Présidentielle: Le flou domine encore à gauche, LR et LREM s'activent

Pas de primaire à gauche, rétorque Jadot à Hidalgo. (AFP).
Pas de primaire à gauche, rétorque Jadot à Hidalgo. (AFP).
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Publié le Jeudi 09 décembre 2021

Présidentielle: Le flou domine encore à gauche, LR et LREM s'activent

  • Du côté de la droite, les LR font actuellement le ménage puisque le parti, aussitôt Valérie Pécresse élue, s'est empressé de radier  Guillaume Peltier et Gaël Perdriau
  • A gauche, c'est encore le flou puisqu'à l'appel d'Anne Hidalgo d'organiser des primaires à gauche, le candidat Yannick Jadot a d'ores et déjà riposté en répondant par la négative 

ATHENES: Les choses se précisent de jour en jour à Paris pour ce qui est de la présidentielle de 2022. Car même si le président actuellement en exercice Emmanuel Macron n'a toujours pas fait officiellement état de sa candidature, il n'en reste pas moins que les mécanismes qui se mettent en place ne laissent plus que très peu de place au doute. Ainsi, du côté de la République en marche, Bruno Le Maire se frottera au candidat déclaré Eric Zemmour lors d'un débat télévisé organisé ce soir par France 2. Du côté de la droite, les LR font actuellement le ménage puisque le parti, aussitôt Valérie Pécresse élue, s'est empressé de radier  Guillaume Peltier (de sa fonction de vice-président) et le maire LR de Saint-Etienne Gaël Perdriau (qui lui avait tenu des propos critiques vis-à-vis d'Eric Ciotti).

 

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A gauche, c'est encore le flou puisqu'à l'appel d'Anne Hidalgo d'organiser des primaires à gauche, le candidat Yannick Jadot a d'ores et déjà riposté en répondant par la négative. 

"Non, je ne participerai pas à une primaire de la gauche", a répondu jeudi le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot à sa concurrente socialiste Anne Hidalgo qui l'a proposée la veille, "un tour de passe passe" selon lui.


Chez la maire de Paris, créditée d'entre 3 et 7% des intentions de vote dans les sondages, "il y a la volonté de sortir de l'impasse par une idée surprise", a raillé Yannick Jadot sur Europe 1. Donné lui-même dans une fourchette de 6 à 9% des intentions de vote, il a souligné avoir "déjà fait une primaire" en septembre.

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Le candidat écologiste Yannick Jadot. (AFP). 


"Quand les écologistes ont retiré leur candidature en 2017 (lui-même au profit de Benoît Hamon, NDLR), ils n'ont pas essayé de trouver un tour de passe passe", a-t-il dénoncé.


Une nouvelle primaire, portée notamment par le mouvement citoyen "Primaire populaire", "ce n'est pas le choix des écologistes, qui est de rassembler très largement autour d'idées fortes" résumées dans "l'écologie", a déclaré l'eurodéputé.


Renonce-t-il donc à l'idée de rassemblement? "Pas du tout", a rétorqué Yannick Jadot. "Je m'adresse aux électeurs socialistes, aux progressistes et aux humanistes: la dynamique qui peut gagner cette élection présidentielle, qui reprend les idées progressistes en ajoutant les enjeux essentiels de l'écologie, c'est le programme que nous portons".


Anne Hidalgo a proposé mercredi l'organisation d'une primaire à gauche pour désigner un candidat unique pour la présidentielle, invitation aussitôt déclinée par les communistes et les Insoumis qui moquent une "proposition de la dernière chance".

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Le refus de Yannick Jadot, "ce n'est pas responsable", "il veut continuer à désespérer un peu plus les électeurs de gauche et écologistes?", a dénoncé sur Public Sénat le porte-parole d'Anne Hidalgo Stéphane Troussel.


"Qu’est ce qui a fait nos victoires dans les élections locales ? C’est le rassemblement", a-t-il ajouté.


La gauche est actuellement donnée à un étiage historiquement bas par plusieurs sondages, et est fragmentée en sept candidatures dont deux à l'extrême gauche.

