partent sans l'autorisation des parents". 

Il expliquera aussi que s'il a eu des "idées radicales" par le passé, il n'en a plus et qu'il "fume du shit tous les jours". 

Un discours qui semble convaincre la police locale, qui relâche Brahim Abdeslam après son audition. 

"On est d'accord qu'il se moque de vous là ?", demande au témoin l'un des avocats de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos ayant frappé la France, Me Martin Vettes. 

"Il se moque de la police de Bruxelles, oui", convient l'enquêteur, désireux de distinguer la "police locale" et les services antiterroristes. 

L'autre avocate de Salah Abdeslam, Me Olivia Ronen, revient à la charge sur cette garde à vue et sur le "cafouillage" autour du téléphone saisi lors du contrôle routier. 

Ce portable, qui n'a pas été analysé tout de suite, puis sommairement, contenait une conversation datée du 1er juillet 2014, entre Brahim Abdeslam et l'un de ses proches parti en Syrie, Abdelhamid Abaaoud, chef opérationnel présumé des attentats du 13 novembre 2015. 

Dans cet échange, quelques jours après la proclamation du "califat" par l'Etat islamique, Abdelhamid Abaaoud invite son ami à "rejoindre l'armée d'Allah", à "déchirer des kouffars" (mécréants). 

"On peut penser que les choses auraient pu se passer différemment si cette conversation avait été exploitée, si ce fil avait été tiré. (...) Elle aurait pu changer le cours des choses", commente Me Ronen. 

Evoquant un "raté", une autre avocate de la défense, Ne Negar Haeri, se glace: "On l'avait sous la main cet homme. On avait tout sur un plateau d'argent mais on n'a pas su s'en servir. Ca fait froid dans le dos rétrospectivement".


La cour d'assises de Paris se dit bien compétente pour juger un ex-rebelle salafiste syrien

La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
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  • Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie
  • La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre

PARIS: La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre.

La défense de Majdi Nema, un ancien membre du groupe salafiste syrien Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam) arrêté en France en 2020, a contesté mardi, au premier jour du procès, le principe de compétence universelle permettant à la justice française de juger un étranger pour des crimes commis à l'étranger sur des étrangers.

Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie.

La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre.

Cet homme de 36 ans comparaît pour complicité de crimes de guerre, soupçonné notamment d'avoir aidé à enrôler et à former à l'action armée des mineurs, et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Il conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans JAI, un groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien, qu'il dit avoir quitté en 2016.

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI en 2019, il avait été arrêté en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un séjour d'études de quelques mois. Il avait été mis en examen et écroué par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.