Les assassinats de Palestiniens par Israël passés sous silence, à moins que la victime ne soit américaine

Affiche nécrologique du Palestino-américain Omar Abdelmajeed As'ad (fournie)
Affiche nécrologique du Palestino-américain Omar Abdelmajeed As'ad (fournie)
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Publié le Dimanche 16 janvier 2022

Les assassinats de Palestiniens par Israël passés sous silence, à moins que la victime ne soit américaine

Les assassinats de Palestiniens par Israël passés sous silence, à moins que la victime ne soit américaine
  • Les États-Unis ferment les yeux sur ces meurtres dès lors que l'étiquette de « terroriste » est apposée aux victimes
  • En effet, un Américain d'origine palestinienne (80 ans) a été retrouvé mort cette semaine après avoir été détenu et menotté par les forces israéliennes au cours d'un raid

La manière dont les Israéliens défendent les actes de violences perpétrés par les soldats israéliens et les colons armés a certes évolué. Ils qualifient désormais les victimes de « terroristes ».

Les États-Unis –  principal bailleur de fonds d'Israël, allouant à ce dernier plus de 3,3 milliards de dollars chaque année –  se moquent ou ferment les yeux sur ces meurtres dès lors que l'étiquette de « terroriste » est apposée aux victimes. Ils préfèrent utiliser le terme plus neutre de « cycle de violence », épargnant ainsi toute responsabilité à Israël.

De temps à autre, cependant, on s’assure de ne pas placer une victime dans cette catégorie ; ce scénario se vérifie en effet pour les meurtres que les responsables américains sont incapables d’ignorer complètement comme ils le souhaiteraient.

En effet, un Américain d'origine palestinienne (80 ans) a été retrouvé mort cette semaine après avoir été détenu et menotté par les forces israéliennes au cours du raid qu'elles ont mené dans le village de Jiljilya qui jouxte Ramallah.

Israël interdisant aux médias de faire état des « actions militaires », la seule source d'information n'est autre que l'armée et la police israéliennes.

Dans un communiqué, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont rapporté que Omar Abdelmajeed As'ad « a été appréhendé après s'être opposé à un contrôle » lors du raid dans le village de Jiljilya. Les Forces de défense israéliennes prétendent qu'As'ad est décédé après avoir été libéré.

« La division des Enquêtes Criminelles de la Police Militaire est en train d'examiner l'incident et les conclusions seront ensuite transférées au Corps des Avocats Généraux de l'Armée », a rapporté dans un communiqué le Département d'Etat américain en reprenant les propos d'Israël.

Lorsqu'un Américain meurt aux États-Unis dans des circonstances similaires à celles ayant mené à la mort d'As'ad, des procès sont intentés, des enquêtes sont lancées, et la police est dénoncée. La nouvelle fait couler de l'encre, surtout si la victime est afro-américaine.

Mais M. As'ad a eu le malheur de vivre dans une région occupée par Israël. Ici, les soldats israéliens sont libres d'agir sans payer le prix de leurs actions et le gouvernement israélien ne rend de comptes que dans de rares circonstances.

L'American-Arab Anti-Discrimination Committee (Comité américano-arabe de lutte contre la discrimination) a qualifié la mort d'As'ad de meurtre. A la suite de cette désignation, le porte-parole du Département d'Etat américain, Ned Price, a répondu à la question d'un journaliste en affirmant que « nous appelons à mener une enquête approfondie afin de déterminer les circonstances entourant cette affaire ».

« Le département d'État a présenté ses condoléances à la famille et lui a proposé une assistance consulaire », a ajouté M. Price.

 

Omar Abdalmejeed As'ad a eu le malheur de vivre dans une région occupée par Israël ; ici, les soldats israéliens sont libres d'agir sans payer le prix de leurs actions.

 

Ray Hanania

 

Cette réponse me paraît plus appropriée que les réponses habituelles apportées suite aux décès de Palestiniens dans de telles circonstances.

Le nom de M. As'ad vient grossir la liste des Américains abattus par des soldats et des colons israéliens.

Parmi ceux-ci figure la militante sociale Rachel Corrie, morte le 16 mars 2002 après avoir été écrasée par un bulldozer militaire alors qu'elle manifestait contre la démolition de maisons palestiniennes par les forces israéliennes. Dix ans après sa mort, un tribunal israélien a rejeté un procès civil dans lequel sa famille demandait à l'État d'assumer la responsabilité de son meurtre.

Les circonstances de la mort d'As'ad sont certes louches. Quelques heures après avoir été « libéré » sans charge par les autorités israéliennes, on l'a retrouvé attaché au poignet par une bande en plastique.

On soupçonne qu'il est mort en détention.

L'agence de presse palestinienne WAFA affirme qu'As'ad « conduisait sa voiture pour rentrer chez lui après une visite à des proches quand des soldats israéliens l'ont arrêté, l'ont fait descendre de sa voiture, lui ont bandé les yeux, lui ont passé les menottes puis l'ont conduit sur un chantier en compagnie de quatre autres habitants du village ».

Après le départ des soldats, M. As'ad a été retrouvé mort sur les lieux à environ 4 h 30 du matin, selon le chef du conseil municipal, Fouad Moutee.

As'ad vivait autrefois à Milwaukee, dans le Wisconsin, qui compte une importante communauté palestino-américaine et arabe. Comble de l'ironie, c'est dans cette même ville que vivait Golda Mabovitch, qui a pris le nom de Meir après avoir émigré en Palestine en 1921 pour devenir la première femme Premier ministre d'Israël.

Je suis ravi de voir que le département d'État a au moins reconnu la mort d'As'ad. Mais il ne faut pas espérer que cette affaire mène à quoi que ce soit.

L'American Arab Anti-Discrimination Committee (Comité américano-arabe contre la discrimination - ADC) a émis une déclaration dans laquelle il conteste la réponse d'Israël.

« Ce crime est loin de nous surprendre dans la mesure où les forces israéliennes continuent ces derniers mois à détenir illégalement des Palestiniens et à assassiner des enfants innocents », soulignent les responsables de l'ADC.

« Il convient de rappeler qu'Israël bénéficie de la plus importante aide étrangère – financée par l'argent de nos impôts –  sans exiger de ce pays de respecter les droits de l'homme. Un pays qui ne cesse de violer les lois internationales et les droits de l'homme ne devrait en aucun cas recevoir un chèque en blanc provenant de nos impôts ».

Je partage cet avis en tant que Palestinien américain.

Combien de temps faudra-t-il attendre avant que justice ne soit rendue lorsque l'un de nous est tué ?

Ray Hanania est un éditorialiste et ancien journaliste politique primé auprès de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse www.Hanania.com. Twitter :@RayHanania

 

NDRL : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com