 

Droit de vote à 16 ans: les sénateurs PS engagent le débat

Le Sénat examine jeudi une proposition de loi PS visant à abaisser de 18 à 16 ans le droit de vote, qui n'a guère de chance d'aboutir, mais qui doit permettre "d'installer dans le débat la question de la jeunesse", selon son auteure Martine Filleul.


Le texte n'a pas été adopté par les sénateurs en commission et devrait subir le même sort dans l'hémicycle de la Haute assemblée, à majorité de droite. Il est examiné dans le cadre d'une "niche" réservée au groupe PS.


A quatre mois de l'élection présidentielle, cette proposition de loi est pour Mme Filleul "à la fois une réponse parmi d'autres à la question de l'abstention, mais aussi un geste, un symbole, une manière de montrer aux jeunes qu'ils font partie de notre République".


L'abstention des moins de 35 ans a atteint 82% aux dernières élections régionales et départementales.


L'abaissement de la majorité électorale à 16 ans est portée par la candidate socialiste à l'élection présidentielle Anne Hidalgo.


Outre la question de l'âge du droit de vote, le texte de Mme Filleul propose l'introduction au collège d'une enseignement obligatoire aux sciences politiques, sanctionné par une évaluation. Pour la sénatrice du Nord, l'objectif est "de fabriquer à nouveau des citoyens à l'école".


Elle souhaite encore rendre obligatoire la création d'un conseil de jeunes pour les communes de plus de 5.000 habitants et les départements. "Ces conseils municipaux de jeunes proposent des travaux pratiques dans l'accompagnement du vote à 16 ans et permettent aux jeunes de s'initier à la démocratie locale", estime-t-elle.


Pour la rapporteure du texte, Nadine Bellurot (LR), si la nécessité de lutter contre l'abstention des jeunes ne fait pas de doute, "la solution proposée ne semble pas opportune, pour des raisons à la fois juridiques et sociologiques".


Elle avance notamment l'argument, discuté, selon lequel majorité électorale et majorité civile "ne peuvent être dissociées".               

Premier grand débat pour le candidat Zemmour, face à Bruno Le Maire

Après son meeting électoral émaillé de violences, Éric Zemmour se plie à l'exercice de sa première grande émission politique depuis l'annonce de sa candidature jeudi soir sur France 2 (21H05), avec un duel face au ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Ce dernier semble endosser le rôle d'éclaireur en attendant qu'Emmanuel Macron ne se décide à annoncer formellement sa candidature à la course présidentielle.

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Mardi, le candidat d'extrême droite à l'Elysée avait expliqué avoir annulé un déplacement en région lyonnaise en partie pour préparer ce rendez-vous médiatique. "J'ai une émission importante jeudi soir, il faut que je travaille. Moi, vous savez, je prépare les choses, je suis un laborieux", disait-il sur BFMTV.

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Eric Zemmour a été empoigné par un individu avant de monter sur scène. L'homme suspecté vient d'être mis en examen. (AFP).


Cette émission "Elysée 2022" aura pour principale attraction le débat face à Bruno Le Maire.


"Plusieurs ministres étaient candidats" pour débattre avec Éric Zemmour, indique un cadre de la majorité. "Le Maire est un bon choix car il a une capacité de recul et de théorisation, mais qu'il saura aussi l'emmener sur des sujets plus concrets et techniques" sur le plan économique. "Jusqu'ici, Zemmour ne s'est pas emmerdé avec les détails", commente ce marcheur.

Durant son premier meeting, dimanche à Villepinte (Seine-Saint-Denis), Eric Zemmour a listé quelques propositions économiques comme la baisse des impôts de production, sa volonté de "contraindre la commande publique à privilégier les entreprises françaises" ou de réduire les cotisations pour "redonner du pouvoir d'achat" aux salariés modestes, avec "100 euros de plus" par mois. 

Mais son meeting a été parasité par des tensions et des scènes de violence. Des journalistes de l'émission Quotidien (TMC-TF1) ont été hués et mis brièvement à l'abri.

