Procès d'un Franco-Rwandais pour complicité de génocide: un accusé impénétrable

L'ancien chauffeur d'hôtel franco-rwandais Claude Muhayimana (au milieu) arrive au palais de justice de Paris pour son procès, dans lequel il est accusé de complicité dans le génocide rwandais de 1994. (Photo, AFP)
L'ancien chauffeur d'hôtel franco-rwandais Claude Muhayimana (au milieu) arrive au palais de justice de Paris pour son procès, dans lequel il est accusé de complicité dans le génocide rwandais de 1994. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 10 décembre 2021

Procès d'un Franco-Rwandais pour complicité de génocide: un accusé impénétrable

  • Ancien chauffeur d'un établissement touristique d'Etat à Kibuye, Claude Muhayimana est jugé pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité
  • S'il a bénéficié d'un non lieu partiel pour des faits le mettant en cause directement dans des tueries, il comparaît depuis le 22 novembre pour avoir transporté des miliciens Interahamwe

PARIS: Qui est Claude Muhayimana ? Un "menteur et manipulateur" décrit par son ex-épouse ou "quelqu'un de bien victime d'une injustice" selon une ancienne connaissance ? Trois semaines après le début de son procès à Paris pour complicité de génocide, le Franco-Rwandais reste un personnage opaque.

Depuis le début des audiences, l'accusé, un homme de 60 ans à l'allure passe-partout, est resté impénétrable et tranquille, même lorsqu'un des témoins l'a exhorté à "dire la vérité" sur son rôle pendant les terribles mois d'avril à juillet 1994 à Kibuye, dans l'ouest du Rwanda.

Ancien chauffeur d'un établissement touristique d'Etat à Kibuye, Claude Muhayimana est jugé pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité, dans ce troisième procès en France lié au génocide des Tutsi du Rwanda, qui a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994.

S'il a bénéficié d'un non lieu partiel pour des faits le mettant en cause directement dans des tueries, il comparaît depuis le 22 novembre pour avoir transporté des miliciens Interahamwe, bras armés du régime génocidaire hutu, sur des lieux de massacre à Kibuye et dans les collines avoisinantes, où des dizaines de milliers de Tutsi ont trouvé la mort dans des conditions abominables.

Plusieurs rescapés, mais aussi des génocidaires condamnés au Rwanda - et interrogés par visio conférence - ont témoigné, lors d'audiences longues et parfois laborieuses, souvent traduites du kinyarwanda, que l'accusé avait transporté, à plusieurs reprises, des miliciens et des gendarmes à bord d'un véhicule Daihatsu bleu. Pas le moindre doute sur l'objectif de ces transports: "Exterminons-les", chantaient les tueurs, en exhibant leurs machettes.

"Je l'ai vu de mes propres yeux": la phrase est revenue souvent dans la bouche de plusieurs témoins, en dépit de contradictions ou d'imprécisions dans des récits parfois décousus, racontés plus de 27 ans après les faits.

Mais l'un des témoignages les plus dévastateurs pour l'accusé est sans doute venu de son ex-épouse, Médiatrice Musengeyezu, une élégante femme de 55 ans, qui, questionnée sur la personnalité de son ex, a répondu en français: "menteur et manipulateur".

Elle a répété l'avoir vu transporter des tueurs. "Je ne peux pas affirmer qu'il a été forcé de le faire, il ne m'a jamais dit qu'il a été forcé. Il m'a dit que son travail était de conduire le véhicule", a-t-elle dit, alors que la question de la contrainte (le chauffeur avait été réquisitionné par les autorités) est un argument crucial de la défense.

Ambiguïtés

Pour autant, Mme Musengeyezu, elle-même Tutsi, n'a jamais dévié de ses précédentes déclarations prononcées pendant l'enquête: "je n'ai jamais vu Claude tuer quelqu'un", a-t-elle redit.

Et elle a raconté, corroborant d'autres témoignages, que son mari avait caché chez lui des Tutsi, dont des membres de sa famille, décrivant comment il avait acheté le silence d'Interahamwe ayant découvert la présence de deux enfants cachés dans une chambre.

"Claude a fait tout ce qu'il pouvait pour nous, il nous a aidé dans ce qui a fait que nous avons survécu", a raconté en visioconférence depuis Kigali Xavera Musengiyaremye, la tante de l'ex-épouse.

"Honnêtement, il a fait du bien pour moi, car il a caché ma nièce", a dit un autre témoin, Jean-Bosco Nkundunkundiye, qui a toutefois souligné que pendant le génocide, "les gens qui cachent des gens, ils tuent aussi les autres. C'était une attitude généralisée".

L'ambiguïté de l'accusé s'est esquissée au cours des témoignages.

"A Kibuye, il était quelqu'un de gentil, mais au moment du génocide tout a changé", a ainsi lancé Uzzias Bailleux, 61 ans, Rwandais résidant en France.

Mais pour Spéciose Nirakundo, une femme de ménage de 51 ans, exilée en France depuis 2014, "Monsieur Claude est victime d'une injustice, et je veux qu'il soit rétabli dans ses droits". "Tel que je le connais, c'est quelqu'un de bien et je ne peux pas l'accuser de faits dont je n'ai pas été témoin", déclare cette ancienne institutrice.

Claude Muhayimana, qui affirme ne pas avoir été à Kibuye aux dates de massacres où il a été vu transportant les tueurs, sera entendu sur le fond à partir de lundi. Le jugement est prévu en fin de semaine prochaine. L'accusé, qui comparaît libre, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".