Le candidat a été empoigné par un individu avant de monter sur scène. L'homme suspecté vient d'être mis en examen

Au début de son discours, des militants de SOS racisme venus mener une action se voulant "non violente" ont été agressés par des partisans d'Éric Zemmour. Une journaliste de l'AFP a vu une cinquantaine de personnes identifiées par les forces de l'ordre comme appartenant aux Zouaves - un groupuscule d'ultra droite -  qui ont pris la pose à la sortie du meeting, en scandant: "on est chez nous".

Une enquête a été ouverte par le parquet de Bobigny.

le maire


Eric Zemmour a condamné mardi "toutes les violences", tout en qualifiant les militants de SOS Racisme de "provocateurs", de "chiens truffiers des subventions", et les médias de "complaisants".

L'ancien éditorialiste devrait à nouveau être interrogé sur le sujet, tout comme sur son rapport aux médias.

La semaine dernière, il était apparu tendu lors de son premier entretien de candidat au JT de 20h de TF1, puis avait tenu des propos insultants à l'endroit du journaliste Gilles Bouleau après l'interview.

Fin septembre Eric Zemmour, qui n'avait alors pas encore annoncé sa candidature, avait débattu avec le candidat insoumis Jean-Luc Mélenchon sur BFM-TV devant 3,8 millions de téléspectateurs, un carton d'audience pour la chaîne qui réalisait là le deuxième meilleurs score de son histoire.     

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Pour son 120ème anniversaire, le Parti radical souffle ses bougies avec Macron

Le Parti radical, qui fête ses 120 ans, doit officialiser ce week-end son soutien à Emmanuel Macron pour la présidentielle et son intégration à la "maison commune" de la majorité, en appelant à une "plateforme de gouvernement" pour le prochain quinquennat.


Une exposition retraçant ses heures glorieuses dans son siège parisien et un colloque à l'Assemblée nationale: le "plus vieux parti de France" fête cette semaine son anniversaire en grande pompe.


Point d'orgue: son congrès, vendredi et samedi, lors duquel il doit entériner son soutien au futur candidat Macron à la présidentielle, si tant est que les militants adoptent la résolution en ce sens proposée par leur président, Laurent Hénart.


L'ancien maire de Nancy dont le parti "radicalement républicain" situé au centre de l'échiquier politique fut autrefois compagnon de route de l'UDF et de l'UMP, plaide pour une future "plateforme de gouvernement", avec "dix ou quinze propositions identifiables".


"La logique, c'est donc qu'on puisse entrer dans la campagne pour préparer une nouvelle majorité, avec de nouvelles formations, de nouvelles personnalités", poursuit celui qui estime que "la recomposition politique n'a pas encore eu lieu".


Son parti en a d'ailleurs fait l'expérience après l'élection d'Emmanuel Macron: après une tentative de rabibochage avec le Parti radical de gauche - lui-même issu d'un schisme en 1973 et historiquement proche du PS - , les Radicaux réunifiés s'étaient rebaptisés Mouvement radical social-libéral en 2017. 


Las: une partie des troupes de l'ex-PRG, généralement des proches de Jean-Michel Baylet, ont claqué la porte de la colocation à peine quelques mois plus tard.


Redevenu "Parti radical", ses élus sont éparpillés dans plusieurs groupes à l'Assemblée nationale - certains avec LREM, d'autres chez "Libertés et territoires".


Toujours plus compliqué: nombre de figures du parti sont restées fidèles aux majorités régionales auxquelles elles appartenaient historiquement, contre La République en marche. 


Ainsi par exemple dans le Grand-Est (à majorité LR), le Centre-Val-de-Loire (à majorité de gauche plurielle), mais aussi en Île-de-France, présidée par... Valérie Pécresse.


Le congrès des 120 ans se veut ainsi celui de la clarification, alors que - ultime paradoxe - le parti compte depuis 2017 un ministre dans ses rangs: Annick Girardin, titulaire du portefeuille de la Mer.


"L'objectif, c'est être plus fort, plus visible, avec plus de parlementaires", plaide Laurent Hénart, qui entend également intégrer la "maison commune" de la majorité lancée la semaine dernière, baptisée "Ensemble citoyens!".


Ce choix a cependant été contesté mercredi par Bertrand Pancher, membre du bureau national et patron du groupe Libertés et territoires à l'Assemblée, souvent en opposition à la majorité lors des votes. Dans une "lettre ouverte aux radicaux" que l'AFP a pu consulter, il indique se "mettre en retrait" du parti, contestant une "vassalisation précipitée". 


Pour le député de la Meuse, "l'indépendance est une exigence". Et de lancer: "Je me désespère de la dilution de notre formation dans une maison commune qui nous relèguerait à la cave". 


Les députés s'apprêtent à baisser le rideau sur la partie «recettes» du budget de l'Etat

Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
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  • Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession
  • La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent

PARIS: Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle.

Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent.

Les députés s'empareront mardi en séance du budget de la Sécurité sociale, rejeté en commission vendredi.

Celui-ci doit faire l'objet d'un vote solennel le 12 novembre, après lequel pourront reprendre les discussions sur le projet de loi de finances, jusqu'au plus tard le 23 novembre à minuit - les délais constitutionnels obligeant alors le gouvernement à transmettre le texte au Sénat. Le gouvernement tablait ces jours-ci sur un vote le 18 novembre pour la partie "recettes" du budget de l'Etat.

Mais d'ores et déjà le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (LR), anticipe son rejet: "Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu'en fait elle ne va satisfaire personne", a-t-il dit sur LCI dimanche.

En cas de rejet de cette première partie, le projet de budget partirait au Sénat dans sa version initiale.

"Ecœurement" 

L'adoption du texte nécessiterait l'abstention des socialistes et des écologistes (et le vote positif de la coalition gouvernementale). Or rien ne la laisse présager à ce stade.

Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a ainsi fait part dans une interview à La Tribune Dimanche de son "écœurement", après le rejet vendredi de la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, et alors que la gauche peine de manière générale à "mettre de la justice dans ce budget".

"Si on devait nous soumettre le budget aujourd'hui, nous voterions évidemment contre, en sachant tout ce que cela implique, à savoir la chute du gouvernement", a ajouté celui dont le groupe avait décidé de laisser sa chance à Sébastien Lecornu en ne le censurant pas.

Les écologistes se montrent eux aussi sévères, vis-à-vis du gouvernement mais aussi des socialistes, dont ils semblent critiquer une quête du compromis à tout prix: "Je ne comprends plus ce que fait le PS", a déclaré la patronne des députés écolos Cyrielle Chatelain sur franceinfo vendredi soir.

Mais le texte ne fait pas seulement des mécontents à gauche. Le gouvernement a lui aussi marqué ses réticences face à des votes souvent contraires à ses avis, qui ont abouti à alourdir la pression fiscale.

"Je pense qu'il faut qu'on arrête de créer des impôts (...) Aujourd'hui, si je compte les mesures sur l'impôt des multinationales, sur les rachats d'actions, sur la taxe sur les super-dividendes et l'ensemble des amendements qui ont été votés, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait au moins (...) 45,1% du PIB, c'est plus qu'en 2013 où il était à 44,8%", a fustigé Amélie de Montchalin vendredi soir.

"Sorcellerie fiscale" 

Le ministre de l'Economie Roland Lescure a lui mis en garde contre la "sorcellerie fiscale" et le vote de mesures "totalement inopérantes". Particulièrement dans son viseur, une "taxe Zucman" sur les multinationales censées rapporter 26 milliards d'euros, selon son initiateur Eric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances.

Montré du doigt par la droite pour son soutien à la mesure, le Rassemblement national a assumé son vote: le président du RN Jordan Bardella a défendu sur X un "mécanisme de lutte contre la fraude fiscale des grandes multinationales étrangères".

Sur France Inter dimanche, le vice-président du RN Sébastien Chenu a cependant fustigé un budget "de bric et de broc", qui crée "beaucoup d'impôts" sans s'attaquer "aux dépenses toxiques".

Vendredi, reconnaissant les limites de la discussion budgétaire pour parvenir à une copie d'ensemble cohérente, le Premier ministre a demandé "à l'ensemble des ministres concernés" de réunir les représentants des groupes pour "essayer de se mettre d'accord sur les grands principes de l'atterrissage d'un texte pour la Sécurité sociale et pour le projet de loi de finances".

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.